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Contrats spéciaux
Mandat de vente immobilière : fraude du mandant
Mots-clefs : Vente immobilière, Mandat, Fraude, Clause pénale
Il incombe aux juges du fond de répondre au moyen faisant valoir que l'aménagement apporté à l'opération procède d'une fraude.
Par un arrêt du 8 avril 2010, la première chambre civile rappelle la réserve de la fraude aux droits du mandataire dans le cadre d'un mandat de vente immobilière.
En l'espèce, un mandat de vendre un bien immobilier avait été conclu par des époux avec un agent immobilier, sans exclusivité, comprenant une clause selon laquelle le mandant s'interdisait de traiter avec un acquéreur lui ayant été présenté par le mandataire. Un compromis de vente fut établi par l'agent immobilier avec un acquéreur, qui se rétracta. Par la suite, les vendeurs souscrivirent un nouveau compromis avec le même acquéreur, mais sans recourir à l'agent. Ce nouveau contrat comprenait toutefois une astuce : l'acquisition de la nue-propriété du bien pour les enfants de l'acquéreur, qui se réservait l'usufruit. S'estimant floué, l'agent immobilier assigna l'acquéreur en paiement de la clause pénale stipulée au mandat.
Débouté au fond, l'agent entendait obtenir la cassation de l'arrêt d'appel sur le fondement du contrôle de la dénaturation (ici, la méconnaissance du sens de la clause qui interdisait au vendeur de traiter avec une personne lui ayant été présentée par l'agent). La Haute cour casse cependant l'arrêt d'appel sur le fondement de l'article 455 du Code de procédure civile, estimant que les juges du fond auraient dû répondre au moyen qui faisait valoir que l'aménagement apporté à l'opération procédait d'une fraude destinée à tenir en échec les droits de l'agence et qu'en raison de cette fraude, cette dernière était en droit d'obtenir une indemnité.
La jurisprudence n'admet la fraude aux droits de l'agent (de là, le versement de la clause pénale et/ou de la commission) qu'à des conditions très strictes (impliquant notamment que l'acquéreur ait traité directement avec la personne présentée par l'agent ; v. Civ. 1e, 18 févr. 1969). La Haute cour ne tranche pas sur sa caractérisation en l'espèce, réservant cette question à la juridiction de renvoi.
Civ. 1e, 8 avr. 2010, n° 09-14.597, F-P+B
Références
« Droit réel principal, démembrement du droit de propriété, qui donne à son titulaire le droit de disposer de la chose, mais ne lui confère ni l’usage, ni la jouissance, lesquels sont les prérogatives de l’usufruitier sur cette même chose. »
« Dans un contrat, clause par laquelle le débiteur, s’il manque à son engagement ou l’exécute avec retard, devra verser au créancier une somme d’argent dont le montant, fixé à l’avance, est indépendant du préjudice causé. »
« Dénaturer consiste à changer la nature d’une chose, à lui donner un autre caractère, à y introduire des changements. En droit :
1° La dénaturation est au sens strict l’action par laquelle le juge du fond interprète, ou refuse d’appliquer, une clause claire et précise d’un document qui lui est soumis, alors que cette clause n’avait pas à être interprétée, en raison, précisément de sa clarté et de sa précision.
2° Dans un sens plus large, la dénaturation consiste aussi, pour le juge du fond, à donner une mauvaise interprétation d’une clause ambiguë d’un acte juridique ou d’un contrat, ou encore d’une loi étrangère. La dénaturation est un cas d’ouverture à cassation. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Article 455 du Code de procédure civile
« Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif. »
■ Civ. 1e, 18 févr. 1969, Bull. civ. I, n° 74.
■ G. Duranton, v. Agent Immobilier, Rép. imm. Dalloz.
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