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Droit des obligations
Nullité du contrat : exclusion de la responsabilité contractuelle
Mots-clefs : Contrat, Responsabilité délictuelle, Responsabilité quasi-délictuelle, Bonne foi, Sous-location, Anéantissement, Rétroactivité, Nullité absolue, Ordre public
L’annulation d’un contrat, qui provoque son anéantissement rétroactif, doit conduire à rechercher exclusivement la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle fondée sur l’article 1382 du Code civil.
baLa conjointe d’un agriculteur sous-loue les terres de son mari à un tiers. Or, la sous-location de terres agricoles est prohibée par l’article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime, prohibition qui est d’ordre public selon le même texte.
Lorsque l’exploitant se voie signifier l’interdiction de poursuivre l’exploitation, il cherche à obtenir en justice la reconnaissance de l’existence d’un bail rural implicite. De plus, il demande l’indemnisation du préjudice né de la rupture brutale de la sous-location, sous forme de dommages-intérêts contractuels.
La cour d’appel, qui se fonde sur l’article L. 411-35 C. rur., juge que la sous-location est frappée de nullité absolue. Toutefois, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil, elle condamne l’épouse ayant sous-loué les terres, en raison du manquement à son obligation de bonne foi en matière contractuelle, pour avoir brutalement mis fin à la sous-location.
Logiquement, la troisième chambre civile casse l’arrêt d’appel, mais uniquement en ce qu’il engage la responsabilité contractuelle. Au visa des articles 1147 et 1382 du Code civil, la Cour rappelle que « par l’effet de l’anéantissement rétroactif du contrat de bail annulé la responsabilité [du bailleur] ne pouvait être recherchée que sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel ».
La nullité absolue, qui peut être demandée par toute personne — y compris un tiers au contrat —, a pour effet la disparition rétroactive du contrat, qui est réputé n’avoir jamais existé. Dès lors, le demandeur ne peut se prévaloir des règles de la responsabilité contractuelle (inexécution, manquement à une obligation de bonne foi), mais doit démontrer que le fait fautif du défendeur lui a causé un préjudice direct et certain (concernant les règles d’engagement de la responsabilité délictuelle, v. R. Cabrillac, Droit des obligations).
Rappelons que si le droit français connaît une distinction entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle, certains auteurs souhaitent l’unification de ces responsabilités (v. par exemple V. Wester-Ouisse, ‘Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle : fusion des régimes à l’heure internationale’). En ce qui concerne le rapport Terré présenté au ministre de la Justice en 2010, ses auteurs considèrent cette distinction comme toujours pertinente (v. Pour une réforme du droit de la responsabilité civile).
Civ. 3e, 18 mai 2011, n° 10-11.721, FS-P+B
Références
« Caractère des règles juridiques qui s’imposent pour des raisons de moralité ou de sécurité impératives dans les rapports sociaux. Les parties ne peuvent déroger aux dispositions d’ordre public. »
« Somme d’argent destinée à réparer le dommage subi par une personne en raison de l’inexécution, de l’exécution tardive, ou de l’exécution défectueuse d’une obligation ou d’un devoir juridique par le cocontractant ou un tiers; on parle alors de dommages et intérêts compensatoires. Lorsque le dommage subi provient du retard dans l’exécution, les dommages et intérêts sont dits moratoires. »
« Sanction prononcée par le juge et consistant dans la disparition rétroactive de l’acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation.
La nullité est absolue lorsque les conditions imposées par la loi sont essentielles et tendent à protéger l’intérêt général, ou l’ordre public, ou les bonnes mœurs. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime
« Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire. […]
Toute sous-location est interdite. Toutefois, le bailleur peut autoriser le preneur à consentir des sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs. […]
Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »
Article 1147
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
Article 1382
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
■ V. Wester-Ouisse, « Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle : fusion des régimes à l’heure internationale », RTD civ. 2010. 419.
■ Rémy Ph., Borghetti J.-S., « Présentation du projet de réforme du droit de la responsabilité civile », in Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2011.
■ Cabrillac R., Droit des obligations, 9e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2010, p. 84 s.
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