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Droit constitutionnel
Mariage homosexuel : absence de « clause de conscience » des maires
Mots-clefs : Compétence du maire et des adjoints, Officier de l’état civil, Liberté de conscience, Clause de conscience, Déclaration de 1789, art. 10, Préambule de la Constitution de 1946, al. 5, QPC, Conseil constitutionnel, Mariage de couples de même sex
Dans sa décision QPC du 18 octobre 2013, le Conseil constitutionnel rappelle que le maire et ses adjoints sont officiers de l’état civil et exercent leurs attributions au nom de l’État ; à ce titre, ils célèbrent des mariages dans leur commune et ne peuvent invoquer leur liberté de conscience pour refuser de célébrer des mariages de couples de même sexe.
À la suite de la publication de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe, certains maires ont annoncé leur refus de célébrer de tels mariages car cela heurtait leurs convictions personnelles. Le ministre de l’Intérieur a alors rappelé dans une circulaire du 13 juin 2013 les conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d’un officier de l’état civil. À l’occasion d’un recours de plusieurs maires demandant l’annulation de cette circulaire, les requérants on déposé une QPC.
Ils soutenaient, notamment, que les articles 34-1, 74, 165 du Code civil et l’article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales méconnaissaient l’article 10 de la Déclaration de 1789 et l’alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 en ce que la loi du 17 mai 2013 n’avait pas prévu de dispositions garantissant la liberté de conscience et d’opinion des officiers de l’état civil.
Pour refuser la reconnaissance d’une « clause de conscience » aux maires et aux adjoints, le Conseil constitutionnel rappelle qu’en vertu des articles L. 2122-27 et L. 2122-32 du CGCT, le maire et les adjoints sont officiers de l’état civil dans la commune, c’est-à-dire qu’ils agissent au nom de l’État pour accomplir leur mission de service public consistant à assurer l’application et le respect de la loi en matière d’état civil notamment pour les mariages (C. civ., art. 165). Par ailleurs, le maire est chargé d’exécuter les lois et les règlements. Enfin, au nom du principe de neutralité du service public, un maire doit accomplir les actes auxquels il est légalement tenu sans pouvoir invoquer des motifs philosophiques ou religieux.
C’est pourquoi, le Conseil constitutionnel a considéré : « qu'en ne permettant pas aux officiers de l'état civil de se prévaloir de leur désaccord avec les dispositions de la loi du 17 mai 2013 pour se soustraire à l'accomplissement des attributions qui leur sont confiées par la loi pour la célébration du mariage, le législateur a entendu assurer l'application de la loi relative au mariage et garantir ainsi le bon fonctionnement et la neutralité du service public de l'état civil ; qu'eu égard aux fonctions de l'officier de l'état civil dans la célébration du mariage, il n'a pas porté atteinte à la liberté de conscience ».
En conséquence, les maires et les adjoints ne peuvent refuser de célébrer un mariage homosexuel sauf s'il existe une opposition régulièrement formée (C. civ., art. 172 s.) ou des empêchements à mariage (C. civ., art. 143 s.) ou si les formalités administratives requises par le Code civil n'ont pas été effectuées.
En dehors de ces cas, le refus constitue une voie de fait. Les officier de l’état civil s’exposent à des poursuites :
– pénales : 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ;
– et disciplinaires : suspension temporaire par le ministre de l'Intérieur ou révocation par décret en Conseil des ministres pris sur le rapport du ministre de l'Intérieur
(pour plus de détails, v. Circ. du 13 juin 2013 relative aux conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d'un officier d'état civil).
Cons. const. 18 oct. 2013, M. Franck M. et autres, n° 2013-353 QPC
Références
■ Pour aller plus loin : la liberté de conscience
D’abord reconnue par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République (Cons. const. 23 nov. 1977, n° 77-87 DC § 5), la liberté de conscience est désormais rattachée à l’article 10 de la Déclaration de 1789 (Cons. const. 27 juin 2001, n° 2001-446 DC § 13) et, au besoin, à l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 (Cons. const. 27 juin 2001, n° 2001-446 DC § 13 s.)
■ Article 10 du Déclaration de 1789
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. »
■ Alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946
« Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »
■ Code civil
« Les actes de l'état civil sont établis par les officiers de l'état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République. »
« Le mariage sera célébré, au choix des époux, dans la commune où l'un d'eux, ou l'un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d'habitation continue à la date de la publication prévue par la loi. »
« Le mariage sera célébré publiquement lors d'une cérémonie républicaine par l'officier de l'état civil de la commune dans laquelle l'un des époux, ou l'un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l'article 63, et, en cas de dispense de publication, à la date de la dispense prévue à l'article 169 ci-après. »
■ Code général des collectivités territoriales.
« Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d'une délégation à des membres du conseil municipal.
Le membre du conseil municipal ayant démissionné de la fonction de maire en application des articles L.O. 141 du code électoral, L. 3122-3 ou L. 4133-3 du présent code ne peut recevoir de délégation jusqu'au terme de son mandat de conseiller municipal ou jusqu'à la cessation du mandat ou de la fonction l'ayant placé en situation d'incompatibilité.
Lorsque le maire a retiré les délégations qu'il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions. »
« Le maire est chargé, sous l'autorité du représentant de l'État dans le département :
1° De la publication et de l'exécution des lois et règlements ;
2° De l'exécution des mesures de sûreté générale ;
3° Des fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois. »
« Le maire et les adjoints sont officiers d'état civil. »
■ Circulaire du 13 juin 2013 relative aux conséquences du refus illégal de célébrer un mariage de la part d'un officier d'état civil.
« La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 a ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Aux termes du nouvel article 143 du code civil, "le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe". L'article 74 du code civil a par ailleurs été modifié pour permettre aux futurs époux de se marier soit dans la commune où l'un d'eux a son domicile ou sa résidence, soit dans la commune où l'un de leurs parents a son domicile ou sa résidence.
Il convient de rappeler à cette occasion, d'une part, quelles sont les autorités compétentes pour célébrer un mariage, d'autre part, quelles sont les conséquences d'un refus illégal de célébrer un mariage.
Le mariage doit être célébré dans toutes les communes de la République. L'État est garant du respect de l'égalité des droits sur tout le territoire. Le droit au mariage dans la commune du domicile ou de la résidence de l'un des époux, inchangé depuis 1804, ne connaît aucune dérogation.
I Les autorités compétentes pour célébrer un mariage
En vertu de l'article 34-1 du code civil, "les officiers d'état civil exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République". Pour qu'un mariage soit valablement célébré en France, il doit l'être par un officier d'état civil du lieu du domicile ou de la résidence de l'un des deux époux ou de l'un de leurs parents conformément à l'article 74 du code civil.
Il ne peut être envisagé que le préfet utilise son pouvoir de substitution (article L. 2122-34 CGCT) dans un domaine de compétence du procureur de la République.
Il convient de distinguer, d'une part, les autorités titulaires de la qualité d'officier d'état civil en vertu de la loi, d'autre part, les autorités auxquelles des fonctions d'état civil peuvent être déléguées.
1 Le maire et les adjoints sont officiers d'état civil en vertu de la loi
L'article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que "le maire et les adjoints sont officiers d'état civil". Le maire et les adjoints exercent cette fonction au nom de l'État, sous l'autorité du procureur de la République.
Un mariage peut ainsi être célébré de manière indistincte par le maire ou l'un de ses adjoints.
En effet, les adjoints sont, au même titre que le maire, officiers d'état civil en vertu de la loi. Ils exercent les fonctions d'officiers d'état civil sans délégation du maire et ce dernier ne peut donc pas leur interdire l'exercice de ces fonctions (CE 11 octobre 1991, req. n° 92742).
2 Les fonctions d'officier d'état civil peuvent être déléguées à un conseiller municipal en cas d'absence ou d'empêchement du maire et des adjoints
Si le législateur n'a pas conféré la qualité d'officier d'état civil aux conseillers municipaux, ces derniers peuvent se voir déléguer des fonctions en matière d'état civil dans les conditions fixées à l'article L. 2122-18 du CGCT.
En vertu de ces dispositions, le maire peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal. Les conseillers municipaux peuvent ainsi exercer les fonctions d'officier d'état civil en cas d'empêchement du maire et des adjoints à condition qu'une délégation leur ait été donnée par le maire (CE 11 octobre 1991, req. n° 92742).
II Les conséquences du refus illégal de célébrer un mariage
L'officier d'état civil ne peut refuser de célébrer un mariage que s'il existe une opposition régulièrement formée (art. 172 et suivants du code civil) ou des empêchements à mariage ou si les formalités administratives requises par le code civil n'ont pas été effectuées.
1 En dehors des cas prévus par la loi, le refus de célébration constitue une voie de fait
Selon l'article L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales et les règles régissant la responsabilité des agents publics, les actes accomplis par le maire en sa qualité d'officier d'état civil, qui concernent le fonctionnement du service public de l'état civil placé sous le contrôle de l'autorité judiciaire, le sont au nom et pour le compte de l'État, de sorte qu'il appartient au juge judiciaire de se référer aux règles du droit public pour apprécier la responsabilité de cet officier d'état civil.
Le refus de célébrer un mariage par le maire (qui peut résulter, par exemple, du refus du service de l'état civil de la mairie d'enregistrer un dossier complet de mariage) peut constituer une voie de fait, c'est-à-dire une atteinte grave portée à une liberté fondamentale et une décision de l'administration manifestement insusceptible de se rattacher à l'exécution d'un texte législatif ou réglementaire.
Il convient en effet de souligner que la liberté du mariage a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme l'une des composantes de la liberté individuelle (Cons. const. 13 août 1993, décision DC n° 93-325). Le Conseil constitutionnel considère que la liberté du mariage, qualifiée de "composante de la liberté personnelle", est protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (Cons. const. 20 nov. 2003, décision DC n° 2003-484).
La conséquence de cette qualification de voie de fait est de rendre compétent le président du tribunal de grande instance statuant en référé sur le fondement de l'article 809 du nouveau code de procédure civile.
Le juge des référés peut donner injonction au maire de procéder à la célébration sans délai, éventuellement sous astreinte. Le maire est également exposé au risque d'une demande de dommages et intérêts.
A ce titre, les tribunaux ont condamné plusieurs maires (TGI Évreux, référé, 2 juin 1992; TGI Montargis, référé, 3 juillet 1992, n° 733/92; TGI Versailles, référé, 7oct. 1992, n° 9204767; TGI Versailles, référé, 9 mars 1993, n° 448/93; TGI Valence, référé, 8 nov. 2002, n° 02/00513; TGI Dijon, référé, 26 nov. 2002, n° 02/000592).
Seul le procureur de la République peut en effet s'opposer au mariage s'il estime qu'il pourrait être atteint par une cause de nullité (C. civ., art. 146 et 175-1) et il appartient au maire de le saisir lorsqu'il existe selon lui des indices sérieux laissant présumer une absence de consentement libre des époux (C. civ., art. 175-2). La décision finale de célébrer ou non le mariage relève de l'autorité judiciaire, c'est-à-dire, in fine, du juge civil.
2 L'officier d'état civil peut s'exposer à des poursuites pénales
Le refus illégal de célébrer un mariage expose son auteur à des poursuites sur le fondement des articles 432-1 ou 432-7 du code pénal.
L'article 432-1 du code pénal dispose que "Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende."
Un maire refusant de procéder à un mariage a déjà été condamné pénalement sur le fondement de cet article (CA Papeete, 1er sept. 2011, n° 292-133: JurisData n° 2011-021235: JCP G 2011, 1132).
L'élément constitutif peut être, par exemple, le refus d'enregistrer le dossier complet de mariage par le service de l'état civil.
Si le motif du refus tient à l'orientation sexuelle des époux, l'officier d'état civil s'expose aux peines de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende prévues par l'article 432-7 du code pénal pour délit de discrimination. Cet article sanctionne la discrimination définie à l'article 225-1 du code pénal, commise à l'égard d'une personne physique (ou morale) par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque cette discrimination consiste à refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi.
Il appartient au maire de prendre toute mesure afin qu'un officier d'état civil puisse être disponible au sein de sa mairie et de s'abstenir de prendre des mesures pour empêcher cette disponibilité.
Au regard de ces éléments, vous veillerez à signaler au procureur de la République tout comportement d'un officier d'état civil qui aurait pour objet d'empêcher le mariage de deux personnes de même sexe sur le territoire d'une commune.
3 Le maire et les adjoints s'exposent à des sanctions disciplinaires
Un régime disciplinaire concernant les maires et adjoints est prévu par l'article L. 2122-16 du CGCT. Les conseillers municipaux ayant reçu délégation ne sont pas visés par cet article.
Aux termes de cet article, sous réserve du respect de certaines garanties de procédure et de motivation, les maires et adjoints peuvent faire l'objet d'une sanction de suspension temporaire par le ministre de l'intérieur ou de révocation par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre de l'intérieur.
L'État agit à double titre: comme autorité chargée du contrôle administratif du maire (ou des adjoints) en tant qu'exécutif de la commune, et comme autorité hiérarchique du maire (ou des adjoints) en tant qu'agent de l'État.
Les faits susceptibles de justifier une suspension ou une révocation sont soit une faute commise dans l'exercice des fonctions de maire ou d'adjoint, soit un fait étranger à ces fonctions mais de nature à rendre impossible le maintien du maire ou de l'adjoint à la tête de l'administration municipale.
La procédure disciplinaire régie par l'article L. 2122-16 prévoit que le maire ou l'adjoint soient informés par le représentant de l'État des faits qui leur sont reprochés, de la sanction envisagée et mis en mesure de présenter leur défense avant la prise de la décision de sanction.
La suspension pour un temps qui n'excède pas un mois est prononcée par arrêté ministériel motivé (CGCT, art. L. 2122-16, al. 1). La révocation est prononcée par décret motivé en conseil des ministres (CGCT, art. L. 2122-16, al. 1). »
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