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Droit de la famille
Mariage sans intention matrimoniale
Mots-clefs : Mariage, Intention matrimoniale, Devoirs découlant du mariage, Nullité
Le fait de contracter un mariage dans l’unique but d’appréhender le patrimoine de son conjoint, sans l’intention de se soumettre aux obligations nées de l’union conjugale, suffit à caractériser l’absence de consentement audit mariage et justifie donc son annulation.
Une femme, condamnée pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort de son conjoint (un mois après leur mariage) sans intention de la donner, voit son mariage annulé par décision judiciaire.
Les juges du fond après avoir constaté que la femme, qui s’était refusée à toutes relations sexuelles à l’exception du jour de son mariage, était uniquement animée « par une intention de lucre et de cupidité » visant à accaparer le patrimoine de son conjoint, ont considéré que le mariage avait été contracté à des fins étrangères à l’union matrimoniale. En outre, il fut rapporté, qu’avant son décès prématuré, l’époux avait éprouvé quelques doutes quant à la sincérité de son épouse et avait exprimé sa volonté de demander l’annulation du mariage.
La veuve s’est donc pourvue en cassation. Elle reproche à la cour d’appel :
– d’une part, d’avoir violé l’article 146 du Code civil en se fondant sur les effets inhérents au mariage, tels que le devoir de secours ou la vocation successorale du conjoint survivant, pour caractériser l’absence d’intention matrimoniale ;
– et, d’autre part, d’avoir violé l’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en relevant, pour annuler son mariage, que cette dernière n’avait accepté cette union uniquement pour appréhender le patrimoine de son époux alors que la protection de la liberté du mariage implique qu’il puisse être contracté indépendamment du but poursuivi par les époux qui relève de la sphère privée.
Il convient ainsi de se demander si un mariage animé exclusivement par une intention patrimoniale au détriment d’une intention matrimoniale, incluant les effets inhérents à cette union, suffit à engager sa nullité.
La Cour de cassation, après avoir affirmé que les exigences conventionnelles de la liberté du mariage ne portaient pas atteinte à la liberté du mariage protégée par l’article 12 de la Conv. EDH, répond par l’affirmative, confirme la décision de la cour d’appel et rejette le pourvoi : ayant été établi que le mariage avait été contracté par l’épouse dans le but « exclusif » de s’approprier le patrimoine de son conjoint, il ne pouvait y avoir d’intention matrimoniale. Faute de consentement, le mariage devait donc être annulé.
Outre les conditions d’ordre physiologique (âge, différence de sexe…) et d’ordre sociologiques (inceste, bigamie…), la formation du mariage est aussi conditionnée par un ordre psychologique. En effet, le mariage étant un contrat, celui-ci doit nécessairement faire l’objet d’un consentement et d’une rencontre des volontés.
Pierre angulaire du mariage, la volonté des futurs époux tient une place prépondérante dans le code civil, notamment au travers de son article 146, lequel dispose qu’ « il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement ». Les contraventions à cet article sont régies par l’article 184 du même code lequel prévoit que le défaut de consentement est sanctionné par la nullité absolue. Cette nullité a été étendue par la jurisprudence au défaut d’intention matrimoniale.
Au surplus, en s’engageant au travers du mariage, les époux acceptent par voie de conséquence, les effets de cette union conjugale. Il en va ainsi des rapports sexuels qui font parti de la continuité des devoirs découlant du mariage. Timidement visés à l’article 215 du Code civil par l’expression « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie », le refus des relations sexuelles et la non-consommation du mariage ont constitué une cause de nullité du mariage et de divorce pour faute (ex : Civ. 2e, 16 déc. 1963 et, plus récemment Aix-en-Provence, 3 mai 2011).
L’arrêt ici rapporté s’inscrit donc naturellement dans un courant jurisprudentiel constant qui condamne par la nullité tout mariage contracté dans un but étranger à l’union matrimoniale (Civ. 1re, 28 oct. 2003).
Civ. 1re, 19 déc. 2012, n°09-15.606
Références
■ Civ. 2e, 16 déc. 1963, D. 1964. Jur. 227.
■ Aix-en-Provence, 3 mai 2011, n° 2011/292, Dalloz Actu Étudiant 13 sept. 2011.
■ Civ. 1re, 28 oct. 2003, n° 01-12.574.
■ Article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme- Droit au mariage
« À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. »
■ Code civil
« Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. »
« Tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public. »
« Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.
La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord.
Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous. »
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