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Lutte contre le terrorisme : les nouveautés législatives
Mots-clefs : Terrorisme, Nouveauté, Loi, Lutte contre le terrorisme, Actes d’investigation, Délit terroriste, Renforcement des contrôles, État d’urgence, Vidéosurveillance des cellules de détention
Deux lois importantes, votées cet été, visent à renforcer le dispositif permettant de lutter contre le terrorisme.
■ La première est la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, dite « loi Urvoas ».
Pour l’essentiel, cette loi, qui contient près de 120 articles, permet de nouveaux actes d’investigation en matière de criminalité organisée, en étendant à la phase d’enquête certains moyens jusque-là réservés à l’instruction (sonorisations et fixation d’images, C. pr. pén., art. 706-96, et accès à distance à des données stockées sur un système informatique – C. pr. pén., art. 706-102-1 s.) et en créant de nouveaux actes d’investigation possibles en enquête (sur autorisation du juge des libertés et de la détention) comme lors d’une instruction (à savoir, l’accès à distance aux correspondances électroniques – C. pr. pén., art. 706-95-1 s., et l’interception de correspondances électroniques ou recours aux IMSI-catchers – C. pr. pén., art. 706-95-4 s.). En outre, en matière terroriste uniquement, des perquisitions de nuit dans les locaux d’habitation deviennent possibles en enquête préliminaire (C. pr. pén., art. 706-90) et certaines opérations (telles que des surveillances, infiltrations, écoutes téléphoniques etc…) pourront être réalisées par les officiers et agents de police judiciaire spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, sur autorisation du procureur de la République, pour une durée de 48 heures à compter de la délivrance d’un réquisitoire introductif (art. 706-24-2).
Le texte crée de nouveaux délits terroristes (l’extraction, la transmission ou la reproduction de données faisant l’apologie du terrorisme pour entraver leur retrait ou leur blocage judiciaire ou administratif - C. pén., art. 421-2-5-1, et la consultation habituelle d’un site faisant l’apologie du terrorisme ou y provoquant, C. pén., art. 421-2-5-2), augmente la période de sûreté pour les crimes terroristes (C. pén., art. 421-7) et renforce les conditions d’octroi de la libération conditionnelle pour les personnes condamnées pour terrorisme (C. pr. pén., art. 730-2-1). Il créé encore un service de renseignement pénitentiaire.
Un autre aspect important de ce texte réside dans le renforcement des contrôles administratifs, par la possibilité de fouiller des bagages aux fins de recherche et de poursuites de certaines infractions (art. C. pr. pén., art. 78-2-2, III) et de retenir pour quatre heures une personne dont le contrôle ou la vérification d’identité « révèle qu’il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités à caractère terroriste » (C. pr. pén., art. 78-3-1).
La loi créé un nouveau fait justificatif pour tout policier ou gendarme faisant « un usage absolument nécessaire et proportionné de son arme dans le but exclusif d’empêcher la réitération (…) d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis » (C. pén., art. 122-4-1) et elle apporte certaines modifications à la procédure pénale en général, parmi lesquelles on signalera : la possibilité pour le suspect qui a été entendu librement ou gardé à vue de demander au parquet, un an après, de consulter le dossier de la procédure (C. pr. pén., art. 77-2) ; le droit de se faire assister par un avocat lors de reconstitutions ou d’identifications (C. pr. pén., art. 61-3, en vigueur le 15 nov. 2016) ; le droit du gardé à vue de communiquer directement, par téléphone, par écrit ou à l’occasion d’un entretien, avec un de ses proches ou avec son employeur (C. pr. pén., art. 63-1, en vigueur le 15 nov. 2016) ; la limitation de la durée totale des écoutes téléphoniques (C. pr. pén., art. 100-2 ; un an pour la criminalité de droit commun, voire deux pour la criminalité organisée) ; l’encadrement des perquisitions dans les locaux d’une juridiction (C. pr. pén., art. 56-5, en vigueur au 1er oct. 2016) ; l’institution du procureur de la République comme garant de l’impartialité de l’enquête et du respect des droits des personnes (C. pr. pén., art. 39-3).
■ La seconde est la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.
Ce texte proroge d’abord, et ce pour la quatrième fois, l’état d’urgence pour une durée de 6 mois (soit jusqu’à fin janvier 2017) en permettant : l’interdiction des cortèges, défilés et rassemblements dont la sécurité ne peut être assurée ; la fermeture des lieux de culte où seraient tenus des propos incitant à la haine, provoquant à la commission d’actes terroristes ou faisant l’apologie de ces actes ; des contrôles d’identité, visites de véhicules, inspections visuelles et fouilles de bagages sur autorisation du Préfet ; la saisie des données informatiques révélées lors de perquisitions administratives (pour la censure des précédentes dispositions, V. Cons. const., 19 févr. 2016, Ligue des droits de l’Homme, n° 2016-535 QPC ; et pour une première application des nouvelles dispositions, V. CE, ord., 5 août 2016, Ministre de l’intérieur, n° 402139, autorisant l’exploitation des données contenues dans un téléphone portable saisi lors d’une perquisition et contenant des vidéos suggérant une pratique radicale de l’Islam et des contacts avec des individus se trouvant en zone de combat syro-irakienne).
Il comprend ensuite des « dispositions relatives au renforcement de la lutte antiterroriste » destinées à compléter – encore – les différents codes (pénal, de procédure pénale et de la sécurité intérieure), parmi lesquelles : la « vidéosurveillance des cellules de détention dans lesquelles sont affectées les personnes placées sous-main de justice faisant l’objet d’une mesure d’isolement dont l’évasion ou le suicide pourraient avoir un impact important sur l’ordre public eu égard aux circonstances particulières à l’origine de leur incarcération et à l’impact de celles-ci sur l’ordre public » (L. n° 2009-1436 du 24 nov. 2009, art. 58-1; V. TA Versailles, 15 juill. 2016, n° 1604905, qui a rejeté le référé-liberté de Salah Abdeslam, dont la cellule est vidéosurveillée 24h sur 24) ; l’allongement du délai maximal d’assignation à résidence des djihadistes de retour sur le territoire (qui passe de un à trois mois, CSI, art. L. 225-2) ; l’aggravation des peines encourues, notamment par les dirigeants de groupements ou d’ententes destinés à préparer un acte terroriste (C. pén., art. 421-5 et 421-6) ; la limitation à 6 mois – contre deux ans auparavant – de l’interdiction de sortie du territoire des « candidats au Djihad » (CSI, art. L. 224-1) ; ou encore la possibilité de recueillir en temps réel des informations ou documents traités ou conservés par les réseaux ou services de communications électroniques (données de connexion comprises) relatifs à une personne préalablement identifiée susceptible d’être en lien avec une menace (CSI, art. L. 851-2-I).
Références
■ Cons. const., 19 févr. 2016, Ligue des droits de l’Homme, n° 2016-535 QPC : AJDA 2016. 340 ; D. 2016. 429, ; AJCT 2016. 202, étude J.-C. Jobart ; Constitutions 2016. 100, chron. L. Domingo.
■ CE, ord., 5 août 2016, Ministre de l’intérieur, n° 402139.
■ TA Versailles, 15 juill. 2016, n° 1604905 : AJDA 2016. 1480.
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