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Droit des obligations
Novation : l’intention ne se présume pas mais se décèle !
Mots-clefs : Novation, Bail rural, Intention, Présomption (non), Formalisation (non), Recherche, Office du juge, Faits de la cause
Si l’intention de nover ne se présume pas, elle peut être révélée, même de manière non formelle, à condition d’être certaine.
Si l'intention de nover ne se présume pas, il n'est pas nécessaire qu'elle soit exprimée en termes formels, dès lors qu'elle est certaine et résulte des faits de la cause. Telle est la règle légale et rigoureusement appliquée par la jurisprudence que vient rappeler, dans la décision rapportée, la troisième chambre civile de la Cour de cassation à propos d’une demande tendant à faire reconnaître la novation d’un bail rural.
En l'espèce, pour rejeter la demande d’une preneuse, soutenant que la convention initiale de bail rural qu’elle avait conclue s’était novée en une mise à disposition de biens agricoles à titre onéreux, la cour d'appel retint que la volonté de nover l'engagement résultant du bail en un autre engagement ne ressortait d'aucun acte conclu entre les parties, tandis que le contrat initial avait été passé en la forme authentique, et que l'inscription en compte courant du preneur, un groupement agricole, d'une somme de 2 900 euros, chaque année, depuis 2009, était un indice de l'exécution par les parties du contrat de bail originaire, stipulant le versement d'un métayage basé sur la règle du tiercement.
Cette décision est cassée par la Haute cour qui juge, au visa de l'article 1273 (ancien) du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 (C. civ., art. 1330) qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le paiement d'une redevance annuelle fixe, sans relation de proportion avec le tiers de la production, ne démontrait pas la commune intention des parties de renoncer au bénéfice du bail initial et de convenir d'une mise à disposition des parcelles au profit de l’ancien bailleur, selon des modalités différentes, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale.
La novation ne se présume point, mais la volonté de l'opérer, si elle résulte clairement de l'acte, suffit. La règle ici rappelée, selon laquelle il n’est pas nécessaire que la novation soit exprimée en termes formels, est ancienne et constante. (Civ. 7 juill. 1925. Civ. 1re, Civ. 1re, 26 nov. 1968. Civ. 3e, 5 févr. 1971, n° 69-12.416. Civ. 3e, 15 janv. 1975, n° 73-13.331).
Régulièrement réaffirmée par le juge, elle trouve également une assise légale. La formule identique de l'ancien article 1273 et de l'article 1330 en vigueur depuis le 1er octobre 2016 du Code civil, selon laquelle la novation « doit résulter clairement de l'acte », ne revient pas à requérir l’expression formelle et expresse de l'animus novandi, telle que l'utilisation du terme, dans l’acte, de novation. La loi n'exige donc aucune manifestation explicite de la volonté de réaliser une novation. C’est la première raison pour laquelle la décision des juges du fond encourait la cassation, l’absence d’intention novatoire ne pouvant être seulement déduite de celle d’un nouveau contrat écrit entre les parties. Il suffit en effet, si elle existe, que la volonté de nover puisse être démontrée, avec une suffisante certitude. La souplesse de cette absence de formalisme se manifeste donc dans la démonstration d’une volonté, même tacite, de nover. Elle est toutefois tempérée par la nécessité de pouvoir l’identifier avec certitude. La caractérisation de cette intention novatoire, non formellement exprimée, se présente donc comme une opération délicate pour le juge. Si l'intention de nover n'est pas exprimée dans l'acte emportant novation, les juges du fond vont alors la rechercher, moins facilement, dans les faits de la cause, appréciant l’ensemble des éléments et des circonstances ayant entouré l’opération réalisée et les relations entretenues par les parties pour en déduire leur éventuelle intention de nover, laquelle peut ainsi résulter, à condition d’être sans équivoque, de l’ensemble « des faits et actes intervenus entre les parties » (Com. 31 janv. 1983, n° 81-16.027. Com. 19 mars 1979, n° 77-12.889. Civ. 1re, 11 févr. 1986, n° 84-15.849). Aussi le débiteur, qui se prétend libéré du fait de la novation, a-t-il la charge d’en convaincre le juge en établissant un certain nombre d’éléments prouvant une volonté de nover partagée avec son cocontractant, attestant qu’il a contracté envers son créancier une nouvelle dette, substituée à l'ancienne, laquelle se trouve éteinte.
En l’espèce, la Cour reproche aux juges du fond d’avoir ignoré ce que la demanderesse avait expressément fait valoir dans ses conclusions d'appel, à savoir que les parties avaient préféré abandonner le bail à métayage au profit d'une simple mise à disposition moyennant une redevance annuelle d'un montant de 2 900 euros sans relation de proportion aucune avec le tiers de la production de chaque exercice tel que prévu au contrat de bail initial, alors même que cette disproportion, différente des stipulations du bail originaire faisant dépendre la règle du tiercement de l’exécution d’un métayage proportionnel aux productions annuelles, allait dans le sens de la communauté d’intention des parties d’opérer une novation.
Civ. 3e, 19 oct. 2017, n° 16-22.608
Références
■ Fiche d’orientation Dalloz : Novation
■ Civ. 7 juill. 1925: S. 1925, 1, p. 319 ; DP 1927, 1, p. 2.
■ Civ. 1re, 26 nov. 1968: Bull. civ. I, n° 298 ; RTD civ. 1969, p. 565, obs. Loussouarn.
■ Civ. 3e, 5 févr. 1971, n° 69-12.416 P.
■ Civ. 3e, 15 janv. 1975, n° 73-13.331 P.
■ Com. 31 janv. 1983, n° 81-16.027 P : D.1983, inf. rap. p. 184.
■ Com. 19 mars 1979, n° 77-12.889 P.
■ Civ. 1re, 11 févr. 1986, n° 84-15.849 P.
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