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Droit de la responsabilité civile
Négligence de la victime d'une infraction et étendue du droit à réparation
Mots-clefs : Responsabilité civile, Victime (négligence, réparation, étendue), Réparation intégrale, Infraction intentionnelle contre les biens
L'indemnisation due par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens ne peut être réduite en raison de la négligence de la victime lorsqu'il en résulterait pour lui un profit quelconque.
En refusant de réduire la réparation due à la victime d'une infraction intentionnelle contre les biens, la deuxième chambre civile, par cet arrêt du 19 novembre 2009, aligne sa jurisprudence sur celle de la chambre criminelle. En l'espèce, l'employée d'une société qui avait imité la signature d'un des dirigeants afin d'encaisser des chèques tirés sur le compte de celle-ci, avait été assignée en remboursement des sommes détournées. Les juges du fond avaient limité à la moitié le montant de la réparation au motif que la société avait commis une négligence dans le contrôle de sa comptabilité (en mettant plus de deux ans à s'apercevoir de l'existence des détournements) et participé à la réalisation de son propre préjudice.
Censurant cette décision au visa de l'article 1382 du Code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice, la Cour de cassation énonce que « l'indemnisation due par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens ne peut être réduite en raison de la négligence de la victime lorsqu'il en résulterait pour lui un profit quelconque ». Ce faisant, elle adopte une position similaire à la chambre criminelle qui considère qu'« aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison d'une négligence de la victime, le montant des réparations civiles dues à celle-ci par l'auteur d'une infraction intentionnelle contre les biens » (Crim. 16 mai 1991 ; 20 mars 1995 ; 7 nov. 2001). De nombreuses décisions ont, en effet, refusé de réduire la réparation due à la victime d'une infraction intentionnelle contre les biens, qu'il s'agisse d'un vol (Crim. 27 mars 1973), d'une escroquerie (Crim. 28 févr. 1990), d'un abus de confiance (Crim. 25 janv. 1993) ou encore du délit de chèque sans provision (Crim. 4 oct. 1990).
La motivation des deux chambres, néanmoins, diffère : la chambre criminelle se réfère à l'absence de disposition légale autorisant un partage de responsabilité (par égard au principe de légalité criminelle) tandis que la deuxième chambre civile énonce que l'auteur de l'infraction ne peut tirer un profit quelconque de celle-ci. La solution de la deuxième chambre civile s'explique par la volonté d'éviter tout enrichissement de l'auteur de l'infraction : réduire la réparation de la société en raison de sa négligence aurait abouti à ce que l'employée, auteur de l'infraction, conserve une partie du produit de celle-ci. Il n'en demeure pas moins que celle-ci déroge à « la règle civile du partage de responsabilité en cas de faute de la victime » (v. P. Jourdain). C'est pourquoi elle ne doit être admise qu'en cas d'infraction intentionnelle contre les biens et de simple négligence fautive de la victime (une infraction non intentionnelle ne suffirait plus à justifier une dérogation au principe du partage de responsabilité).
Civ. 2e, 19 nov. 2009
Références
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Crim. 27 mars 1973, RTD civ. 1973.780, obs. Durry.
Crim. 28 févr. 1990, RTD civ. 1990. 670.
Crim. 4 oct. 1990, Bull. crim. n° 331 ; JCP 1992. I. 3572, obs. Viney.
Crim. 16 mai 1991, RSC 1992. 102, obs. Boulan.
Crim. 25 janv. 1993, RJDA 1993, n° 370.
Crim. 20 mars 1995, JCP G 1995. IV. 241.
Crim. 7 nov. 2001, Bull. crim. n°230 ; D. 2002. IR. 138 ; RTD civ. 2002. 314, obs. Jourdain ; Dr. et patr. déc. 2002. 82, obs. Chabas ; LPA 16 oct. 2002 note Jaluzot.
■ F. Alt-Maes, « Le concept de victime en droit civil et en droit pénal », RSC 1994. 35.
■ G. Viney et P. Jourdain, Les conditions de la responsabilité, 3e éd., LGDJ, 2006, n° 430.
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