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Procédure pénale
Motivation des arrêts de cour d’assises : les exigences de la réforme
Mots-clefs : Cour d’assises, Motivation, Art. 365-1 C. pr. pén.
En cas de condamnation, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge, exposés au cours des délibérations, qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises.
Alors que la Cour européenne des droits de l’homme, en sa grande chambre, a refusé d'imposer aux États parties la motivation des verdicts d'assises, (CEDH Gde ch., 16 nov. 2010) comme le Conseil constitutionnel (Cons. const. 1er avr. 2011), le législateur a tout de même introduit une obligation minimale de motivation des arrêts d’assises (L. no 2011-939 du 10 août 2011, art. 12-II).
Depuis le 1er janvier 2012, une « feuille de motivation » annexée à la feuille des questions, énonce les « principales raisons, qui pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises » (C. pr. pén., art. 365-1). Cette réforme est donc, selon les termes de la Cour européenne « a priori susceptible de renforcer significativement les garanties contre l'arbitraire et de favoriser la compréhension de la condamnation par l'accusé » (CEDH 10 janv. 2013, A. c/ France).
Il importe désormais que les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation permettent de s'assurer que la cour d'assises a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l'ont convaincue de la culpabilité de l'accusé, et justifié sa décision Crim. 9 janv. 2013).
Tel n’est pas le cas dans l’arrêt d’espèce soumis au contrôle de la chambre criminelle. Dans cette affaire, la cour d'assises de la Haute-Garonne a condamné un individu à trente ans de réclusion criminelle pour vol avec arme précédé, accompagné ou suivi de violences ayant entraîné la mort et association de malfaiteurs.
Dans le cadre de l’examen du pourvoi en cassation, la chambre criminelle avait dans un premier temps refusé de transmettre une QPC déposée par l’accusé retenant que l'absence de motivation des peines de réclusion criminelle et d'emprisonnement prononcées par les cours d'assises — qui s'explique par l'exigence d'un vote à la majorité absolue ou à la majorité de six ou de huit voix au moins lorsque le maximum de la peine privative de liberté est prononcé —, ne porte pas atteinte au droit à l'égalité devant la justice garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l’homme, les personnes accusées de crime devant les cours d'assises étant dans une situation différente de celles poursuivies devant le tribunal correctionnel (Crim., QPC, 29 mai 2013).
Examinant dans un second temps, les autres moyens du pourvoi, la chambre criminelle censure l’arrêt rendu au visa de l’article 365-1 du Code de procédure pénale au motif que « la cour d’assises n’a pas énoncé les principaux éléments à charge, exposés au cours des délibérations, qui pour chacun des faits reprochés à l’accusé l’ont convaincue ».
La cassation était sans nul doute prévisible. En effet, la cour d’assises avait retenu au titre de sa motivation, que « les éléments du dossier ne permettent pas d’établir l’identité de l’auteur des coups, les éléments à charge recueillis à l’encontre de l’accusé étant davantage révélateurs de sa présence sur les lieux, que d’un geste homicide, l’infraction de vol n’étant pas contestée ». Une telle motivation ne pouvait passer pour satisfaisante tant elle ne permet pas la compréhension de la condamnation par l'accusé, bien au contraire….
Crim. 20 nov. 2013, n° 12-86.630 FS-P+B
Références
■ CEDH Gde ch., 16 nov. 2010, n° 926/05, Taxquet c/ Belgique, Dalloz actualité, 25 nov. 2010, obs. O. Bachelet ; D. 2011. Jur. 47, note J.-F. Renucci ; ibid. 48, note J. Pradel ; AJ pénal 2011. 35, obs. C. Renaud-Duparc.
■ Cons. const. 1er avr. 2011, n° 2011-113/115 QPC.
■ CEDH 10 janv. 2013, A. c/ France, req. no 61198/08 ; RSC 2013. 109, note Danet, JCP 2013, no 855, obs. Sudre.
■ Crim. 9 janv. 2013, n°12-81.626, Dalloz actualité, 22 janv. 2013, obs. Bombled ; RSC 2013. 405, obs. Salvat.
■ Crim., QPC, 29 mai 2013, n°12-86.630.
■ Article 6 de la Déclaration des droits de l’homme
« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
■ Article 365-1 du Code de procédure pénale
« Le président ou l'un des magistrats assesseurs par lui désigné rédige la motivation de l'arrêt.
En cas de condamnation, la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises. Ces éléments sont ceux qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury en application de l'article 356, préalablement aux votes sur les questions.
La motivation figure sur un document annexé à la feuille des questions appelé feuille de motivation, qui est signée conformément à l'article 364.
Lorsqu'en raison de la particulière complexité de l'affaire, liée au nombre des accusés ou des crimes qui leur sont reprochés, il n'est pas possible de rédiger immédiatement la feuille de motivation, celle-ci doit alors être rédigée, versée au dossier et déposée au greffe de la cour d'assises au plus tard dans un délai de trois jours à compter du prononcé de la décision. »
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