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Motivation des arrêts d'assises et peines perpétuelles : la Cour de cassation persiste et signe!
Mots-clefs : Cour d'assises, Arrêts, Motivation, Droit à un procès équitable, Réclusion criminelle à perpétuité, Peine inhumaine et dégradante
Satisfait aux exigences légales et conventionnelles la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité prononcée par un arrêt d'assises qui, pour toute motivation, ne fait que reprendre les réponses qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés, statuant dans la continuité des débats, ont donné aux questions sur la culpabilité.
Par deux arrêts du 20 janvier 2010, la chambre criminelle réaffirme la conformité de la procédure applicable devant la cour d'assises aux exigences européennes.
Dans une première affaire (pourvoi n° 08-88.301), M. B., condamné en appel à la réclusion criminelle à perpétuité sans possibilité de se voir accorder l'une des mesures prévues à l'article 132-23 du Code pénal, soutenait que l'arrêt de cour d'assises qui, « sans expliquer les raisons de la décision et sans motiver celle-ci autrement que par des réponses affirmatives à des questions posées de façon abstraite, ne faisant aucune référence à un quelconque comportement précis », se bornait à rappeler chacune des infractions, objet de l'accusation et ses éléments constitutifs légaux, était dépourvu de motifs et méconnaissait les exigences du procès équitable.
Sans surprise, la Cour de cassation rejette ce moyen, estimant que « dès lors qu'ont été assurés l'information préalable sur les charges fondant la mise en accusation, le libre exercice des droits de la défense ainsi que le caractère public et contradictoire des débats, l'arrêt satisfait aux exigences légales et conventionnelles invoquées [art. 6, § 1, Conv. EDH, not.] ».
On rappellera que le débat sur la motivation des arrêts de cours d'assises a récemment ressurgi à la faveur d'une condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation du droit à un procès équitable (v. CEDH 13 janv. 2009, Taxquet c. Belgique), et que, malgré la similarité des systèmes juridiques belge et français, la chambre criminelle ne s'estime pas convaincue par l'argumentaire de la Cour de Strasbourg (v. Crim. 14 oct. 2009). Cette solution est également adoptée dans le second arrêt du 20 janvier 2010 (pourvoi n° 09-80.652).
Dans la même affaire, le demandeur soutenait encore que l'infliction d'une telle sentence (réclusion criminelle à perpétuité sans possibilité d'aménagement de peine) constituait une peine inhumaine et dégradante au sens de l'article 3 de la Convention. Là encore, l'argument est facilement balayé aux motifs que l'article 720-4 du Code de procédure pénale permet au tribunal de l'application des peines de mettre fin à l'application d'une telle mesure à l'issue d'une période de 30 ans, au vu de gages sérieux de réadaptation sociale. Sur ce point, on rappellera que la Cour européenne a déjà estimé que, s'agissant d'un individu condamné à perpétuité pour meurtre aggravé, puis libéré au terme de 41 années de détention, la peine de réclusion criminelle à perpétuité ne constituait pas en soi un traitement inhumain et dégradant, dès lors que le condamné n'était pas privé de tout espoir d'obtenir un aménagement de peine (v. CEDH 11 avr. 2006, Léger c. France).
Crim. 20 janv. 2010 [2 arrêts], nos 08-88.301 et 09-80.652
Références
■ Rép. pén. Dalloz, v. « Cour d'assises », par M. Redon.
Article 132-23
« En cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l'extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle.
La durée de la période de sûreté est de la moitié de la peine ou, s'il s'agit d'une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, de dix-huit ans. La cour d'assises ou le tribunal peut toutefois, par décision spéciale, soit porter ces durées jusqu'aux deux tiers de la peine ou, s'il s'agit d'une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, jusqu'à vingt-deux ans, soit décider de réduire ces durées.
Dans les autres cas, lorsqu'elle prononce une peine privative de liberté d'une durée supérieure à cinq ans, non assortie du sursis, la juridiction peut fixer une période de sûreté pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d'aucune des modalités d'exécution de la peine mentionnée au premier alinéa. La durée de cette période de sûreté ne peut excéder les deux tiers de la peine prononcée ou vingt-deux ans en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.
Les réductions de peines accordées pendant la période de sûreté ne seront imputées que sur la partie de la peine excédant cette durée. »
Article 720-4
« Lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale, le tribunal de l'application des peines peut, à titre exceptionnel et dans les conditions prévues par l'article 712-7, décider qu'il soit mis fin à la période de sûreté prévue par l'article 132-23 du code pénal ou que sa durée soit réduite.
Toutefois, lorsque la cour d'assises a décidé de porter la période de sûreté à trente ans en application des dispositions du dernier alinéa des articles 221-3 et 221-4 du code pénal, le tribunal de l'application des peines ne peut réduire la durée de la période de sûreté ou y mettre fin qu'après que le condamné a subi une incarcération d'une durée au moins égale à vingt ans.
Dans le cas où la cour d'assises a décidé qu'aucune des mesures énumérées à l'article 132-23 du code pénal ne pourrait être accordée au condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, le tribunal de l'application des peines ne peut accorder l'une de ces mesures que si le condamné a subi une incarcération d'une durée au moins égale à trente ans.
Les décisions prévues par l'alinéa précédent ne peuvent être rendues qu'après une expertise réalisée par un collège de trois experts médicaux inscrits sur la liste des experts agréés près la Cour de cassation qui se prononcent sur l'état de dangerosité du condamné.
Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article 732, le tribunal de l'application des peines peut prononcer des mesures d'assistance et de contrôle sans limitation dans le temps. »
■ Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
Article 3 Interdiction de la torture
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 6 Droit à un procès équitable
« 1 Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. […] »
■ CEDH 13 janv. 2009, Taxquet c. Belgique, n° 926/05, D. 2009. Chron. 1058, obs. Renucci.
■ Crim. 14 oct. 2009,n° 08-86.480, D. 2009. Chron. 2778, note Pradel ; ibid. 2010. Chron. C. cass. 39, note LeprieurCEDH 11 avr. 2006, Léger c. France n° 193/24/02, D 2006. Jur. 1800, note Céré ; RSC 2006. 134, obs. Massias.
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