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Droit des obligations
Non-cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle
Mots-clefs : Contrat, Préjudice, Responsabilités contractuelle et délictuelle, Non-cumul, Tiers
Le créancier victime d’un manquement du débiteur à une obligation contractuelle ne peut, pour fonder son action en réparation, que se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle. Il ne peut en aucun cas choisir entre responsabilité contractuelle et délictuelle. Quant au tiers au contrat il doit fonder son action sur la responsabilité délictuelle mais peut se prévaloir à cette occasion de la non-exécution d’une obligation contractuelle.
En l’espèce, un enfant s’est blessé dans l’aire de jeu annexe à un restaurant, alors qu’il était accompagné d’un adulte et d’autres enfants. Ses parents ont assigné la société exploitante du restaurant et l’accompagnateur en réparation du préjudice subi par leur enfant sur le fondement de l’article 1384 du Code civil relatif à la responsabilité du fait des choses. Les juges du fond ont accueilli cette demande, déclarant que la règle de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne s’oppose pas à ce que les parents de l’enfant recherchent la responsabilité de la société sur le fondement de l’article 1384 du Code. Ils considèrent qu’il n’existe aucun lien contractuel entre la société et les parents de la victime du fait que l’aire de jeux est indépendante du contrat de restauration. En effet, l’enfant, au moment de l’accident, ne se serait donc pas trouvé contractuellement lié avec la société exploitante du restaurant. Par conséquent, aucun contrat ne lie la société et les parents puisque ces derniers ne peuvent être liés contractuellement avec celle-ci uniquement par le biais de leur enfant. Les parents n’auraient donc pas eu d’autre choix que celui d’agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
La Cour de cassation casse ce raisonnement au visa des arrêts 1147 et 1384 du Code civil, par refus d’application pour le premier et fausse application pour le second. Elle constate « que l’enfant avait fait usage de l’aire de jeux, exclusivement réservée à la clientèle du restaurant ». Il est donc contractuellement lié avec la société exploitante. Selon l’article 389-3 du Code civil, le mineur peut conclure une convention portant sur les actes de la vie courante, une telle convention obligeant le cocontractant, en l’espèce la société exploitante du restaurant, à s’exécuter. Or, l’obligation contractuelle qui incombe à la société vis-à-vis de l’aire de jeu qu’elle exploite est une obligation de sécurité, qui en l’espèce n’a pas été remplie. L’article 1384 du Code, inapplicable pour la réparation d’un dommage résultant de l’inexécution d’une obligation contractuelle, doit alors être écarté au profit de l’article 1147 du même Code. Les victimes, qu’elles soient des victimes directes ou des victimes par ricochet, n’ont pas la faculté de choisir sur quel fondement elles peuvent exercer leur action.
En effet, le choix du fondement de l’action en responsabilité est dit indisponible, c'est-à-dire qu’il ne peut dépendre de la volonté des parties et s’impose à elles. La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’affirmer que choisir entre les deux responsabilités est impossible. Ainsi, dans un arrêt du 23 octobre 2003, la deuxième chambre civile déclare que « la victime par ricochet d’un accident relevant de la responsabilité contractuelle dispose d’une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation de son préjudice ». La règle est donc constante : s’il y a un lien contractuel entre victime et débiteur de l’obligation, la responsabilité contractuelle entre en jeu, dans le cas contraire c’est la responsabilité délictuelle qui prend le relais. Cependant, un arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 6 octobre 2006 a quelque peu suscité la confusion entre responsabilité contractuelle et délictuelle. En effet, la Haute juridiction a déclaré que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». On constate donc qu’en pratique, depuis 2006, un mélange entre les deux actions est possible puisque des éléments contractuels viennent à l’appui d’une action délictuelle.
Civ. 1re, 28 juin 2012, n°10-28.492, FS-P+B+I
Références
■ Code civil
« L'administrateur légal représentera le mineur dans tous les actes civils, sauf les cas dans lesquels la loi ou l'usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes.
Quand ses intérêts sont en opposition avec ceux du mineur, il doit faire nommer un administrateur ad hoc par le juge des tutelles. À défaut de diligence de l'administrateur légal, le juge peut procéder à cette nomination à la demande du ministère public, du mineur lui-même ou d'office.
Ne sont pas soumis à l'administration légale les biens qui auraient été donnés ou légués au mineur sous la condition qu'ils seraient administrés par un tiers. Ce tiers administrateur aura les pouvoirs qui lui auront été conférés par la donation ou le testament ; à défaut, ceux d'un administrateur légal sous contrôle judiciaire. »
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
■ Civ. 2e, 23 oct. 2003, n°01-15.391, JCP 2004. II. 10187, note Tricot-Chamard; ibid. I. 163, no 11 s., obs. Viney; Dr. et patr., avr. 2004, p. 116, obs. Chabas.
■ Ass. plén., 6 oct. 2006, n°05-13.255, D. 2006. 2825, note Viney ; RTD civ. 2007. 123, note Jourdain ; JCP 2006. II. 10181, avis Gariazzo et note Billiau ; RCA 2006. études 17, Bloch.
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