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Droit pénal général
Non rétroactivité des lois de pénalités et des peines complémentaires plus sévères
N’a pas justifié sa décision la cour d’appel qui détermine le quantum de la peine en rapport aux pénalités plus sévères instaurées par une loi postérieure aux faits. Par ailleurs, les peines complémentaires sont attachées aux lois de fond et ainsi d’application non rétroactive dès lors qu’elles sont plus sévères.
M. L., gérant d’une société redevable de l’impôt, est poursuivi es qualité pour répondre solidairement, en vertu des prévisions de l’article 1745 du Code général des impôts, du délit de fraude fiscale commis par la personne morale, sur le fondement de l’article 1741 du Code général des impôts. La cour d’appel de Rennes le condamne sur ce fondement à un avertissement sous la forme d’une amende de 10 000 euros avec sursis et, au titre de peine complémentaire, à cinq ans d’interdiction de gérer. C’est en l’espèce le quantum de la peine principale ainsi que la peine complémentaire qui font l’objet d’un pourvoi en cassation.
La cour d’appel avait motivé sa décision sur le fondement des peines maximales encourues de 500 000 euros d’amende et de cinq ans d’emprisonnement, mises en perspective avec la situation personnelle du prévenu qui avait notamment, en 2005-2006, fait l’objet d’un contrôle vis-à-vis duquel une minoration de la TVA collectée avait été constatée. Vu ces éléments, la peine principale semblait, pour la cour, proportionnée aux circonstances de l’infraction ainsi qu’à la personnalité de son auteur. C’est également cette situation personnelle qui lui permettait de retenir ici la peine complémentaire d’interdiction d’exercer.
M. L. au soutien de son pourvoi en cassation faisait notamment valoir que le quantum de 500 000 euros sur lequel s’était fondée la cour d’appel au titre du prononcé de la peine principale était erroné dans la mesure où le quantum maximal encouru, modifié par la loi du 14 mars 2012, était seulement de 37 000 euros à la date de commission des faits. Il en allait de même pour ce qui concerne la peine complémentaire prononcée par la juridiction d’appel dont le champ d’application était limité, au jour de la commission de l’infraction, à une interdiction d’exercer directement ou par personne interposée, pour son compte ou pour le compte d’autrui, toute profession industrielle, commerciale ou libérale. Le champ de l’interdiction au titre de la peine complémentaire a été modifié et complété par la loi du 17 mai 2011 à l’interdiction d’exercer directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une profession libérale, commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. A ce titre également, a été modifiée la durée de l’interdiction par la loi précitée, passant de trois à cinq ans d’interdiction. Ainsi, tant le champ d’application que la durée de l’interdiction ont été modifiés dans le sens d’un durcissement de la répression. Démontrant que la cour d’appel avait fait application des dispositions issues de la loi nouvelle plus sévère, le demandeur au pourvoi invoquait une violation de l’article 111-3 du Code pénal qui prohibe toute application rétroactive des lois pénales de fond plus sévères.
La Cour de cassation accueille ici les moyens du pourvoi. Sur le montant de l’amende prononcée au titre de la peine principale, la Chambre criminelle rappelle le contenu de l’article 132-1 du Code pénal selon lequel la juridiction détermine le quantum des peines qu’elle prononce en considération des limites fixées par la loi. Le quantum de la peine, déterminé par la cour d’appel en considération de la loi nouvelle plus sévère, a été fixé de façon erronée. Ainsi, « en retenant que le prévenu encourt cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende alors que le montant de l’amende encourue à la date des faits reprochés était de 37 000 euros [...], la cour d’appel qui s’est déterminée en considération d’un montant erroné de la peine encourue, n’a pas justifié sa décision ». Il en va de même pour ce qui concerne la peine complémentaire vis-à-vis de laquelle la cour d’appel a fait une mauvaise application des principes relatifs à l’application des lois de fond dans le temps. Est ici visé l’article 111-3 du Code pénal qui énonce que nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi. Ce texte interdit, par conséquent, toute application rétroactive des lois pénales de fond, au titre desquelles figurent les lois de pénalités complémentaires. Dès lors, la cour de cassation relève qu’« en se prononçant ainsi, alors qu’à la dates des faits, seule était applicable l’interdiction [...] limitée à l’exercice, direct ou par une personne interposée de toute profession industrielle, commerciale ou libérale, qui ne pouvait excéder une durée de trois ans, la cour d’appel a méconnu le texte précité ».
Crim. 29 mai 2019, n° 18-81.013
Références
■ C. Lacroix, Rép. pen. Dalloz, V° Lois et règlements, mai 2018, n° 147 s.
■ En ce sens, voy. not. Crim. 23 mai 2012, n° 11-85.768 P : D. 2012. 1614 ; RSC 2012. 887, obs. X. Salvat
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