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Droit de la responsabilité civile
Notion de préjudice d’accompagnement
Mots-clefs : Responsabilité, Dommage moral, Préjudice d’accompagnement, Communauté de vie effective
Le préjudice spécifique d’accompagnement de fin de vie a pour objet d’indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d’existence d’un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime.
Consacrée par le Conseil de l’Europe avec la Convention relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes du 24 novembre 1983 (ratifiée par la France le 29 mai 1990), l’idée de réserver un sort particulier à l’indemnisation des victimes de certaines infractions avait également déjà inspiré le législateur français, lequel mit en place, par une loi du 3 janvier 1977, un dispositif d’indemnisation des dommages consécutifs à une infraction intentionnelle de violence. Ce dispositif fut, ensuite, renforcé par une loi du 6 juillet 1990, instituant un Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.
Progressivement bâti, cet édifice révèle la volonté de l’État de mener une véritable politique publique d’aide aux victimes d’infractions pénales. Mais si l’objectif poursuivi vise donc à prendre en compte les multiples difficultés, tant psychologiques que financières, auxquelles se heurtent les victimes, encore est-il nécessaire de clarifier l’exact domaine des préjudices à ce titre réparables.
Alors que la loi n’autorise le recours en indemnité que pour les seuls dommages corporels résultant d’une infraction pénale, ces derniers sont cependant largement envisagés comme incluant, notamment, le préjudice moral qui en découle. Mais là encore, faut-il s’entendre sur ce que recouvre ce type de préjudice.
En effet, la loi, pas plus que la jurisprudence, ne définit le préjudice moral, quoiqu’il soit d’usage de le classer parmi les dommages d'ordre extrapatrimonial, à caractère personnel ou encore d'ordre subjectif. Dans une conception large, est un préjudice moral tout préjudice qui ne lèse pas le patrimoine, mais blesse ou meurtrit la conscience ou le sentiment. Dans une conception étroite, qui est celle de la réparation du dommage en cas de décès, c'est celui qui naît de la douleur morale et qui porte atteinte aux sentiments d'affection : c'est l'affliction qu'éprouve un être à la disparition d'un autre.
C’est cette seconde conception qui était en œuvre dans la décision rapportée, à l’origine de laquelle les proches d’une victime directe (à savoir : les parents du défunt, sa sœur et son époux, ainsi ses nièces mineures), décédée des suites d’une infraction pénale, avaient saisi la commission d’indemnisation de victimes d’infractions pour obtenir réparation de leur préjudice moral. Aussi demandaient-ils l’indemnisation de leur « préjudice d’accompagnement ».
En effet, au classique « préjudice d’affection », la pratique a récemment ajouté le « préjudice d’accompagnement », lequel a pour objet de réparer le préjudice moral dont sont victimes les proches de la victime directe pendant la maladie traumatique de celle-ci jusqu'à son décès, en d'autres termes, d’indemniser le dommage né des bouleversements et des troubles dans les conditions d'existence que le décès de la victime directe a causé sur le mode de vie de ses proches au quotidien.
La récente nomenclature des préjudices corporels née du rapport Dintilhac, remis au garde des Sceaux le 28 octobre 2005, a ainsi rattaché au préjudice moral ce préjudice nouveau et spécifique, qui traduit la volonté de prendre en compte et de réparer les désordres provoqués dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales d’un proche « qui partageait habituellement une communauté de vie effective avec la personne décédée à la suite du dommage » (Rapp. p. 44).
Ce préjudice d'accompagnement a d’ailleurs été recueilli comme un préjudice distinct et autonome par certaines cours d'appel (v. par ex., Bordeaux, 20 mars 2008,évaluant à 40 000 € le préjudice moral et d'accompagnement de la veuve et à 15 000 € pour les enfants, à la suite du décès de leur époux et père, victime des effets de l'amiante, somme mise à la charge du FIVA) et en 2011, la Cour de cassation le définissait comme celui , correspondant « à la période de la maladie traumatique (qui) s’achève avec le décès de la victime directe et réside en un accompagnement de celle-ci jusqu’à son décès» (Civ. 2e, 7 avr. 2011).
La décision rapportée a l’intérêt de mettre en application l’une des conditions posées à la réparabilité de ce préjudice dont les contours demeurent incertains, celle de la communauté de vie.
Comme l’exprime la Cour avec fermeté, « le préjudice spécifique d’accompagnement de fin de vie a pour objet d’indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d’existence d’un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime ».
Au vu des faits de l’espèce, il semble bien que l’affectivité et l’effectivité attendues de la vie partagée soient cumulatives. En effet, les faits litigieux ne permettaient pas de douter des liens d’affection, particulièrement étroits, qui unissaient la victime directe à ses proches, lesquels avaient fait preuve d’un soutien durable, répété et constant.
Il semble donc que pour voir son préjudice d’accompagnement réparé, la victime indirecte doit pouvoir rapporter la preuve d’une communauté de vie au domicile de la victime directe ou de très régulières visites en milieu hospitalier. L’accompagnement doit alors se comprendre comme visant les proches qui partageaient effectivement la vie de la victime. La seule démonstration de rapports d’affection entretenus dans le cadre d’une famille normalement unie et soudée n’est pas suffisante.
Civ. 2e, 21 nov. 2013, n°12-28.168
Références
■ Bordeaux, 20 mars 2008, n°RG 07/00687.
■ Civ. 2e, 7 avr. 2011, n° 10-19.423, RCA 2011. comm. 245.
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