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Droit des obligations
Modalités d’application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008
La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir avant son entrée en vigueur.
Civ. 3e, 16 sept. 2021, n° 20-17.625
Le 7 août 2007, une famille vend une maison d’habitation à l’épouse d’un agent immobilier.
Le 9 décembre 2014, ils assignent le notaire rédacteur de l’acte de vente ainsi que l’agent immobilier en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de leur responsabilité délictuelle. Ils se prévalent à cette fin de l’état de faiblesse dans lequel ils se trouvaient et dont le notaire avait connaissance, résultant d’un abus de faiblesse commis à leur encontre par un tiers condamné, par un arrêt définitif rendu le 4 juin 2013, à la suite du détournement de leur épargne et de la cession de leurs actifs immobiliers, ces faits ayant été commis entre le 1er janvier 1999 et le 21 octobre 2009.
La cour d’appel rejette leur demande, jugeant leur action prescrite en application de l’article 2224 du Code civil tel qu’issu de la réforme du 17 juin 2008.
La famille forme alors un pourvoi en cassation pour contester l’application par les juges du fond de ce texte, promulgué postérieurement aux faits litigieux, à l’époque desquels la prescription applicable était celle prévue par l’article 2270-1 du Code civil, selon lequel « les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ».
Ce ne fut en effet qu’à compter de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile que ce délai de prescription fut réduit à 5 ans et courut « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer », aux termes du nouvel article 2224 du Code civil.
Par ailleurs, selon les dispositions transitoires de cette loi, le nouveau texte se trouvait applicable dès le jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder 10 ans.
Or la cour d’appel avait, en considération de cette nouvelle loi, fixé le point de départ du délai de prescription de l’action engagée au 2 août 2007, date à laquelle le contrat de vente de la maison avait été conclu, de sorte que le délai de prescription avait expiré le 2 août 2012 et l’assignation des vendeurs, datant de 2014, été effectuée hors délais.
La troisième chambre civile, relevant un moyen d’office, rend un arrêt de cassation.
Elle juge qu’il résulte des articles 26, II, de la loi du 17 juin 2008 et 2 du Code civil que si « les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, (e)n revanche, les dispositions qui modifient le point de départ de la prescription extinctive ou qui déterminent les causes de report du point de départ ou de suspension de la prescription ne sont pas concernées par ces dispositions transitoires et ne peuvent disposer que pour l’avenir. Il est jugé en conséquence que le point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité extracontractuelle demeure déterminé en application des dispositions de l’article 2270-1 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 lorsque le délai a commencé à courir avant l’entrée en vigueur de ce texte (Civ. 3e, 24 janv. 2019, n° 17-25.793) et que la durée de la prescription résultant du nouvel article 2224 s’applique aux prescriptions en cours à compter du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée de dix ans prévue par l’article 2270-1 du Code civil (Civ. 3e, 13 févr. 2020, n° 18-23.723) ». La cour d’appel « qui a déterminé le point de départ du délai de prescription en application de l’article 2224 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, alors qu’elle avait relevé que l’action en responsabilité extracontractuelle engagée par les consorts […] prenait sa source dans un contrat conclu le 2 août 2007, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, a violé les textes susvisés ».
Ainsi la Cour distingue-t-elle entre les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription et se voient appliquées les dispositions transitoires prévues par la même loi et celles modifiant le point de départ de la prescription ou déterminant les causes de report du point de départ ou de suspension, non concernées par ces dispositions transitoires et qui ne peuvent disposer que pour l’avenir. C’est dans cette perspective que la Cour cite un précédent arrêt dans lequel elle avait déjà jugé que « la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'a pas eu pour effet de modifier le point de départ du délai de la prescription extinctive ayant commencé à courir antérieurement à son entrée en vigueur » (Civ. 3e, 24 janv. 2019, préc.).
Partant, la cour d’appel ne pouvait pas, en l’espèce, retenir comme point de départ de la prescription celui prévu par le nouvel article 2224 du Code civil alors que demeurait applicable l’ancien article 2270-1, faisant courir le délai non pas à compter de la connaissance du fait dommageable mais de sa manifestation : la cour de renvoi devra donc fixer le point de départ du délai de prescription de l’action engagée à compter de la « manifestation du dommage », conformément aux termes de l’ex-article 2270-1 du Code civil qui, soustrait au champ d’application des dispositions transitoires de la loi nouvelle et soumis au principe selon lequel celle-ci ne dispose que pour l’avenir (C. civ., art. 2), se trouve être le seul applicable.
Références
■ Civ. 3e, 24 janv. 2019, n° 17-25.793 P : DAE 25 févr. 2019, note Merryl Hervieu ; D. 2019. 198
■ Civ. 3e, 13 févr. 2020, n° 18-23.723 : RDI 2020. 324, obs. D. Noguéro
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