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Droit administratif général
Non-respect de la neutralité du service public de l'Éducation nationale par le ministre de l’Éducation
Mots-clefs : Neutralité du service public, Recours pour excès de pouvoir, Education, Liberté de conscience des élèves, Recteur, Enseignement secondaire
Le ministre de l’Éducation nationale ne peut demander aux recteurs de relayer dans les établissements d’enseignement secondaire la campagne de communication de la « Ligne azur » dont le site Internet mentionne, notamment, la pédophilie et l’usage de drogue sans en rappeler le caractère illégal.
Le Conseil d’État vient d’annuler une lettre, en date du 4 janvier 2013, du ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Vincent Peillon, invitant les recteurs à relayer avec la plus grande énergie la campagne de communication de la « Ligne azur ». Cette lettre avait été envoyée aux recteurs en leur demandant, notamment, de diffuser dans les établissements d’enseignement secondaire (de la 6e à la terminale) des affiches et des tracts invitant les élèves à consulter le site Internet de la « Ligne azur » et à utiliser sa ligne d’écoute téléphonique pour obtenir des informations sur les questions relatives à l’orientation sexuelle. Le 5 juillet 2013, la Confédération nationale des associations familiales catholiques avait saisi les juges du Palais Royal d’une demande d’annulation de cette lettre.
Afin d’annuler la lettre de Vincent Peillon en tant qu'elle invite les recteurs « à relayer avec la plus grande énergie, au début de l'année, la campagne de communication relative à la “ Ligne azur ”, ligne d'écoute pour les jeunes en questionnement à l'égard de leur orientation ou leur identité sexuelles », le Conseil d’État a rappelé que si les autorités chargées du service public de l’Éducation nationale doivent apporter aux élèves de l’enseignement public une information relative à la lutte contre les discriminations notamment fondées sur l’orientation sexuelle (C. éduc., art. L. 121-1 et L. 312-17-1), cette information doit être adaptée aux élèves auxquels elle est destinée, notamment à leur âge, et doit être délivrée dans le respect du principe de neutralité du service public de l’Éducation nationale et de la liberté de conscience des élèves.
Ainsi, si le ministre peut lancer une campagne relative notamment à la lutte contre l’homophobie en milieu scolaire, il doit toutefois s’assurer que les éléments qu’il diffuse respectent ces principes. Or, selon le Conseil d’État, à la date de la décision attaquée, le site Internet de la « Ligne azur » :
– présentait l’usage de drogues comme susceptible de « faire tomber les inhibitions » et comme « purement associé à des moments festifs » sans mentionner l’illégalité de cette pratique ;
– définissait la pédophilie comme une « attirance sexuelle pour les enfants », sans faire état du caractère pénalement répréhensible des atteintes ou agressions sexuelles sur mineurs ;
– renvoyait à la brochure « Tomber la culotte, pour les lesbiennes, bies et autres curieuses…», laquelle incitait notamment à la pratique de l’insémination artificielle par sperme frais, interdite par l’article L. 1244-3 du Code de la santé publique et l’article 511-12 du Code pénal.
En conséquence, la lettre de Vincent Peillon invitant les recteurs à relayer la campagne de la « Ligne azur » porte atteinte à la neutralité du service public de l’Éducation nationale par le seul fait que ce site ne mentionne pas le caractère illégal de ces pratiques.
La circonstance que ce site Internet ait été ultérieurement modifié pour faire cesser certains manquements mentionnés ci-dessus est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui s’apprécie à la date de son édiction.
CE 15 oct. 2014, Confédération nationale des associations familiales catholiques, n° 369965
Références
■ Code de l’éducation
« Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur sont chargés de transmettre et de faire acquérir connaissances et méthodes de travail. Ils contribuent à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d'orientation. Ils concourent à l'éducation à la responsabilité civique et participent à la prévention de la délinquance. Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu'à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. Ils dispensent une formation adaptée dans ses contenus et ses méthodes aux évolutions économiques, sociales et culturelles du pays et de son environnement européen et international. Cette formation peut comprendre un enseignement, à tous les niveaux, de langues et cultures régionales. L'éducation artistique et culturelle ainsi que l'éducation physique et sportive concourent directement à la formation de tous les élèves. Dans l'enseignement supérieur, des activités physiques et sportives sont proposées aux étudiants. Les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d'information sur les violences et une éducation à la sexualité. »
« Une information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité. Les établissements scolaires, y compris les établissements français d'enseignement scolaire à l'étranger, peuvent s'associer à cette fin avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l'égalité entre les hommes et les femmes et des personnels concourant à la prévention et à la répression de ces violences. »
■ Article L. 1244-3 du Code de la santé publique
« L'insémination artificielle par sperme frais provenant d'un don et le mélange de spermes sont interdits. »
■ Article 511-12 du Code pénal
« Le fait de procéder à une insémination artificielle par sperme frais ou mélange de sperme provenant de dons en violation de l'article L. 1244-3 du code de la santé publique est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »
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