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Droit de la famille
Motif légitime de refus d'une expertise biologique
Mots-clefs : Filiation, Paternité (reconnaissance, contestation), Expertise biologique (refus, motif légitime)
Peut être légitimement refusée la demande d'expertise biologique animée par un seul intérêt financier et tendant à faire annuler, soixante-deux ans après, une reconnaissance de paternité.
Pour sécuriser la donation que lui avait faite son père (et contourner le refus de sa sœur de consentir à la vente du bien donné ; art. 930 anc. C. civ.), un individu avait choisi une méthode peu orthodoxe, rejetée par la Cour de cassation dans cet arrêt du 30 septembre 2009 : contester la filiation de sa sœur… âgée de soixante-deux ans!
Père et fils demandaient donc, en l'espèce, sur le fondement de l’ancien article 339 du Code civil (aujourd’hui, art. 334 et s. C. civ.), l'annulation de la reconnaissance de paternité ainsi qu'une expertise biologique de nature à prouver l'inexactitude de cette reconnaissance. La cour d'appel avait rejeté leur action, retenant l'existence d'un motif légitime de ne pas procéder à l'expertise biologique.
S'il est acquis que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y recourir (v. not. Civ. 1re, 28 mars 2000) des incertitudes demeurent quant au contenu de cette dernière notion. Pour la jurisprudence, constitue un motif légitime l'impossibilité de réaliser l'expertise (Civ. 1re, 25 avr. 2007) ou encore le refus du parent dont la filiation est contestée de s'y soumettre (Civ. 1re, 11. juill. 2006, RJPF 2006-11/36).
Ici, la Cour de cassation confirme l'existence d'un tel motif et rejette donc le pourvoi. Le motif légitime est, globalement, le caractère non pertinent de la remise en cause de la filiation. La Cour le déduit de plusieurs éléments factuels : le père n'a jamais contesté sa paternité pendant soixante ans et il a même déclaré au notaire rédacteur de la donation que l'intéressée était sa fille ; la paternité, sinon avérée, est du moins possible, le père ayant eu au moins une relation sexuelle avec la mère de l'enfant ; la balance entre l'intérêt strictement financier du fils et le caractère déstabilisateur de l'annulation de la filiation pour la fille penche en faveur de cette dernière.
Au-delà, c'est bien l'action du temps — qui a solidifié la filiation et affaibli la vérité biologique — qui semble justifier la décision. C'est, d'ailleurs, dans cet esprit que l'ordonnance du 4 juillet 2005, ratifiée par la loi du 16 janvier 2009, a récemment réduit les délais de prescription de l'action en contestation de la reconnaissance (de 30 et 10 ans à 10 et 5 ans).
Références
■ Ancien article 339 du Code civil, abrogé par l’ordonnance du 4 juillet 2005 (entrée en vigueur le 1er juillet 2006)
« La reconnaissance peut être contestée par toutes personnes qui y ont intérêt, même par son auteur.
L'action est aussi ouverte au ministère public, si des indices tirés des actes eux-mêmes rendent invraisemblable la filiation déclarée. Elle lui est également ouverte lorsque la reconnaissance est effectuée en fraude des règles régissant l'adoption.
Quand il existe une possession d'état conforme à la reconnaissance et qui a duré dix ans au moins depuis celle-ci, aucune contestation n'est plus recevable, si ce n'est de la part de l'autre parent, de l'enfant lui-même ou de ceux qui se prétendent les parents véritables. »
■ Donation
« Contrat par lequel une personne (le donateur) transfère, immédiatement et irrévocablement, avec intention libérale, la propriété d’un bien ou l’un de ses démembrements (nue-propriété ou usufruit) à une autre (le donataire) qui l’accepte sans contrepartie. »
■ Désaveu de paternité/Contestation de paternité
« Action en justice par laquelle le mari tentait de prouver qu’il n’était pas le père de l’enfant de sa femme. Cette action permettait de combattre la présomption de paternité.
L’action en désaveu a été remplacée par une action en contestation de paternité ouverte, en l’absence de possession d’état conforme au titre de naissance, à tout intéressé pendant dix ans ; réservée à l’enfant, à ses père et mère et au parent prétendu lorsque la possession d’état a duré moins de cinq ans. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Civ. 1re, 28 mars 2000, D. 2000. 731, note Garé.
■ Civ. 1re, 25 avr. 2007, AJ fam. 2007. 273, obs. Chénedé.
■ Pour aller plus loin
– F. Granet-Lambrecht, « Preuves en droit de la famille : la preuve des liens de filiation », AJ fam. 2007. 459.
– Rép. civ. Dalloz, V° « Filiation », par Le Guidec et Chabot, nos 102 s. et 133 s.
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