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[ 24 février 2022 ] Imprimer

Droit des obligations

Mandataire chargé de la vente de parts sociales : droit au paiement des honoraires et de la clause pénale, nonobstant la résolution de la vente

 

Il résulte de l'article 1999 alinéa 2, du code civil que sil n'a pas commis de faute, le mandataire peut prétendre au paiement de sa rémunération et au versement de la clause pénale prévus au contrat, dès lors que l'opération a été effectivement conclue, nonobstant le fait qu'une résolution ait été ensuite décidée par les parties à l'acte. 

Civ. 1re, 19 janv. 2022, n° 20-11.985

Dans le cadre d’une cession de sociétés, un intermédiaire avait reçu mandat de chercher un acquéreur des titres détenus par le cédant. Le mandat conclu prévoyait expressément le montant de ses honoraires, en cas d’acquisition des titres, et le versement d’une clause pénale, stipulée à son profit en cas d’inexécution du contrat par le mandant. Après avoir été conclue, la vente des titres avait fait l'objet d'une résolution amiable décidée par les parties au contrat de cession. Le mandataire avait assigné son cocontractant en paiement de ses honoraires et de la somme prévue par la clause pénale stipulés dans la convention. La cour d’appel rejeta ses demandes, au motif que la résolution amiable de la vente des actions cédées par son intermédiaire privait de cause la rémunération contractuellement prévue ainsi que le versement de la clause pénale. Le mandataire forma alors un pourvoi en cassation soutenant, sur le fondement de l'article 1999, alinéa 2, du code civil, que la rétribution du mandataire n'est pas subordonnée au succès de l'opération entreprise par son intermédiaire et que celui-ci conserve son droit à commission en cas d'annulation ou de résolution, même amiable, de l'opération conclue dès lors qu'il n'est pas établi que celle-ci aurait eu pour cause des manquements imputables au mandataire. D’ailleurs en l’espèce, conformément à cette disposition, l’article 3 du mandat qui lui avait été confié stipulait expressément que sa rémunération ne dépendrait pas de la réussite de la vente de sorte que, ladite vente ayant été effectivement conclue malgré sa résolution ultérieure, le paiement de ses honoraires selon les modalités stipulées au contrat restait du dès lors qu’aucune faute de sa part, à l’origine de l’échec final de l’opération, n’avait pu être caractérisée. La Cour de cassation accueille favorablement le moyen. Au visa du texte précité, elle énonce le principe selon lequel « s’il n’a pas commis de faute, l’intermédiaire chargé de la vente de parts sociales peut prétendre au paiement des honoraires et de la clause pénale prévus au contrat, dès lors que l’opération a été effectivement conclue, nonobstant le fait qu’une résolution ait été ensuite décidée par les parties à l’acte ». Elle en conclut qu’en se déterminant comme elle l’a fait, « sans rechercher si la résolution de la vente était liée à une faute de l’intermédiaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

La gratuité n’étant plus de l’essence mais seulement de la nature du mandat, celui-ci peut être salarié ; ce caractère est même présumé lorsque, comme en l’espèce, le mandataire est un professionnel. Toutefois, même lorsqu’il est conclu à titre onéreux, le mandat échappe à l’exigence de détermination du prix : un accord sur le montant de la rémunération du mandataire n’est pas une condition de validité du contrat (C. civ., art. 1165) : en effet, le mandat porte sur la réalisation d’une mission dont il est difficile de connaître à l’avance l’ampleur et les résultats. C’est la raison pour laquelle le prix est généralement déterminé ultérieurement à la conclusion du mandat, une fois la mission accomplie. À supposer toutefois les honoraires conventionnellement fixés dès la conclusion du mandat, le paiement de la rémunération du mandataire, telle qu’elle a été prévue au contrat avant que la mission confiée soit donc effectivement réalisée, s’impose au mandant lequel peut, toutefois, solliciter une réduction du salaire convenu « lorsqu’il est hors de proportion avec le service rendu » (Req. 11 mars 1824, S, 1925.1.133 : « tout salaire d’agent d’affaires est sujet à évaluation et règlement par le juge »).

En effet, l’article 1999 alinéa 1er du code civil oblige le mandant à payer au mandataire « ses salaires (…) lorsqu’il en a été promis », de même que les « avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat ». Cette dernière obligation de remboursement repose sur la gratuité jadis présumée du mandat en vertu de laquelle le service gratuitement rendu par le mandataire ne saurait, en plus, lui coûter de l’argent. Elle peut toutefois être modifiée par une clause du contrat prévoyant, par exemple, une rémunération forfaitaire globale incluant ces remboursements. Et lorsqu’elle n’est pas modifiée par le contrat, cette obligation peut être réduite voire supprimée en cas de faute du mandataire, comme le prévoit le second alinéa de l’article 1999 selon lequel, en revanche, l’échec de l’affaire entreprise ne peut valablement être invoqué par le mandant pour se dispenser d’effectuer ces remboursements, ni même les réduire.

Comme le rappelle le présent arrêt, aux termes de cette même disposition, l’obligation du mandant de payer ses honoraires au mandataire, lorsqu’une rémunération a été contractuellement prévue, est régie par des règles identiques. Elle est, d’une part, assortie de la même limite : comme pour le remboursement des frais et avances, la faute du mandataire dans l’accomplissement de sa mission peut conduire à la réduction, voire à la suppression, de sa rémunération (Civ. 1re, 14 janv. 2016, n° 14-26.674). Ce pouvoir judiciaire de révision ou de suppression du prix constitue la sanction de la mauvaise exécution du contrat par le mandataire. Il est à noter que depuis la réforme de 2016, le même résultat peut être obtenu sans qu’il soit nécessaire de recourir au juge, le nouvel article 1223, alinéa 2 du code civil autorisant le créancier d’une prestation imparfaitement exécutée à notifier sa décision de réduire unilatéralement le prix, sauf à l’avoir déjà payé. Cette obligation de paiement mise à la charge du mandant est, d’autre part, pareillement soustraite à la condition de succès de l’opération : le paiement de la rémunération du mandataire est dû « lors même que l’affaire n’aurait pas réussi ». 

Or en l’espèce, il n’avait pas été établi que la résolution amiable du contrat de cession, signant l’échec de l’opération, trouvait sa cause dans une faute imputable au mandataire. Partant, dès lors que la vente de titres, correspondant à l’objet de la mission confiée au mandataire, avait effectivement eu lieu, l’obligation du mandant de lui verser les honoraires contractuellement prévus demeurait inchangée.

Références :

■ Req. 11 mars 1824, S, 1925.1.133

■ Civ. 1re, 14 janv. 2016, n° 14-26.674AJDI 2016. 788

 

Auteur :Merryl Hervieu


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