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Droit du travail - relations individuelles
Monsieur, ôtez cette boucle d’oreille que je ne saurais voir !
Mots-clefs : Licenciement, Discrimination, Liberté vestimentaire, Boucles d’oreilles, Apparence physique, Contact client
Un licenciement fondé sur l’apparence physique d’un salarié rapportée à son sexe est discriminatoire.
Un homme engagé dans un restaurant gastronomique en tant que chef de rang est licencié en raison de son refus d’ôter ses boucles d’oreilles pendant le service. Il décide alors de contester la légalité de son licenciement devant la juridiction prud’homale. La cour d’appel ayant fait droit à sa demande, la société exploitant le restaurant porte l’affaire devant la chambre sociale de la Cour de cassation.
Imposer une tenue vestimentaire à un employé en raison de son sexe est-il discriminatoire ?
Le principe de non-discrimination a vocation à s’appliquer à tout trait non pertinent au regard de l’aptitude professionnelle. Il s’exprime à travers des dispositions nationales, communautaires ou internationales et se trouve fréquemment assorti de sanctions pénales.
Ainsi, l’employeur ne peut, en principe, prendre en considération un certain nombre de traits distinctifs de la personne de l’employé pour motiver un licenciement. Sont strictement interdites :
– les différenciations faites à partir de ce que les salariés sont : l’origine, le sexe, l’âge… (art. 225-1 C. pén. et L. 1132-1 C. trav.) ;
– et les distinctions opérées selon ce que les salariés font : les mœurs, l’orientation sexuelle, les opinions politiques… (art. 225-1 C. pén. et L. 1132-1 C. trav. ; v. J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès).
Toutefois, un salarié peut se voir opposer des contraintes vestimentaires, constituant une atteinte à la liberté de se vêtir, dès lors qu’elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (Soc. 28 mai 2003 ; v. hypothèse où les attributions du salarié le mettent en contact avec la clientèle : arrêt Montribot : Soc. 12 nov. 2008 ; Soc. 3 juin 2009). En outre, « il revient au salarié d'apporter des éléments qui font présumer qu'il a subi une différence de traitement, puis à l'employeur de justifier que cette différence repose sur des raisons objectives, étrangères à toute discrimination » (art. L. 1134-1 C. trav. ; Soc. 10 oct. 2000).
En l’espèce, l’employeur précisait dans la lettre de licenciement : « votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d’oreilles sur l’homme que vous êtes ». Plutôt que d’invoquer l’atteinte à la liberté vestimentaire, le salarié a choisi de contester son licenciement pour cause discriminatoire : l’évocation du sexe et de l’apparence physique a créé un double motif de discrimination à son égard que l’employeur n’a pu justifier par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La Haute cour rejette donc le pourvoi de la société.
Soc. 11 janv. 2012, 10-28.213, FS-P+B
Références
■ J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, 6e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, p. 674.
■ Code du travail
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. «
« Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de l'apparence physique, du patronyme, de l'état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l'orientation sexuelle, de l'âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales. »
■ Soc. 28 mai 2003, n° 02-40.273, D. 2003-2718 ; D. 2004-176.
■ Soc. 12 nov. 2008, n°07-42.220.
■ Soc. 3 juin 2009, n° 08-40.346, Bull. civ. V, n° 144.
■ Soc. 10 oct. 2000, Bull. civ. V, n° 317.
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