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Droit des personnes
Nouvelles jurisprudences en matière d’adoption simple
Mots-clefs : Adoption simple, Conditions, Droit étranger, Exequatur, Autorité parentale, Divorce, Beaux-parents, Art. 363 C. civ., Art. 346 C. civ., Art. 8 et 10 Conv. EDH, Discrimination (non)
La Haute cour vient de rendre deux décisions en matière d’adoption simple : la première porte sur le fait qu’un jugement étranger ne peut produire en France plus d’effets qu’il n’en produit dans son pays ; la seconde consacre l’impossibilité pour une même personne de faire l’objet de deux adoptions simples successives par chacun de ses beaux-parents.
Dans la première affaire, le tribunal de première instance de Bamako avait rendu un jugement prononçant l’adoption-protection d’une jeune malienne par sa belle-mère.
La décision, dont la force exécutoire était demandée en France, pouvait-elle produire les effets d’une adoption simple ?
En vertu de l’article 370-5 du Code civil, les effets de l’adoption prononcée à l’étranger sont ceux de la loi française en matière d’adoption simple si le lien de filiation préexistant n’est pas rompu.
Confirmant les décisions des juges du fond, la Haute cour a répondu par la négative. En effet, si le jugement malien fut déclaré exécutoire en France en vertu d’un accord franco-malien de 1962, les juges du droit ont rappelé que l’adoption-protection du droit malien ne créant pas de lien de filiation entre l’adoptant et l’adopté — essence même de l’adoption en droit français — le jugement ne pourrait produire que les effets d’une délégation de l’autorité parentale (art. 371-1 s. et 372 s. C. civ.) et non d’une adoption simple. Selon le Code malien de la parenté, l’adoption-protection a pour objet d’assurer l’entretien, l’éducation, la protection matérielle et morale de l’enfant. Si elle opère transfert de l’autorité parentale, de la résidence de l’enfant ainsi que création d’une obligation alimentaire pesant sur l’adoptant et ouverture de droits successoraux au profit de l’adopté, elle ne confère aucunement comme en France le nom de l’adoptant (art. 363 C. civ.)
Civ. 1re, 12 janv. 2011, n° 09-68.504
Dans la seconde affaire, un homme, dont les parents une fois divorcés s’étaient chacun remariés, fut adopté dans un premier temps par son beau-père. Le jugement d’adoption avait alors produit tous les effets d’une adoption simple, dont la transmission du nom (art. 363 C. civ.). Dans un second temps, une requête en adoption simple avait été déposée par sa belle-mère, épouse en secondes noces du père décédé en cours d’instance. La demande d’adoption pouvait-elle être accueillie alors qu’il y avait déjà eu une première adoption simple sur la même personne ?
Soucieux de ne pas créer une discrimination entre les deux beaux-parents, les juges du fond avaient écarté les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 346 du Code civil qui dispose que « Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux », non conformes en l’espèce aux articles 8 (droits au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de discrimination) de la Convention EDH puisqu’il s’agissait d’« officialiser et conforter juridiquement une situation familiale et des liens affectifs anciens et bien établis ».
La Haute cour, au visa de l’article 346 du Code, casse ce raisonnement en précisant que s’il n’est pas contraire à l’article 8 Conv. EDH de limiter le nombre d’adoptions successives dont une même personne peut faire l’objet, le droit au respect de la vie privé ne commande pas non plus de consacrer par une adoption tous les liens d’affection même anciens et bien établis.
Les juges du droit ont ainsi rappelé les conditions requises pesant sur les adoptants (art. 346 qui complète l’art. 343 C. civ.), la prohibition des adoptions multiples sur une même personne et le fait que l’intérêt supérieur de l’enfant associé à une volonté de non-discrimination entre beaux-parents ne peuvent justifier la violation du droit.
Civ. 1re, 12 janv. 2011, n° 09-16.527
Références
« Adoption laissant subsister des liens juridiques entre l’enfant et sa famille d’origine, tout en créant des liens de filiation entre l’adoptant et l’adopté. »
« Ensemble des prérogatives conférées par la loi aux père et mère sur la personne et les biens de leur enfant mineur et non émancipé. Chaque prérogative est constituée d’un droit (agir) et d’un devoir (d’agir dans l’intérêt du mineur). Les parents doivent ainsi protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à la personne. Jadis conférée au seul père, sous le nom de « puissance paternelle », l’autorité parentale est, en principe, exercée en commun par les père et mère. »
« Force exécutoire octroyée par l’autorité judiciaire française à une décision rendue par une juridiction étrangère. Désigne également la procédure au terme de laquelle cette force sera, ou non, accordée.
En principe, tout jugement rendu par une juridiction étrangère ne peut être exécuté en France sans exequatur. Le processus de fédéralisation inhérent à la construction européenne entraîne toutefois l’apparition d’exceptions croissantes dans le cadre de l’Union européenne. Il en va ainsi, notamment, de l’injonction de payer européen, de la procédure européenne de règlement des petits litiges, et du titre exécutoire européen. La disparition de l’exequatur dans le cadre européen a vocation à devenir le principe. Le jugement étranger peut en outre produire, même sans exequatur, certains effets qui ne nécessitent aucune contrainte (ex. : valeur probante). »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux.
Toutefois, une nouvelle adoption peut être prononcée soit après décès de l'adoptant, ou des deux adoptants, soit encore après décès de l'un des deux adoptants, si la demande est présentée par le nouveau conjoint du survivant d'entre eux. »
« L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier.
Lorsque l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux. Le choix appartient à l'adoptant, qui doit recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du premier nom de l'adoptant au premier nom de l'adopté.
En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le premier nom du mari. Si l'adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom des adoptants retenu est ajouté au premier nom de l'adopté.
Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant. En cas d'adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l'adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui du mari, soit celui de la femme, soit les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l'adoption. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire. »
« L'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets de l'adoption simple. Elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause. »
« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.
Elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »
« Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale.
Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant.
L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales. »
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 14 - Interdiction de discrimination
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
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