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Droit du travail - relations individuelles
Ne licencie pas qui veut
Mots-clefs : Licenciement, Lettre de licenciement, Signature pour ordre, Personne étrangère à l’entreprise, Notification du licenciement
Le licenciement dont la procédure a été conduite par l’expert-comptable, personne étrangère à l’entreprise, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, nonobstant la signature pour ordre de la lettre de licenciement au nom de l’employeur.
Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que la procédure de licenciement ne peut être conduite par une personne étrangère à l’entreprise, compte tenu de la finalité même de l’entretien préalable et des règles de notification du licenciement (C. trav., art. L. 1232-6). Si la procédure de licenciement suppose très souvent qu’une personne physique dispose d’une délégation de pouvoir, l’employeur étant généralement une personne morale, cette personne physique doit donc faire partie de l’entreprise pour laquelle ou dans laquelle travaille le salarié. A défaut, le licenciement se trouve injustifié et ouvre droit pour le salarié au versement de dommages-intérêts.
En l’espèce, l’employeur avait confié par mandat écrit à son expert-comptable le soin de procéder à la rupture du contrat du travail. L’expert-comptable avait ensuite convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement, conduit cet entretien, puis notifié au salarié son licenciement. Malgré la signature « pour ordre » de la lettre de convocation et de celle notifiant le licenciement, la Cour de cassation estime que la procédure n’était pas valable et que le licenciement se trouve par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors que l’expert-comptable est étranger à l’entreprise. Ce dernier n’est en effet qu’un co-contractant de l’employeur, extérieur à l’entreprise.
La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence.
La solution retenue a déjà été énoncée dans un arrêt du 26 mars 2002 (Soc. 26 mars 2002, n° 99-43.155) et réitérée par la suite (Soc. 26 avr. 2006, n° 04-42.860). Reste que la Cour peut faire preuve de souplesse dans certaines hypothèses. Au sein de groupes d’entreprises, elle estime ainsi qu’un directeur d’une société mère n’est pas une personne étrangère aux entreprises exploitées par les filiales. Il peut recevoir une délégation pouvoir de la part d’une filiale pour procéder au licenciement d’un salarié de cette dernière (convocation à l’entretien, conduite de l’entretien et notification du licenciement : Soc. 23 sept. 2009, n° 07-44.200. Soc. 30 juin 2015 n° 13-28.146). De même, la cour retient qu’un travailleur temporaire n’est pas une personne étrangère à l’entreprise dans laquelle il effectue sa mission. Il peut donc également être délégataire d’un pouvoir de licencier des salariés (Soc. 2 mars 2011 n° 09-67.237). Surtout, dans un arrêt du 10 novembre 2009 (Soc. 10 nov. 2009, n° 08-41.076), les magistrats de la haute juridiction estiment valable la notification d’un licenciement par un courrier signé « P/O » sans mention du nom de la personne signataire. La cour d’appel a jugé qu’il lui était impossible de vérifier si la personne en question exerçait bien ses fonctions dans l’entreprise et si elle avait reçu une délégation de pouvoir. Mais pour la Cour de cassation, le mandat a été ratifié puisque la procédure a été menée à son terme. On trouve cette référence à la ratification dans au moins deux autres arrêts (Ch. mixte 19 nov. 2010, n° 10-30.215 et Soc. 16 janv. 2013, n° 11-26.398).
En l’espèce toutefois, la ratification ne saurait être efficace et c’est à juste titre que la Cour de cassation n’en fait pas mention. En effet, l’expert-comptable étant étranger à l’entreprise, il ne peut en aucun cas disposer de la compétence pour licencier un salarié. La situation n’est pas la même lorsque c’est une personne de l’entreprise qui a procédé au licenciement en excédant le mandat qu’il lui avait été confié.
S’agissant de la sanction du défaut de pouvoir, la Cour confirme également sa jurisprudence selon laquelle le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse. Un temps, les magistrats avaient paru opter pour la nullité du licenciement (V. ainsi Soc. 29 avr. 2009, n° 08-40.128). Mais depuis un arrêt du 30 septembre 2010 (n° 09-40.114), c’est la solution de l’absence de cause réelle et sérieuse qui s’impose. D’aucuns peuvent regretter ce choix, le défaut de pouvoir et donc de compétence devant rendre nul l’acte accompli (V.G. Auzero, L’exercice du pouvoir de licencier, Dr. soc. 2010. 289 ; A. Coeuret et F. Dusquesne, Actualité de la délégation du pouvoir de licencier dans l’entreprise ou le groupe d’entreprises, Dr. soc. 2012. 35.). Peut-être la cour de cassation estime-t-elle qu’il s’agit avant tout d’une question de justification du licenciement – d’absence de justification en l’occurrence – et que, en quelque sorte, l’employeur a bien eu l’intention de rompre le contrat de travail. Le licenciement, en tant qu’acte juridique, demeure valable, il produit son effet de rupture du contrat. Mais il se trouve injustifié, la procédure n’ayant pas été conduite par l’employeur ou une personne habilitée à le faire.
Un dernier point mérite l’attention : il faut distinguer cette situation d’absence de pouvoir de licencier, lorsque notamment la lettre est signée par une personne étrangère à l’entreprise, de celle où l’employeur, ou la personne qui agit valablement en son nom, a simplement omis de signer la lettre de licenciement. Dans ce dernier cas, il n’y a qu’une simple irrégularité de procédure qui n’entrave pas la justification du licenciement (Soc. 4 avr. 2012, n° 10-28.266).
Soc. 26 avril 2017, n° 15-25.204
Références
■ Soc. 26 mars 2002, n° 99-43.155 P, D. 2002. 1323; Dr. soc. 2002. 784, obs. J. Mouly.
■ Soc. 26 avr. 2006, n° 04-42.860.
■ Soc. 23 sept. 2009, n° 07-44.200 P, D. 2009. 2351, obs. S. Maillard ; RDT 2009. 647, obs. G. Auzero.
■ Soc. 30 juin 2015, n° 13-28.146 P, D. 2015. 2301, note S. Vernac ; RDT 2015. 536, obs. G. Auzero.
■ Soc. 2 mars 2011, n° 09-67.237 P, D. 2011. 823, obs. L. Perrin ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 307, obs. N. Ferrier.
■ Soc. 10 nov. 2009, n° 08-41.076 P, D. 2009. 2869, obs. L. Perrin.
■ Ch. mixte 19 nov. 2010, n° 10-30.215 P, D. 2011. 344, note F. Marmoz ; Rev. sociétés 2011. 34, note P. Le Cannu ; Dr. soc. 2011. 382, note A. Coeuret et F. Duquesne ; RTD com. 2011. 130, obs. B. Dondero et P. Le Cannu.
■ Soc. 16 janv. 2013, n° 11-26.398.
■ Soc. 29 avr. 2009, n° 08-40.128.
■ Soc. 30 sept. 2010, n° 09-40.114 P, D. 2010. 2371.
■ Soc. 4 avr. 2012, n° 10-28.266.
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