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[ 1 mars 2013 ] Imprimer

Procédure pénale

Méconnaissance de la publicité des débats en matière de détention provisoire: toujours une nullité virtuelle

Mots-clefs : Instruction, Détention provisoire, Publicité

L'inobservation du principe de publicité en matière de détention provisoire ne saurait donner ouverture à cassation que s'il en résulte une atteinte aux intérêts de la personne concernée.

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] publiquement » selon l’article 6 la Convention européenne des droits de l'homme. Si législateur français a depuis très longtemps affirmé son attachement à cette règle devant toutes les juridictions de jugement, le principe de la publicité de l'audience ne s'imposait pas avec la même force aux débats menés devant la chambre de l'instruction.

Le caractère public des audiences en matière de détention provisoire lorsque la personne est majeure (C. pr. pén., art. 199, al. 2) a finalement été institué par la loi du 5 mars 2007 sur l'équilibre de la procédure pénale (v. M. Nord-Wagner). Des exceptions à la publicité ont néanmoins été prévues. Ainsi, les débats en chambre du conseil pourront avoir lieu si l'enquête porte sur des faits visés à l'article 706-73 du Code de procédure pénale (criminalité organisée) ou si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction ou à porter atteinte à la présomption d'innocence ou à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers.

Par un arrêt du 23 janvier 2013, la chambre criminelle maintient sa jurisprudence discutable (v. R. Finielz) en matière de sanction de l'inobservation de la publicité des débats menés devant la chambre de l'instruction, limitant à la phase de jugement l’application de l'article 592 du Code de procédure pénale, selon lequel toute décision qui, sous réserve des exceptions prévues par la loi, n'a pas été rendue ou dont les débats n'ont pas eu lieu en audience publique, doit être déclarée nulle.

Selon la Haute juridiction, l’inobservation de ce principe « ne saurait donner ouverture à cassation que s’il en résulte une atteinte aux intérêts de la partie concernée » (v. déjà Crim. 25 juillet 2007). Tel n’était pas le cas en l’espèce pour l’appelant d’une condamnation à dix ans de réclusion criminelle prononcée, pour viols, tentatives de viols et violation de domicile, par la cour d’assises du Bas-Rhin. Les débats sur sa demande de mise en liberté ont « eu lieu en présence de [son avocat], qui n’a soulevé aucun incident ».

Un second moyen de cassation relatif à la motivation du maintien en détention de l'intéressé dans l’attente de son procès devant une cour d'assises d'appel est également écarté par la chambre criminelle, les juges du fond ayant suffisamment détaillé les considérations de droit et de fait exigées par les articles 143-1 et suivants du Code de procédure pénale.

Crim. 23 janv. 2013, n°12-87.382 F-P+B

Références

 M. Nord-Wagner, « La détention provisoire ; un équilibre renforcé ? », AJ pénal 2007. 113.

 R. Finielz, « Publicité des débats : audience sur la détention », RSC 2008. 933.

 Crim. 25 juill. 2007, n° 07-83.550, Dalloz actualité 18 septembre 2007 obs. C. Girault.

 Code de procédure pénale

Article 143-1

« Sous réserve des dispositions de l'article 137, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que dans l'un des cas ci-après énumérés : 

1° La personne mise en examen encourt une peine criminelle ; 

2° La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement. 

La détention provisoire peut également être ordonnée dans les conditions prévues à l'article 141-2 lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique. »

Article 199

« Les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en chambre du conseil. Toutefois, si la personne majeure mise en examen ou son avocat le demande dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent et l'arrêt est rendu en séance publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. La chambre de l'instruction statue sur cette demande, après avoir recueilli les observations du procureur général et, le cas échéant, des avocats des autres parties, par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la demande principale.

En matière de détention provisoire, et par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la personne mise en examen est majeure, les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique. Toutefois, le ministère public, la personne mise en examen ou la partie civile ou leurs avocats peuvent, avant l'ouverture des débats, s'opposer à cette publicité si celle-ci est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la présomption d'innocence ou à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers, ou si l'enquête porte sur des faits visés à l'article 706-73. La chambre statue sur cette opposition après avoir recueilli les observations du ministère public et des parties, par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la demande principale. Si la chambre fait droit à cette opposition ou si la personne mise en examen est mineure, les débats ont lieu et l'arrêt est rendu en chambre du conseil. Il en est de même si la partie civile s'oppose à la publicité, dans les seuls cas où celle-ci est en droit de demander le huis-clos lors de l'audience de jugement.

Après le rapport du conseiller, le procureur général et les avocats des parties sont entendus.

La chambre de l'instruction peut ordonner la comparution personnelle des parties ainsi que l'apport des pièces à conviction.

Il est donné lecture de l'arrêt par le président ou par l'un des conseillers ; cette lecture peut être faite même en l'absence des autres conseillers.

En matière de détention provisoire, la comparution personnelle de la personne concernée est de droit si celle-ci ou son avocat en fait la demande ; cette requête doit, à peine d'irrecevabilité, être présentée en même temps que la déclaration d'appel ou que la demande de mise en liberté adressée à la chambre de l'instruction. Si la personne a déjà comparu devant la chambre de l'instruction moins de quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, refuser la comparution personnelle de l'intéressé par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours.

En cas de comparution personnelle de la personne concernée, le délai maximum prévu au dernier alinéa de l'article 194 est prolongé de cinq jours. »

Article 592

« Ces décisions sont déclarées nulles lorsqu'elles ne sont pas rendues par le nombre de juges prescrit ou qu'elles ont été rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause. Lorsque plusieurs audiences ont été consacrées à la même affaire, les juges qui ont concouru à la décision sont présumés avoir assisté à toutes ces audiences. 

Ces décisions sont également déclarées nulles lorsqu'elles ont été rendues sans que le ministère public ait été entendu. 

Sont, en outre, déclarées nulles les décisions qui, sous réserve des exceptions prévues par la loi, n'ont pas été rendues ou dont les débats n'ont pas eu lieu en audience publique. »

Article 706-73

« La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre : 

1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l'article 221-4 du code pénal ; 

2° Crime de tortures et d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ; 

3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ; 

4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l'article 224-5-2 du code pénal ; 

5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ; 

6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ; 

7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ; 

8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ; 

8° bis Délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l'article 313-2 du code pénal ; 

9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ; 

10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ; 

11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ; 

12° Délits en matière d'armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles L. 2339-2, L. 2339-3, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ainsi que par les articles L. 317-2, L. 317-4 et L. 317-7 du code de la sécurité intérieure ; 

13° Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; 

14° Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ; 

15° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ; 

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l'article 321-6-1 du code pénal, lorsqu'il est en relation avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ; 

17° Crime de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l'article 224-6-1 du code pénal ; 

18° Crimes et délits punis de dix ans d'emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d'application de l'article 706-167. 

Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 11°, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII. »

 Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 

3. Tout accusé a droit notamment à : 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

 

Auteur :C. L.

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