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[ 23 avril 2018 ] Imprimer

Procédure civile

Notification d’une assignation à jour fixe : exigence d’un grief pour prononcer la nullité pour vice de forme

La violation des dispositions de l’article 690 du Code de procédure civile est un vice de forme qui ne peut entraîner la nullité de l’acte de procédure qu’à la condition d’avoir causé un grief.

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, une partie interjette appel d’un jugement d’orientation du juge de l’exécution. Elle assigne à jour fixe son adversaire – une banque – en notifiant cette assignation au domicile élu de l’avocat de première instance de cette banque. Cette dernière soulève la nullité de l’assignation.

La cour d’appel relève que l’assignation ayant été notifiée au domicile élu de l’avocat de première instance de la banque, et non au lieu de l’établissement de la banque ou en la personne de l’un de ses membres comme l’exige l’article 690 du Code de procédure civile, elle n’a pas été réalisée selon les conditions légales, ce qui conduit à son annulation, à la caducité de la déclaration d’appel et à l’irrecevabilité de l’appel.

L’appelante forme alors un pourvoi en cassation reprochant à la cour d’appel d’avoir prononcé la nullité de l’assignation à jour fixe alors que l’irrégularité de la notification ne causait aucun grief à l’intimé puisque son avocat s’était constitué et était présent à l’audience. Elle en déduit une violation de l’article 114 du Code de procédure civile qui conditionne la nullité pour vice de forme à la démonstration d’un grief.

La Cour de cassation devait déterminer si l’assignation au domicile élu de l’avocat de première instance de l’intimé constituait un vice de forme qui ne pouvait entraîner la nullité qu’à condition de démontrer qu’il avait causé un grief à la partie adverse.

Les Hauts magistrats répondent par la positive. Ils cassent l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’alinéa 2 de l’article 114 du Code de procédure civile en reprochant aux magistrats du fond d’avoir privé leur décision de base légale en ne constatant pas le grief nécessaire au prononcé de la nullité de l’assignation.

Cette décision appelle quatre remarques :

■ Une assignation dans une procédure d’appel, voilà qui peut surprendre. L’assignation n’est-elle pas réservée à la première instance ? Non, et la présente affaire nous le démontre. L’article R. 322-19 du Code des procédures civiles d’exécution énonce que « l’appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe ». Cette procédure à jour fixe est régie par les dispositions des articles 917 et suivants du Code de procédure civile. La partie qui souhaite interjeter appel doit solliciter par requête adressée au premier président de la cour d’appel l’autorisation de recourir à la procédure à jour fixe. L’appelant peut ensuite (telle est la chronologie reflétée par l’ordre des art. 917 à 920 ; toutefois, l’al. 3 de l’art. 920 C. pr. civ. autorise une déclaration d’appel antérieure à la requête) déposer sa déclaration d’appel (C. pr. civ., art. 919) puis assigner la partie adverse à jour fixe (C. pr. civ., art. 920).

■ Une sanction d’une signification irrégulière. L’irrégularité ou le défaut d’une mention de l’acte de signification est contestée au moyen d’une action en nullité de l’acte, conformément aux dispositions des articles 648 et suivants du Code de procédure civile. S’agissant spécifiquement d’une violation de l’article 690 du Code de procédure civile, l’article 694 du même code énonce que la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure. 

■ Un vice de forme. L’acte peut être affecté de deux types de vices différents : les vices de forme, qui tiennent à la rédaction et aux mentions de l’acte ; et les vices de fond, qui se rapportent à la capacité ou au pouvoir d’agir en justice. La violation des dispositions de l’article 690 du Code de procédure civile relatives à la notification à une personne morale de droit privé entraîne une nullité pour vice de forme de l’assignation. Est-ce surprenant ? Non. La Cour de cassation, réunie en chambre mixte, a énoncé le 7 juillet 2006 que « quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du nouveau code de procédure civile » (n° 03-20.026).

■ La pertinence de l’exigence d’un grief. Parce qu’elles visent des vices d’une gravité différente, ces deux catégories de nullités ont un régime distinct. L’ambition du législateur est de s’adresser à des processualistes et non à des procéduriers qui prendraient prétexte d’une erreur formelle pour faire annuler toute la procédure. D’où le régime plus sévère des nullités de forme qui obéissent à la condition d’antériorité des exceptions de procédure (C. pr. civ., art. 74 et 112) alors que les nullités pour vice de fond sont invocables en tout état de cause (C. pr. civ., art. 118). De même, les vices de forme sont soumis à la condition de démonstration d’un grief. Il serait en effet disproportionné d’annuler une procédure pour des erreurs formelles sans effet sur les droits des parties. Cette exigence est ici rappelée par la Cour de cassation : en l’absence de démonstration d’un grief, la violation des dispositions de l’article 690 du Code de procédure civile ne saurait conduire à la nullité de l’assignation.

Civ. 2e, 22 mars 2018, n° 17-10.576 P

Références

■ Fiche d’orientation Dalloz : Nullité (Procédure civile)

■ Cass., ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026 P: D. 2006. 1984, obs. E. Pahlawan-Sentilhes ; RTD civ. 2006. 820, obs. R. Perrot.

 

Auteur :Paul Giraud


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