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Procédure pénale
Motivation des arrêts de cour d'assises : la France ne plie pas
Mots-clefs : Cour d'assises, Arrêt, Verdict, Motivation, Convention européenne des droits de l'homme, Droit à un procès équitable
L'arrêt de la cour d'assises satisfait aux exigences légales et conventionnelles dès lors qu'ont été assurés l'information préalable sur les charges fondant la mise en accusation, le libre exercice des droits de la défense ainsi que le caractère public et contradictoire des débats.
Par un arrêt du 14 octobre 2009, la chambre criminelle refuse de plier devant la « tempête » ayant récemment déferlé sur les cours d'assises (belges, en l'occurrence, v. CEDH 13 janv. 2009, Taxquet c. Belgique).
En l'espèce, l'accusé, condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle par une cour d'assises d'appel pour meurtre concomitant à un vol, avait entendu se prévaloir de cette décision de la Cour de Strasbourg et donc de l'obligation, au regard de l'article 6 de la Convention européenne (qui garantit le droit de tout justiciable à un procès équitable), de « mettre en avant les considérations qui ont convaincu le jury de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusé et d'indiquer les raisons concrètes pour lesquelles il a été répondu positivement ou négativement à chacune des questions » (arrêt préc., § 48).
Mais c'est en vain que l'inconventionnalité de l'absence de motivation des arrêts de cours d'assises fut invoquée, puisque la chambre criminelle estime dans cet arrêt que, « dès lors qu'ont été assurés l'information préalable sur les charges fondant la mise en accusation, le libre exercice des droits de la défense ainsi que le caractère public et contradictoire des débats, l'arrêt satisfait aux exigences légales et conventionnelles invoquées [art. 6 § 1er Conv. EDH, 591 et 593 C. pr. pén.] » (formule empruntée à CEDH 15 nov. 2001, Papon c. France, n° 54210/00 ; dans cette affaire, le requérant avait été débouté sur ce point, puisqu'il avait reçu, devant les juridictions françaises, sept cent soixante-huit réponses à sept cent soixante-huit questions qui abordaient tous les aspects de son procès).
La Haute Cour s'en tient à sa jurisprudence qui refuse de sortir du cadre fixé par la loi (art. 348 s. C. pr. pén.) : celui des réponses par « oui » ou « non », formulées par magistrats et jurés, en leur intime conviction, aux questions posées (v. Crim. 30 avr. 1996 ; v. aussi, censurant des arrêts assortis de circonstances de fait, Crim. 15 déc. 1999). Satisfait donc aux exigences légales et conventionnelles l'arrêt qui reprend les réponses de la Cour, statuant dans la continuité des débats, à vote secret et à la majorité qualifiée des deux tiers, aux questions sur la culpabilité, les unes, principales, posées conformément au dispositif de la décision de renvoi, les autres, subsidiaires, soumises à la libre discussion des parties.
Actuellement, les arrêts d'assises ne sont donc pas, à proprement parler, motivés. Or, sans figurer expressément dans le texte de la Convention européenne, l'exigence de motivation des décisions de justice n'en est pas moins inhérente à l'équité du procès. Cette obligation est d'ailleurs déjà imposée par le droit français aux juges des délits et des contraventions, alors même que les peines encourues sont d'une moindre gravité… Cela dit, les choses pourraient bien changer : l'affaire Taxquet a, en effet, été renvoyée devant la grande chambre de la Cour européenne ; en outre, le rapport Léger préconise également d'introduire une « réelle » motivation des arrêts de cours d'assises.
Références
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme – Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
■ Code de procédure pénale
Article 348
« Le président donne lecture des questions auxquelles la cour et le jury ont à répondre. Cette lecture n'est pas obligatoire quand les questions sont posées dans les termes de la décision de mise en accusation ou si l'accusé ou son défenseur y renonce. »
Article 591
« Les arrêts de la chambre de l'instruction ainsi que les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les juridictions de jugement, lorsqu'ils sont revêtus des formes prescrites par la loi, ne peuvent être cassés que pour violation de la loi. »
Article 593
« Les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.
Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. »
■ CEDH 13 janv. 2009, Taxquet c. Belgique, D. 2009. Pan. 1058, obs. Renucci ; RSC 2009. 657, obs. Marguénaud.
■ Crim. 30 avr. 1996, Bull. crim., n° 181 ; RSC 1996. 877, obs. Dintilhac.
■ V. aussi, censurant des arrêts assortis de circonstances de fait, Crim. 15 déc. 1999, Bull. crim., n°s 307 et 308 ; Dr. pénal 2000. Comm. 93, obs. Maron.
■ Pour aller plus loin :
B. Bouloc, Procédure pénale, 21e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2008, n°s 859 s. (procédure devant la cour d'assises) et 880 (motivation de la décision).
M. Huyette, « Quelle réforme pour la cour d'assises ? », D. 2009. 2437.
A. Blanc, « La preuve aux assises : entre formalisme et oralité, la formation de l'intime conviction », AJ pénal 2005. 271.
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