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Droit des personnes
Mariage de l’incapable : un acte strictement personnel
Mots-clefs : Civil, Droit des personnes, Incapacités, Majeurs protégés, Tutelle, Mariage, Acte strictement personnel, Représentation (non), Juge des tutelles, Autorisation (oui)
Si le mariage d'un majeur en tutelle doit être autorisé par le juge des tutelles, il constitue un acte dont la nature implique un consentement strictement personnel et qui ne peut donner lieu à représentation.
La tutrice d’un incapable placé sous tutelle avait saisi le juge des tutelles d'une requête tendant à voir autoriser le mariage du majeur protégé, ce à quoi il s’était opposé en raison de l’état de santé de ce dernier, le privant de la capacité de consentir au projet de mariage. La cour d'appel avait au contraire accueilli la demande formulée par la tutrice au motif que l’incapable vivait depuis plusieurs années avec la mère de ses deux enfants, et qu’il avait ainsi constitué une cellule familiale de nature à justifier son projet de mariage. La Cour de cassation censure cette décision, non pour condamner son bien-fondé mais en contester la recevabilité, au motif que la demande d’autorisation, en ce qu’elle avait été présentée par la tutrice, devait être jugée, conformément aux articles 458 et 460 du Code civil, irrecevable ; en effet, « si le mariage d'un majeur en tutelle doit être autorisé par le juge des tutelles, il constitue un acte dont la nature implique un consentement strictement personnel et qui ne peut donner lieu à représentation ».
Historiquement, l’incapable était avant tout considéré de manière abstraite : sans remettre en cause sa qualité de sujet de droit, titulaire d’un patrimoine, la nécessité de l’assister ou de le représenter sur la scène juridique dominait le régime de l’incapacité. Le majeur incapable n’était pas appréhendé par le droit comme une véritable personne devant être doté, à ce titre, de droits et de libertés. En 1968, une réforme avait cependant accompli un progrès en ce sens : sous l’influence des progrès médicaux pour traiter les malades mentaux et d’un regard en conséquence modifié sur cette population, le Code civil ne parla plus d’aliénés, comme en 1804, mais de majeurs protégés. Si ce changement était louable, il demeurait toutefois insuffisant, compte tenu notamment de l’évolution des données démographiques (forte croissance des majeurs comme des mineurs vulnérables en France). Il convenait, plus profondément, de consacrer les droits fondamentaux de la personne vulnérable, ce qui supposait de ne plus concevoir l’incapacité comme une privation, c’est-à-dire une simple réduction de la capacité juridique, mais de l’appréhender de façon positive et équilibrée comme une technique permettant à la fois de protéger l’incapable tout en lui réservant dans la mesure du possible son autonomie et l’exercice de sa liberté individuelle.
Le droit des incapacités a donc été réformé par la loi du 5 mars 2007 pour moderniser le droit des incapables majeurs. L’article 415 du Code civil résume bien la philosophie du droit positif : la « protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci ». Ainsi est reconnu au majeur protégé un statut personnel, qui s’applique quel que soit le régime de protection Ces droits sont variés (Logement, C. civ., art. 426; Comptes bancaires, C. civ., art. 427 ; Audition, C. civ., art. 432 ; Information, C. civ., art. 457-1). Par ailleurs, la loi reconnaît à tous les majeurs protégés un pouvoir de décision concernant certains actes, notamment ceux que la loi considère comme étant « strictement personnels » : pour cette raison, ils ne peuvent donner lieu ni à représentation, ni à assistance (C. civ., art. 458, al. 1er). La loi a pris le soin de les énumérer : sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale, la déclaration du choix ou du changement de nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. Seule la personne protégée peut les accomplir à la condition qu’elle soit douée d’un discernement suffisant. À défaut, il est impossible d’y suppléer : le majeur protégé jouit d’un monopole de décision à leur égard. L’objectif est de renforcer l’autonomie personnelle du majeur.
Exclu de cette liste, le mariage est néanmoins ici qualifié par la Cour d’acte strictement personnel, ce qui est logique et révèle dans le même temps que la liste prévue par l’article 458 du Code civil n’est pas limitative et laisse une marge d’appréciation au juge. L’irrecevabilité de la demande de la tutrice déclarée par la Cour était en revanche parfaitement attendue à la lecture des termes du second alinéa de l’article 460 du Code civil figurant au visa, confiant au seul juge des tutelles un pouvoir d’autorisation. Précisons que même lorsque l’acte n’est pas strictement personnel, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet (C. civ., art. 459, al. 1er). Ce sont des actes que l’on peut dire « simplement » personnels. Par exemple, la personne protégée choisit le lieu de sa résidence, et entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit de recevoir des visites et, le cas échéant, d’être hébergée par la personne de son choix (C. civ., art. 459-2). Elle décide également si elle se soumet à des actes ou des traitements médicaux.
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