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Nature des mesures de bon ordre appliquées aux mineurs détenus
Mots-clefs : Mesure de bon ordre, Recours pour excès de pouvoir, Mineur détenu, Acte transgressif, Faute disciplinaire, Sanction disciplinaire
Les mesures de bon ordre (MBO) appliquées aux mineurs détenus ne sont pas des sanctions disciplinaires. Aussi, la demande d’annulation pour excès de pouvoir concernant la note du 19 mars 2012 relative aux MBO appliquées aux personnes détenues mineures est rejetée par le Conseil d’État.
La note du garde des Sceaux de mars 2012 adressée aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires et aux directeurs interrégionaux de la protection judiciaire de la jeunesse précise le principe des MBO : « apporter une réponse rapide à des actes transgressifs de faible gravité pour lesquels le seul entretien visant au rappel à l’ordre n’est pas suffisant ».
Cette note détermine les conditions nécessaires et les principes directeurs relatifs à la mise en œuvre des MBO afin que l’ensemble des institutions ayant la charge de personnes détenues mineures puissent disposer des mêmes principes directeurs en la matière. Pour cela, le ministre de la Justice :
– énumère les quatorze comportements transgressifs concernés susceptibles de donner lieu à une MBO. Il s’agit, par exemple, de cris aux fenêtres, de jets de détritus ou encore du défaut d’entretien de la cellule (nettoyage, rangement) ;
– propose des MBO : lettre d’excuse, repas en cellule, privation d’activité de loisir, etc.
Ainsi, les cris aux fenêtres peuvent faire l’objet pour le détenu mineur d’une lettre d’excuse ou encore d’une privation de télévision d’une durée maximum de vingt-quatre heures. Par ailleurs, la mesure décidée par le personnel de surveillance et le personnel de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) donne systématiquement lieu à un entretien préalable avec le mineur.
Considérant que la note du 19 mars 2012 relative aux MBO appliquées aux personnes détenues mineures méconnaissait le principe des droits de la défense, le principe de l’obligation de motivation des actes administratifs et le principe du contradictoire, l’association Ban Public, association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe, a demandé au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir la note litigieuse.
Dans sa décision du 24 septembre 2014, le Conseil d’État reconnait que la note de 2012 énumérant les comportements susceptibles de donner lieu à une MBO sont proches des faits pouvant constituer des fautes disciplinaires au sens des articles R. 57-7-1 à R. 57-7-3 du Code de procédure pénale et que les MBO susceptibles d’être proposées sont également proches des sanctions prévues aux articles R. 57-7-35 et R. 57-7-37.
Toutefois, le Conseil d’État précise que l’objectif de la note du ministre de la Justice est d’appliquer des MBO à des « agissements d’une durée trop brève, d'une gravité insuffisante ou d'une fréquence trop rare pour fonder une sanction disciplinaire » mais qui nécessitent néanmoins « une réaction du personnel en charge de l'éducation et de la surveillance des personnes mineures détenues , afin d'apporter une réponse rapide et proportionnée, avant toute sanction, aux comportements transgressifs, contribuant, par là même, à l'éducation de ces dernières et permettant le rétablissement immédiat du bon ordre dans les établissements pénitentiaires ». Par ailleurs, « si certains des faits pouvant conduire à la prise d'une mesure de bon ordre sont voisins de ceux pouvant fonder une sanction, ils s'en distinguent notamment par leur intensité, leur gravité, leur durée ou les conditions de leur occurrence ». Enfin, « si le libellé de certaines mesures de bon ordre peut être très proche, voire identique à celui de certaines sanctions, ces mesures – qui ne peuvent jamais consister en une privation de promenade ni d'activité éducative et sont d'une durée très courte – ne peuvent, au regard de ce qui les motive et des conditions de leur mise en œuvre, être regardées comme des sanctions ».
Ainsi, eu égard à leur nature, les MBO ne sont pas soumises au respect du principe des droits de la défense, ne font pas parties des décisions devant être motivées au titre des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et n’ont pas à être prises au terme de la procédure contradictoire de l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Le Conseil d’État rejette donc le recours de l’association Ban Public.
CE 24 sept. 2014, Assoc. Ban Public, n° 362472
Références
■ Note du 19 mars 2012 relative aux mesures de bon ordre : http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSK1240025N.pdf
■ Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public
Article 1er
« Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :
- restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;
- infligent une sanction ;
- subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;
- retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
- opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
- refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;
-refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
-rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. »
Article 2
« Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement. »
■ Article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
« Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables :
1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ;
2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ;
3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière.
Les modalités d'application du présent article sont fixées en tant que de besoin par décret en Conseil d'Etat. »
■ Code de procédure pénale
« Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue :
1° D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel ou d'une personne en mission ou en visite dans l'établissement ;
2° D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'une personne détenue ;
3° De participer ou de tenter de participer à toute action collective, précédée ou accompagnée de violences envers les personnes ou de nature à compromettre la sécurité des établissements ;
4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir, par menace de violences ou contrainte, un engagement ou une renonciation ou la remise d'un bien quelconque ;
5° De commettre intentionnellement des actes de nature à mettre en danger la sécurité d'autrui ;
6° De participer à une évasion ou à une tentative d'évasion ;
7° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement tous objets ou substances dangereux pour la sécurité des personnes ou de l'établissement, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service ;
8° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement des produits stupéfiants, de les détenir ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service ;
9° D'introduire ou de tenter d'introduire au sein de l'établissement, de détenir, sans autorisation médicale, des produits de substitution aux stupéfiants ou des substances psychotropes, ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service ;
10° De causer ou de tenter de causer délibérément aux locaux ou au matériel affecté à l'établissement un dommage de nature à compromettre la sécurité ou le fonctionnement normal de celui-ci ;
11° D'inciter une personne détenue à commettre l'un des manquements énumérés par le présent article ou de lui prêter assistance à cette fin. »
Article R. 57-7-2
« Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue :
1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ;
2° De mettre en danger la sécurité d'autrui par une imprudence ou une négligence ;
3° D'imposer à la vue d'autrui des actes obscènes ou susceptibles d'offenser la pudeur ;
4° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un membre du personnel de l'établissement ou d'une personne en mission au sein de l'établissement un avantage quelconque par des offres, des promesses, des dons ou des présents ;
5° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ;
6° De se soustraire à une sanction disciplinaire prononcée à son encontre ;
7° De participer à toute action collective de nature à perturber l'ordre de l'établissement, hors le cas prévu au 3° de l'article R. 57-7-1 ;
8° De formuler des insultes ou des menaces à l'encontre d'une personne détenue ;
9° D'enfreindre ou de tenter d'enfreindre les dispositions législatives ou réglementaires, le règlement intérieur de l'établissement ou toute autre instruction de service applicables en matière d'entrée, de circulation ou de sortie de sommes d'argent, correspondance, objets ou substance quelconque ;
10° De détenir des objets ou substances interdits par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l'établissement ou par toute autre instruction de service ou d'en faire l'échange contre tout bien, produit ou service, hors les cas prévus aux 7°,8° et 9° de l'article R. 57-7-1 ;
11° De causer délibérément un dommage aux locaux ou au matériel affecté à l'établissement, hors le cas prévu au 10° de l'article R. 57-7-1 ;
12° De causer délibérément un dommage à la propriété d'autrui ;
13° De commettre ou tenter de commettre un vol ou toute autre atteinte frauduleuse à la propriété d'autrui ;
14° De consommer des produits stupéfiants ;
15° De consommer, sans autorisation médicale, des produits de substitution aux stupéfiants, des psychotropes ou des substances de nature à troubler le comportement ;
16° De se trouver en état d'ébriété ;
17° De provoquer un tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement ;
18° D'inciter une personne détenue à commettre l'un des manquements énumérés au présent article ou de lui prêter assistance à cette fin.
Article R. 57-7-3
« Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue :
1° De formuler des outrages ou des menaces dans les lettres adressées aux autorités administratives et judiciaires ;
2° De formuler dans les lettres adressées à des tiers des menaces, des injures ou des propos outrageants à l'encontre de toute personne ayant mission dans l'établissement ou à l'encontre des autorités administratives et judiciaires, ou de formuler dans ces lettres des menaces contre la sécurité des personnes ou de l'établissement ;
3° De refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement ;
4° De ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l'établissement ou les instructions particulières arrêtées par le chef d'établissement ;
5° D'entraver ou de tenter d'entraver les activités de travail, de formation, culturelles, cultuelles ou de loisirs ;
6° De communiquer irrégulièrement avec une personne détenue ou avec toute autre personne extérieure à l'établissement ;
7° De négliger de préserver ou d'entretenir la propreté de sa cellule ou des locaux communs ;
8° De jeter tout objet ou substance par les fenêtres de l'établissement ;
9° De faire un usage abusif ou nuisible d'objets autorisés par le règlement intérieur ;
10° De pratiquer des jeux interdits par le règlement intérieur ;
11° D'inciter une personne détenue à commettre l'un des manquements énumérés au présent article ou lui prêter assistance à cette fin. »
« Lorsque la personne détenue est mineure, peuvent être prononcées les sanctions suivantes :
1° L'avertissement ;
2° La privation pendant une période maximum de quinze jours de la faculté d'effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d'hygiène et du nécessaire de correspondance ;
3° La privation pendant une durée maximum de quinze jours de tout appareil audiovisuel dont le mineur a l'usage personnel ;
4° Une activité de réparation ;
5° La privation ou la restriction d'activités culturelles, sportives et de loisirs pour une période maximum de huit jours ;
6° Le confinement en cellule individuelle ordinaire.
Toutefois, la personne mineure de seize ans ne peut faire l'objet de confinement que lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues aux 1°,2°,3°,4°,5°,6° et 7° de l'article R. 57-7-1. »
Article R. 57-7-36
« Lorsque la personne détenue est mineure de plus de seize ans, peuvent être prononcées les sanctions suivantes :
1° La mise en cellule disciplinaire, lorsque les faits commis constituent :
a) Les fautes prévues aux 1°,2°,3°,4°,5°,6° et 7° de l'article R. 57-7-1 ;
b) Les menaces prévues aux 1° et 8° de l'article R. 57-7-2 ainsi que les fautes prévues aux 6° et 7° du même article ;
2° La suspension de la décision de classement dans un emploi ou une activité de formation pour une durée maximale de trois jours lorsque la faute disciplinaire a été commise au cours ou à l'occasion du travail ou de cette activité. »
Article R. 57-7-37
« La sanction d'activité de réparation prévue au 4° de l'article R. 57-7-35 consiste soit à :
1° Présenter oralement ses excuses à la victime de la faute ;
2° Rédiger une lettre d'excuse ;
3° Rédiger un écrit portant sur la faute commise et sur le préjudice qu'elle a occasionné ;
4° Effectuer un travail de nettoyage ou de rangement des locaux de l'établissement pour une durée globale n'excédant pas dix heures lorsque la faute disciplinaire est en relation avec un manquement aux règles de l'hygiène.
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