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[ 15 novembre 2012 ] Imprimer

Droit constitutionnel

Manquement aux règles de la procédure parlementaire : censure par le Conseil constitutionnel

Mots-clefs : Conseil constitutionnel, Contrôle a priori, Censure, Procédure législative, Commission, Sénat, Projet de loi, Séance plénière

Saisi d’un contrôle a priori de la loi par plus de soixante députés et soixante sénateurs conformément à l’article 61, alinéa 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a pour la première fois censurée une loi dans sa totalité en se référant à l’article 42, alinéa 1er de la Constitution dans sa décision n° 2012-655 DC du 14 octobre 2012.

Avant sa promulgation, la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social déférée par les parlementaires au Conseil constitutionnel a été déclarée contraire à la Constitution.

L’article 42 de la Constitution, qui a permis la censure de cette loi, a subi une importante modification lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Celle-ci est souvent considérée comme une des modifications des plus importantes de cette révision.

En effet, avant 2008, les commissions de la première assemblée saisie d’un projet de loi pouvaient uniquement rédiger un rapport sur le texte et la discussion du projet de loi devait porter, en séance plénière sur le texte présenté par le gouvernement. Or l’article 42 de la Constitution issu de la révision de 2008 a donné notamment un pouvoir plus important aux commissions : le texte examiné en séance publique est celui qui résulte des délibérations de la commission, celui-ci pouvant faire l’objet de dérogations strictement limitées par la Constitution. Il est ainsi, par exemple, interdit à la commission de modifier le texte du gouvernement quand celui-ci porte soit sur les projets de loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale ou les projets de révision constitutionnelle.

En l’espèce, le projet de loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social a été délibéré en Conseil des ministres le 5 septembre 2012 puis examiné lors de la session extraordinaire qui a débuté le 11 septembre 2012.

La décision du Conseil constitutionnel se fonde sur le non-respect de la procédure législative (Const. 58, art. 42, al. 1er). À la suite du dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat, la commission des Affaires économiques du Sénat, saisie en application de l’article 43 de la Constitution, a désigné un rapporteur. Elle s’est réunie le 11 septembre au matin, a examiné tous les articles, a adopté divers amendements et conclu ses travaux selon la formule suivante : « la commission adopte le projet de loi ainsi amendé ». Puis le rapport de la commission a fait l’objet d’une distribution aux sénateurs, dans l’après-midi, avant que ne débute l’examen en séance publique. Or, la discussion en séance publique a porté sur le projet de loi déposé par le gouvernement sur le bureau du Sénat, c'est-à-dire sur un texte différent de celui adopté par la commission compétente du Sénat. Ainsi la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social n’a pas été discutée conformément à l’alinéa 1er de l’article 42 de la Constitution. Elle est donc déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

La décision n° 2012-655 DC est la huitième censurant totalement une loi pour un motif de procédure [n° 77-91 DC du 18 janv. 1978, Loi complémentaire à la loi du 2 août 1960 et relative aux rapports entre l’État et l’enseignement agricole privé (Const. 58, art. 40) ; n° 79-110 DC du 24 déc 1979, Loi de finances pour 1980 (Const. 58, art. 47) ; n° 80-122 DC du 22 juill. 1980, Loi rendant applicable le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d’outre-mer (Const. 58, art. 74) ; n° 85-190 DC du 24 juill. 1985, Loi portant règlement définitif du budget de 1983 (Const. 58 ; art. 45) ; n° 89-263 DC du 11 janv. 1990, Loi organique relative au financement de la campagne en vue de l’élection du Président de la République et de celle des députés (Const. 58, art. 45, 46) ; n° 99-420 DC du 16 déc. 1999, Loi organique relative à l’inéligibilité du Médiateur des enfants (DDH, art. 6) ; n° 2011-632 DC du 23 juin 2011, Loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (Const. 58, art. 39)].

Cons. const. 24 oct. 2012, n° 2012-655 DC

Références

 http://www.conseil-constitutionnel.fr/

 Ferdinand Mélin-SoucramanienPierre PactetDroit constitutionnel, 31e éd., Sirey, coll. « Université », 2012, p. 505 s.

 Constitution du 4 octobre 1958

Article 42

« La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie. 

Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de quatre semaines à compter de sa transmission.

L'alinéa précédent ne s'applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45. Il ne s'applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »

Article 43

« Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.

À la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet. »

Article 61

« Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.

Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.

Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation. »

 

 

Auteur :C. G.


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