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[ 30 octobre 2009 ] Imprimer

Propriété littéraire et artistique

Marque vinicole : prescription de l’action en nullité

Mots-clefs : Marque, Contrefaçon, Action en revendication, Prescription

L’action en nullité d’une marque pour déceptivité bénéficie de la prescription de droit commun.

Rendu sur le double fondement des articles L. 711-2, dernier alinéa et L. 711-3, c, du Code de la propriété intellectuelle, l’arrêt de la chambre commerciale du 13 octobre 2009, rappelle à l’ordre une cour d’appel qui confond action en contrefaçon et action en nullité de marque.

En l’espèce, le titulaire des marques vinicoles « Château de Figeac » et « La Grande Neuve de Figeac » enregistrées en 1979 a demandé l’annulation des marques « Château Croix Figeac » et « Pavillon Croix Figeac » déposées en 1988 et 1998 par un producteur concurrent et voisin. En appel, le demandeur a été déclaré irrecevable, la cour, considérant l’action prescrite. La Cour de cassation censure cette décision, rappelant que l’action en cause n’est ni une action en contrefaçon ni une action en revendication et n’est donc pas soumise aux règles de prescription et de forclusion édictées par les articles L. 712-6 et L. 716-5 du Code de la propriété intellectuelle. Le demandeur arguait du fait que les marques litigieuses étaient de nature à tromper le public, cause d’annulation absolue de la marque.

Dans le domaine vinicole, la tromperie ou encore la déceptivité du signe vient du fait, depuis un arrêt du 30 mai 2007, que le déposant ne peut garantir « la récolte et la vinification » dans le lieu bénéficiant de l’appellation (v. Com. 30 mai 2007). Même si la Cour de cassation ne s’arrête pas, dans la présente affaire, sur l’appréciation du caractère trompeur, il est intéressant de noter qu’ici, l’exploitant mis en cause bénéficie d’une petite part de l’ancien domaine « Figeac » démembré. En l’occurrence, même si la production provenait d’un faible pourcentage du vignoble prestigieux (4%), la séparation de la vinification prévaut sur le privilège de tènement.

Quoi qu’il en soit, s’agissant de la prescription, en tant que simple concurrent, le demandeur avait tout intérêt à agir et pouvait le faire pendant une période de trente ans. Pour mémoire, la loi n° 2008-651 du 17 juin 2008 qui réforme la prescription a réduit à cinq ans la prescription extinctive (art. 2224 C. civ.).

Com. 13 oct. 2009, FS-P+B, n° 08-12.270

Références

Action en revendication

« Action réelle, dite pétitoire, donnée au propriétaire contre qui détient indûment son bien et refuse de le restituer en contestant son droit. Aboutit, en cas de succès, à la reconnaissance du droit de propriété et à la restitution du bien en cause. »

Contrefaçon

« Fait pour un autre que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle ou son licencié d’exploiter ce monopole, portant ainsi atteinte aux droits de son titulaire.

La contrefaçon est un délit correctionnel. Elle constitue aussi un fait générateur de responsabilité civile. »

Prescription extinctive

« Mode d’extinction d’un droit personnel ou d’un droit réel du fait de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire de droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, ce délai de droit commun étant allongé ou réduit dans des cas spécifiques (par exemple dix ans pour la réparation d’un dommage corporel, deux ans pour l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs). Quant aux actions réelles immobilières, elles se prescrivent par trente ans, le droit de propriété étant imprescriptible. »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

Article 2224 du Code civil

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Code de la propriété intellectuelle

Article L. 711-2

« Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage. »

Article L. 711-3

« Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :

a) Exclu par l'article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ou par le paragraphe 2 de l'article 23 de l'annexe I C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce ;

b) Contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ;

c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. »

Articles L. 712-6

« Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement. »

Article L. 716-5

« L'action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Toutefois, le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation peut agir en contrefaçon, sauf stipulation contraire du contrat si, après mise en demeure, le titulaire n'exerce pas ce droit.

Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.

L'action en contrefaçon se prescrit par trois ans.

Est irrecevable toute action en contrefaçon d'une marque postérieure enregistrée dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi. Toutefois, l'irrecevabilité est limitée aux seuls produits et services pour lesquels l'usage a été toléré. »

Com. 30 mai 2007, D. 2007. 2696, note Agostini ; CCE 2008, comm. n° 4, note Caron ; Propr. ind. 2007, comm. n° 63, note Tréfigny, Propr. intell. 2008, n° 26, p. 147, obs. Buffet Delmas.

 

Auteur :J. D.

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