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Droit des obligations
Mandat commercial : la preuve est libre pour le tiers
La preuve d'un contrat de mandat peut être apportée par tout moyen par un tiers non partie au contrat.
Com. 29 janv. 25, n° 23-19.341
Dans l’arrêt sélectionné, la Cour de cassation se prononce sur la question longtemps débattue de la preuve du mandat par le tiers contractant. L'occasion pour elle de confirmer une jurisprudence désormais établie.
En l'espèce, un groupement d'intérêt économique (GIE) conclut deux contrats de vente d'espaces publicitaires avec le mandataire d'un annonceur. Demandant le paiement de ses prestations au mandant, le GIE se voit refuser le versement des sommes dues au motif qu'il n'aurait pas rapporté la preuve de la créance dont il se prévalait : selon les juges du fond, ses ventes avaient été conclues « au vu d'attestations de mandat » non conformes aux dispositions impératives qui exigent, notamment, la formalisation par écrit des mandats en matière de vente d'espaces publicitaires.
En écho à la jurisprudence civile, la chambre commerciale confirme qu'un tiers à un contrat de mandat n'a pas à rapporter la preuve écrite d'un contrat auquel il n'est pas partie (Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-19.825 ; 14-20.518 : Le banquier dépositaire, qui se borne à exécuter les ordres de paiement que lui transmet le mandataire du déposant, peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de mandat auquel il n'est pas partie ; adde, en matière d’assurance, Civ. 3e, 3 oct. 2024, n° 23-13.242) rappelant ainsi, de façon plus générale, la différence entre le mode de la preuve d’un fait juridique et celui d’un acte juridique. En principe, les tiers ne connaissent le contrat que comme un fait juridique. À ce titre, ils peuvent en prouver l’existence par tous moyens. Le contrat de mandat a cependant pu faire figure d’exception en la matière : en effet, la jurisprudence a longtemps soumis le tiers au droit commun de la preuve des actes juridiques de façon à l’obliger à prouver l’existence du mandat par écrit, à l’instar des parties, dès lors que les intérêts en jeu excédaient 1 500 euros. Une fois n’étant pas coutume, l’exigence d’un écrit était ainsi étendue par la jurisprudence au-delà du cercle des contractants pour s’imposer au tiers contractant (ie ayant directement conclu avec le mandataire). Celui-ci, bien qu’étranger au contrat de mandat, a en effet la possibilité d’exiger du mandataire, avant de contracter avec lui, la justification de son pouvoir de représentation : pour lui permettre de se pré-constituer une preuve écrite du contrat aussi facilement que les parties elles-mêmes, une dérogation jurisprudentielle à la liberté de la preuve du contrat par le tiers fut donc admise, dans l’intérêt de ce dernier. Cette extension ne trouvait toutefois pas à s’appliquer aux autres tiers, non contractants (penitus extranei), pour lesquels la preuve, conformément au droit commun, restait libre. Il en allait de même en matière commerciale, traditionnellement soumise à la liberté de la preuve.
En tout état de cause, la jurisprudence est plusieurs fois revenue sur cette exigence probatoire en admettant la preuve par tous moyens du mandat rapportée par le tiers (Civ. 1re, 3 juin 2015, préc. et 3 oct. 2024, préc., rétablissant dans le domaine probatoire les effets de la distinction entre parties et tiers : « Si le tiers, qui se prévaut de l'existence d'un mandat, peut apporter par tous moyens la preuve de cet acte auquel il n'est pas partie, cette preuve, lorsqu'elle incombe à l'une des parties contractantes, est soumise aux règles générales de la preuve des conventions ».). L’arrêt commenté confirme cette évolution destinée à rompre avec l’assimilation antérieure du tiers aux parties : il est désormais acquis, concernant les règles de preuve, que tout tiers au contrat de mandat doit être traité comme tel, et non comme une partie au contrat. Ainsi, le tiers, même contractant, doit bénéficier du retour au système de la preuve libre, malgré l’exigence de l’écrit incombant aux parties contractantes : en l’espèce, le GIE, vendeur d'espaces publicitaires ayant contracté avec le mandataire de l’annonceur et bénéficiaire, à ce titre, d'une action directe en paiement contre ce dernier, peut librement exercer cette action sans être tenu de rapporter la preuve que le mandat liant les parties a été conclu par écrit ; il lui suffit de justifier du principe de sa créance et du pouvoir du mandataire lors de la conclusion des contrats de vente d'espaces publicitaires.
Références :
■ Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-19.825 et 14-20.518 : D. 2015. 1588, note A. Tehrani ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJ fam. 2015. 414, obs. P. Hilt
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