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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Mention manuscrite : l’enseigne du débiteur ne renseigne pas sa caution
Dans un acte de cautionnement, le débiteur doit être précisément identifié dans la mention manuscrite apposée par la caution, ce que ne permet pas sa désignation par une enseigne commerciale.
Une société avait conclu un contrat d’affacturage avec une personne physique, qui exerçait une activité commerciale sous un nom d’enseigne, à savoir « Atelier vosgien de transformation du bois » (AVTB). L’époux de cette commerçante s’était porté caution des engagements souscrits au titre de ce contrat. A la suite de la mise en redressement judiciaire de la débitrice, la société créancière avait assigné en paiement son conjoint, en sa qualité de caution. Ce dernier avait alors invoqué la nullité de son engagement, arguant de l’absence de conformité de la mention manuscrite de son engagement aux dispositions légales.
Précisons qu’aux termes de l'article L. 331-1 du Code de la consommation (C. consom., ancien art. L 341-2) « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci : " En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n’y satisfait pas lui-même."», ces formalités étant prévues à peine de nullité de l’engagement de caution (C. consom., art. L. 343-1; C. consom., ancien art. L. 341-2).
Or en l’espèce, la mention visait le débiteur « AVTB », et non le nom de l’épouse de la caution.
La cour d’appel condamna néanmoins celle-ci, au motif qu’elle était mal-fondée à soutenir la nullité de son engagement de caution pour indétermination du débiteur « AVTB », dès lors qu'elle avait apposé la mention « vu » sur le contrat d'affacturage souscrit par son épouse, exerçant en son nom personnel sous l'enseigne « AVTB » et qu'elle s'était portée le même jour caution solidaire de cette dernière, en sorte qu'il n'existait aucun doute sur l'identité du débiteur « AVTB » au regard de la mention en tête de l'acte de cautionnement « débiteur principal » Mme Y, épouse O-AVTB.
La chambre commerciale de la Cour de cassation condamne cette analyse au visa de l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Selon la Haute juridiction, « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la mention manuscrite de l’acte de cautionnement permettait d’identifier le débiteur garanti, sans qu’il soit nécessaire de se référer à des éléments extérieurs à cette mention, quand ce débiteur doit être désigné dans la mention manuscrite apposée par la caution par son nom ou sa dénomination sociale, et ne peut l’être par une enseigne, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
La régularité de la mention manuscrite, dont dépend la validité de l'engagement de caution, fait ici l’objet d’une stricte appréciation par la Cour de cassation, qui rappelle avec rigueur la nécessité de pouvoir identifier avec suffisamment de précision le débiteur principal garanti, ce que ne permet pas la seule désignation de son enseigne commerciale. Aussi, le flou entourant l’exacte identité du débiteur ne doit-il pas pouvoir être éclairci par référence à des éléments extérieurs à cette mention (en l'espèce, la caution était l'époux du débiteur garanti). Le formalisme légal relatif à la mention manuscrite a pour but de rendre celle-ci suffisamment claire et précise quant à la personne et à la dette garanties pour s’auto-suffire sans qu’il soit nécessaire de se référer à d’autres stipulations ou mentions de l’acte de caution ou à des circonstances extrinsèques.
Cette décision est à rapprocher de la solution également adoptée par la chambre commerciale l’année dernière selon laquelle un débiteur initialement désigné dans la mention comme « la SARL », mais dont il était ensuite précisé à trois reprises, et dans cette même mention, la dénomination sociale, était bien identifié dans la mention manuscrite (Com. 21 nov. 2018, n° 16-25.128). Sans conséquence sur la bonne compréhension de son engagement par la caution, l’erreur rédactionnelle fut ainsi tolérée.
La Cour de cassation fait donc preuve de pragmatisme, mais non de laxisme, dans l’exigence de renseigner la mention manuscrite conformément à la loi, dont les dispositions n’ont d’autre but que de permettre à la caution de comprendre le sens et de mesurer la portée de son engagement, ce qui implique en toute logique qu’elle identifie sans nul doute possible le débiteur qu’elle entend garantir.
Com. 9 juill. 2019, n° 17-22.626
Référence
■ https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000037676932&fastReqId=1648355344&fastPos=1Com. 21 nov. 2018, n° 16-25.128 P: D. 2018. 2356 ; AJ Contrat 2019. 43, obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2019. 152, obs. P. Crocq ; ibid. 153, obs. P. Crocq ; RTD com. 2019. 485, obs. A. Martin-Serf
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