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Droit des obligations
Négocier n’est pas vendre !
Mots-clefs : Contrat, Vente, Formation, Stades, Pourparlers contractuels, Perfection, Conditions
Faute d’accord des parties sur les éléments substantiels à la chose vendue, la vente, restée au stade des pourparlers, ne peut être considérée comme parfaite.
Argumenter et ne pas conclure, tel est le risque inhérent à toute négociation auquel il est inutile de vouloir échapper.
Une société avait proposé à une autre d'acquérir un ensemble immobilier, lui précisant qu’elle pouvait financer cette acquisition immédiatement, sans avoir besoin de recourir à un prêt. Ce projet de vente avait donné lieu à des échanges de plusieurs courriels entre les parties. Soutenant qu'il y avait eu accord sur la chose et sur le prix, la première société avait assigné la seconde en vente forcée. En appel, sa demande fut, à défaut de vente parfaite, rejetée. Elle l’est également, et pour la même raison, par la Cour de cassation : ayant, d'une part, relevé que le conditionnel employé par le gérant de la société destinataire de la proposition de vente dans la réponse adressée à son auteur démontrait que l’accord de celle-ci était réservé et, d'autre part, souverainement retenu que certains aspects du contrat considérés comme essentiels par la société ayant proposé l’achat n'avaient jamais été acceptés par la société destinataire, la cour d'appel avait pu, par ces seuls motifs, en déduire que les échanges entre les parties n'avaient jamais dépassé le stade des pourparlers et que la vente ne pouvait être considérée comme parfaite.
Simplicité et perfection. Voilà deux termes qui, conjugués, symbolisent cette décision, dont l’intérêt tient à la simplicité de la définition de ce contrat à la fois usuel et emblématique qu’est la vente, à l’occasion du rappel des conditions nécessaires à sa perfection, dont dépendait, en l’espèce, l’accueil de la demande en sa réalisation forcée.
Commençons par rappeler tout aussi simplement que selon l’article 1582 du Code civil, « la vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer », laquelle peut être faite soit par acte authentique soit par acte sous signature privée et que l’article 1583 ajoute qu’ « elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ». En l’espèce, le prix (7 millions d’euros) n’était pas discuté, en sorte qu’il pouvait aisément être considéré comme convenu entre les parties. Il n’en était en revanche pas de même pour la chose objet du contrat. En effet, il aurait fallu, pour démontrer la rencontre des volontés des parties sur celle-ci et ainsi constater l’existence d’une vente, que la chose eût été clairement définie. Or, d’une part, la question de savoir si la « chose » à vendre était constituée de l’ensemble immobilier ou bien des parts de la société destinataire de l’offre n’était pas résolue, à la lecture des différents courriels, dont le contenu au demeurant extrêmement succinct ne permettait pas davantage d’identifier exactement le bien immobilier objet de la vente, le vendeur se contentant d’employer le terme « terrain » alors que les six parcelles qu’il avait mises en vente étaient plus particulièrement constituées d’un bâtiment d’exploitation à usage commercial et d’une maison à usage d’habitation, le terme « terrain » pouvant s’appliquer aussi bien au premier qu’à la seconde. En outre, du côté de l’ « acheteur », ce dernier avait fait savoir à la « société venderesse » que certains aspects du contrat lui semblaient essentiels, ceux qu’il avait d’ailleurs indiqués dans son offre initiale, au point de la prévenir qu’il refuserait de signer un quelconque protocole d’accord s’il n’était pas fait droit à sa demande. Or ces éléments, dont l’acheteur exigeait le rajout, n’avaient jamais été repris, dans aucun des différents courriels émis par la venderesse. Ainsi, alors même que la perfection d’une vente exige une parfaite coïncidence des volontés sur la chose vendue, un accord réciproque des parties sur les éléments qu’elles considèrent substantiels à celle-ci, en l’espèce, aucun accord n’avait jamais pu être trouvé entre les parties ; des premiers échanges entretenus par les parties aux différents courriels qui s’en sont suivis, aucune vente, parfaite ne pouvait ainsi être raisonnablement déduite. En effet, il ressortait de la lecture de l’ensemble des courriels échangés entre les parties qu’aucun accord n’avait pu, même lorsque les négociations étaient parvenues à un certain stade, être trouvé, comme le confortait d’ailleurs le fait que le protocole d’accord soumis durant cette période de pourparlers par le vendeur à l’acquéreur, faute pour ce dernier d’en avoir envoyé un comme le lui avait demandé le premier, était resté sans effet, pour la raison précédemment évoquée, celle tenant à la volonté de l’acheteur de rajouter à l’acte des éléments qu’il considérait comme essentiels mais que le vendeur continuait de refuser d’acter. Les échanges entre les parties n’avaient donc bien, jamais, dépassé le stade des pourparlers.
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