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Droit de la famille
Majeur sous tutelle : conditions relatives à l’autorisation de se pacser
Mots-clefs : Personnes, Incapacités, Tutelle, Pacs, Acte strictement personnel, Juge, Autorisation, Conditions, Consentement suffisant, Appréciation
Même incapable, le majeur sous tutelle apte à exprimer un consentement libre et éclairé à la conclusion d’un PACS et à justifier la stabilité de sa vie personnelle doit y être autorisé.
En 2015, un majeur sous tutelle avait, un peu plus d’un an après avoir été placé sous cette mesure de protection, demandé au juge des tutelles l'autorisation de conclure un pacte civil de solidarité avec sa compagne, ainsi que le requiert l’article 462 du Code civil. Après l’avoir obtenue, son fils, qui avait été désigné en qualité de tuteur, contesta cette autorisation, pourtant confirmée en cause d’appel. Il soutenait principalement devant la Cour de cassation que s'étant bornés à constater que si l'atteinte aux « fonctions exécutives » relevée par le médecin expert justifiait le maintien d'une mesure de tutelle, force était de constater que la parole de son père était « claire quant à sa volonté actuelle de donner un statut et avantager sa compagne », motif que le demandeur au pourvoi jugea impropre à caractériser un consentement libre et éclairé.
Son pourvoi est rejeté au motif que, faisant application de l'article 462 du Code civil, la cour d’appel avait d’une part relevé que le tutélaire et sa compagne avaient eu un enfant en 1979 et vivaient ensemble depuis 1981, d'autre part, qu'il résultait des débats que le majeur protégé avait proposé à sa compagne de se marier et que celle-ci, qui avait alors refusé, souhaitait aujourd'hui conclure un pacte civil de solidarité, enfin, que si l'état de santé de l'intéressé justifiait le maintien de la mesure de protection, sa parole était claire quant à sa volonté de donner un statut à sa compagne, de sorte que la seule opposition des enfants du premier lit ne pouvait à elle-seule justifier le refus d'une mesure conforme à la volonté exprimée par le majeur protégé.
Cette décision consacre la volonté que partagent le juge et le législateur de favoriser l’autonomie de l’incapable, notamment dans sa sphère intime et personnelle. Bien que son incapacité suppose une protection de sa personne et donc un contrôle de ses choix et de ses actes, patrimoniaux comme privés, la liberté de prendre les décisions qui le concerne est néanmoins préservée. Ainsi la loi du 5 mars 2007 ayant réformé le droit des incapacités énonçait-elle déjà en ce sens que la protection des majeurs est instaurée « dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne protégée » (C. civ., art. 415, al. 2). Quelle que soit la mesure de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future), l’article 459, alinéa 1er du Code civil pose le principe d’autonomie de la personne, selon lequel le majeur protégé prend lui-même les décisions touchant à sa personne. La loi pose ainsi l’obligation de laisser le majeur protégé prendre seul les décisions touchant à sa personne et, à tout le moins, impose de recueillir a priori le consentement de la personne protégée. Cette volonté législative est manifestement respectée par le juge, qui tient compte de la finalité de la protection de l’incapacité – l’intérêt de la personne protégée, en sorte qu’il faut favoriser, « dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci » (art. 415, al. 3 ; Civ. 1re, 27 févr. 2013, n° 11-28.307: La protection des majeurs, de leur personne et de leurs biens, que leur état ou leur situation rend nécessaire, a pour finalité l’intérêt de la personne protégée.).
« Dans la mesure du possible »... La prudence de la formule légale révèle que cette recherche de préserver l’autonomie du majeur ne doit pas occulter la nécessité de vérifier la qualité de son discernement lorsque ce dernier agit. Aussi bien, si le majeur protégé reste en principe libre de faire des choix concernant sa personne (C. civ., art. 459), donc sans intervention ni, à plus forte raison, sa substitution par la personne qui le protège ou par le juge, comme par exemple le choix de son logement ou le fait d’entretenir des relations avec les personnes de son choix (C. civ., art. 459-2), certains de ses actes, même « strictement personnels » pour reprendre les termes du législateur, sont tout aussi strictement encadrés ; ainsi la conclusion d’un PACS du majeur placé sous tutelle est, à l’instar de son mariage, dépendante de l’autorisation du juge après audition des futurs partenaires et recueil, le cas échéant, de l’avis des parents et de l’entourage. Cette précaution se comprend, le trouble mental pouvant conduire à un consentement, existant certes, mais insuffisant. Le risque est sans doute plus important pour la conclusion d’un PACS qu'en matière de mariage, la célébration par l'officier d'état civil lors d'une cérémonie publique, la publication des bans et la possibilité de former opposition, permettant d'éviter certaines unions matrimoniales, quand la simple déclaration conjointe du PACS au greffe (devant l'officier de l'état civil de la commune depuis le 1er nov. 2017) (C. civ., art. 515-3) paraît moins protectrice.
Nécessaire, le contrôle judiciaire d’un consentement suffisamment éclairé à la conclusion de ce contrat privé repose, comme en témoigne la décision rapportée, sur une pluralité de critères, dont la réunion sera nécessaire à l’octroi de l’autorisation sollicitée : en l’espèce, l’amélioration de l’état mental du majeur, celle-ci expliquant sans doute la clarté exprimée de son intention de se pacser, ainsi que la durée de son union, à la fois conjugale mais aussi familiale, ont déterminé la décision des juges. Il est enfin et surtout intéressant de relever que, alors même que la loi prévoit la nécessité de prendre en compte l’avis de l’entourage des éventuels futurs partenaires, la désapprobation du fils du majeur protégé, qui était de surcroît son tuteur, est purement et simplement ignorée par la Cour de cassation dans cette affaire, les juges du fond ayant néanmoins relevé que celui-ci « détestait visiblement » sa belle-mère, en sorte que cette indifférence affichée à l’opinion du tuteur ne devrait pas pouvoir être généralisée.
Civ. 1re, 15 nov. 2017, n° 16-24.832
Référence
■ Civ. 1re, 27 févr. 2013, n° 11-28.307 P : D. 2013. 640 ; ibid. 2196, obs. J.-J. Lemouland, D. Noguéro et J.-M. Plazy ; AJ fam. 2013. 304, obs. T. Verheyde ; RTD civ. 2013. 350, obs. J. Hauser.
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