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Droit des transports/Droit maritime
Nature de la responsabilité de l’agence de voyage au titre du dommage subi par un touriste lors d’une croisière maritime
Mots-clefs : Agence de voyages, Code du tourisme, Forfait touristique, Responsabilité de plein droit
Une agence de voyage est soumise à la responsabilité de plein droit prévue par l’article L. 211-16 du Code du tourisme (L. du 13 juill. 1992, art. 23) à l’égard d’une cliente victime d’une intoxication alimentaire au cours d’une croisière maritime.
Une touriste avait acheté, auprès d’une agence de voyages, une croisière maritime au cours de laquelle elle eut à souffrir, ainsi que certains de ses compagnons de voyage, d’une gastro-entérite qui ne pouvait vraisemblablement être imputée qu’aux aliments offerts à la consommation par l’organisateur de la croisière. Assignée en justice par la malchanceuse touriste, l’agence de voyage est condamnée à verser la somme de 10 000 euros à la victime en réparation de ses dommages financier et moral, le professionnel bénéficiant néanmoins de la garantie de son prestataire qu’il avait appelé en la cause.
Devant la Cour de cassation, l’agence de voyages critique l’assise textuelle de cette condamnation, reprochant à la cour d’appel d’avoir apprécié sa responsabilité par application des dispositions de la loi no 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours. En vertu de ce texte, l’agence de voyage est soumise à une responsabilité de plein droit quant à la bonne exécution de ses obligations contractuelles dans le cadre du contrat de voyage à forfait. Institué par l’article 23 de la loi du 13 juillet 1992, ce régime spécial de responsabilité est désormais énoncé par l’article L. 211-16 nouveau du Code du tourisme, issu de la loi no 2009-888 du 22 juillet 2009. Or, si l’hypothèse de la croisière maritime se coule sans difficulté dans le moule du forfait touristique tel que défini par l’article L. 211-2 du Code du tourisme, elle a donné lieu à des hésitations quant aux textes applicables, les professionnels prétendant échapper à la responsabilité de plein droit résultant de la loi de 1992 en invoquant l’application de la loi no 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime. Ce dernier texte, qui contient un chapitre consacré aux organisateurs de croisières maritimes, laisse en effet la place, à l’inverse de la loi de 1992, à une obligation de moyens à la charge du professionnel en fonction du type de dommage (v. Dagorne-Labbe, Bon-Garcin, Bernadet et Reinhard, Tandonnet-Gency). C’est pourquoi l’agence de voyages se prévalait en l’espèce de sa qualité d’organisateur de croisière pour réclamer l’application de ce régime plus favorable à son égard, imposant à la victime de rapporter la preuve d’une faute.
Cette argumentation devait échouer pour deux raisons :
– d’abord, de façon générale, parce que l’articulation délicate entre les deux textes précités a été opérée par la Haute cour il y a quelques années, en faveur d’une application de la loi de 1992 exclusive de celle de la loi de 1966 (Civ. 1re, 18 oct. 2005) ;
– ensuite – et c’est là une circonstance qui semble avoir emporté la conviction des magistrats – parce que le contrat litigieux faisait précisément référence aux dispositions de la loi de 1992. Il était difficile pour l’agence de voyage, dans ces conditions, de prétendre que sa responsabilité ne devait pas être appréciée à l’aune du régime prévu par ce texte.
Sévère pour l’agence de voyages, l’arrêt lui apporte tout de même une consolation : dans le cadre du recours en garantie exercé contre le prestataire organisateur de la croisière, ce dernier est pareillement soumis un régime de responsabilité de plein droit résultant, non pas de la loi du 13 juillet 1992, mais de celle du 18 juin 1966.
Civ. 1re, 15 déc. 2011, pourvoi no 10-10.585, FS-P+B+I
Références
[Droit civil]
« Obligation en vertu de laquelle le débiteur n’est pas tenu d’un résultat précis. Ainsi le médecin s’engage seulement à tout mettre en œuvre pour obtenir la guérison du malade sans garantir cette dernière. Le créancier d’une telle obligation ne peut mettre en jeu la responsabilité de son débiteur que s’il prouve que ce dernier a commis une faute, n’a pas utilisé tous les moyens promis. »
■ Rép. com., V°« Agence de voyage » par Dagorne-Labbe, no 35 s.
■ Bon-Garcin, Bernadet et Reinhard, Droit des transports, Dalloz, coll. « Précis », 2010, no 769.
■ Tandonnet-Gency, « Les tendances de la jurisprudence relative à la responsabilité des agences de voyages et la L. du 13 juill. 1992 », Gaz. Pal. 8 mars 2003, p. 25.
■ Civ. 1re, 18 oct. 2005, no 02-15.487, D. 2007. 111, obs. Kenfack.
■ Code du tourisme
« I.-Le présent chapitre s'applique aux personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours, quelles que soient les modalités de leur rémunération, aux opérations consistant en l'organisation ou la vente :
a) De voyages ou de séjours individuels ou collectifs ;
b) De services pouvant être fournis à l'occasion de voyages ou de séjours, notamment la délivrance de titres de transport, la réservation de chambres dans des établissements hôteliers ou dans des locaux d'hébergement touristique et la délivrance de bons d'hébergement ou de restauration ;
c) De services liés à l'accueil touristique, notamment l'organisation de visites de musées ou de monuments historiques.
Le présent chapitre s'applique également aux opérations de production ou de vente de forfaits touristiques, tels que ceux-ci sont définis à l'article L. 211-2, ainsi qu'aux opérations liées à l'organisation et à l'accueil de foires, salons et congrès ou de manifestations apparentées dès lors que ces opérations incluent tout ou partie des prestations prévues aux a, b et c du présent I.
II.-Les personnes physiques ou morales immatriculées au registre mentionné au I de l'article L. 211-18 peuvent réaliser sous forme électronique les opérations mentionnées au I du présent article dans les conditions prévues par le présent chapitre et par les articles 1369-4 à 1369-6 du code civil, L. 121-15-1 à L. 121-15-3 du code de la consommation et la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du même code, à l'exception des dispositions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-20-3.
III.-Les organismes locaux de tourisme bénéficiant du soutien de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements peuvent se livrer ou apporter leur concours, dans l'intérêt général, à des opérations mentionnées au I, dès lors que celles-ci permettent de faciliter l'accueil ou d'améliorer les conditions de séjour des touristes dans leur zone géographique d'intervention.
IV.-Les associations et les organismes sans but lucratif ne peuvent réaliser tout ou partie des opérations mentionnées au I qu'en faveur de leurs membres.
V.-Le présent chapitre s'applique aux personnes physiques ou morales qui émettent des bons permettant d'acquitter le prix de l'une des prestations mentionnées au présent article et à l'article L. 211-2. »
« Constitue un forfait touristique la prestation :
1° Résultant de la combinaison préalable d'au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d'autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait ;
2° Dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée ;
3° Vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris. »
Article L. 211-16, modifié par la loi n°2009-888 du 22 juillet 2009 - art. 1
« Toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article L. 211-1 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales.
Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. »
■ Ancien article 23 de la loi n°92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours
« Toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article 1er est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. »
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