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Droit des obligations
Nullité : l’action préférée à l’exception
Mots-clefs : Nullité, Action, Exception, Caractère perpétuel, Limites
La règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne s'applique que si l'action en exécution de l'obligation litigieuse est introduite après l'expiration du délai de prescription.
Le 3 janvier 2006, un prêt d'un montant de 200 000 € avait été souscrit auprès d'une banque pour être apporté en compte-courant d'associés à une société dont l'emprunteur était le fondateur et président-directeur général. Ce crédit avait été garanti par deux organismes de caution à concurrence de 70 %, et par une personne physique se rendant caution solidaire des engagements de l'emprunteur.
Devant la défaillance de l'emprunteur, la banque avait assigné l’ensemble des cautions en paiement de diverses sommes dues au titre du prêt. Les organismes de caution avaient alors opposé à la banque un manquement à son obligation d'information sur les conditions de fonctionnement de la garantie et en conséquence, sollicité sa condamnation à leur payer des dommages-intérêts. Parallèlement, l’emprunteur avait demandé la nullité des intérêts conventionnels du prêt.
En appel, si les juges ont effectivement retenu le manquement de la banque à son obligation d’information, ils ont déclaré irrecevable comme prescrite la demande de l’emprunteur.
Au soutien de son pourvoi incident, l’emprunteur fit alors valoir que la prescription de l’action en nullité de l’intérêt conventionnel engagé par un emprunteur ayant obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court à compter de la révélation du vice affectant le taux effectif global, et non pas à partir de la date de mise à disposition des fonds.
Son pourvoi est néanmoins rejeté au motif que le caractère perpétuel de l’exception de nullité n’existe que si l’action en exécution de l’obligation litigieuse est introduite après l’expiration du délai de prescription de l’action en nullité ; or en l’espèce, les juges ont relevé que le contrat de prêt avait été conclu le 3 janvier 2006 et que la banque avait engagé son action en paiement le 6 juillet 2009, de sorte que la nullité de la stipulation d’intérêts ne pouvait plus être soulevée le 10 juin 2011.
L’exception de nullité correspond à l’hypothèse suivante : une des parties demande en justice l'exécution forcée d’un acte, a priori valable, et le défendeur oppose sa nullité par voie d'exception, c’est-à-dire par une défense au fond, pour en refuser l'exécution.
Si la règle de principe veut que l'exception de nullité, invoquée en défense, puisse être invoquée perpétuellement, la jurisprudence limite en réalité le domaine de cette règle.
Tout d'abord, lorsque le contrat a fait l'objet d'un commencement d'exécution, l'exception de nullité ne peut être invoquée que tant que la prescription de l'action en nullité n'est pas acquise ; un arrêt récent est ainsi venu confirmer (Civ. 1re , 1er déc. 1998) que l'exception d'inexécution n'est perpétuelle que lorsque le contrat n'a jamais été exécuté ; si au contraire, le contrat a été partiellement exécuté, l'exception d'inexécution demeure soumise au délai de prescription de l'action en nullité (Civ. 1re, 4 mai 2012).
Ensuite, le défendeur ne peut invoquer l’exception qu’à l’effet d’obtenir le rejet de la prétention adverse ; il ne peut formuler aucune autre demande, car il s'agirait alors d'une demande reconventionnelle au sens de l'article 64 du Code de procédure civile, qui demeure soumise au délai de prescription imparti pour exercer l'action (Com. 5 mai 1998 ; Com. 17 nov. 1998 ; Ass. plén. 22 avr. 2011). En outre, la survie de l'exception ne s'applique qu’aux seules prescriptions, à l'exclusion des délais de rigueur (Civ. 3e, 4 nov. 2004).
Enfin, ce que rappelle la décision rapportée (v. déjà Com. 27 oct. 1969), lorsque l'action en exécution est exercée avant l'expiration du délai de prescription, donc à un moment où le débiteur peut encore agir en nullité, ce dernier, puisqu’il s’est abstenu d’agir, ne pourra plus opposer ultérieurement le caractère perpétuel de l'exception. En d'autres termes, si le créancier demande l'exécution de l'obligation litigieuse dans un délai où l'action en nullité de cette obligation est encore possible, le débiteur doit exercer cette action. S'il ne le fait pas alors qu'il en avait encore la possibilité, il ne pourra plus invoquer, ultérieurement, l'exception de nullité. Sa passivité initiale sera interprétée comme une sorte d'acquiescement à l'action en exécution (v. pour un arrêt récent, Com. 26 mai 2010).
Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation confirme-t-elle sa faveur pour l’action en nullité, dès lors qu’elle reste possible — fût-ce à titre reconventionnel — à l'exception de nullité, et renouvelle sa volonté de ne pas pérenniser le dénouement des litiges.
Com. 3 déc. 2013, n° 12-23.976
Références
■ Civ. 1re , 1er déc. 1998, n° 96-17.761.
■ Civ. 1re, 4 mai 2012, n° 10-25.558.
■ Com. 5 mai 1998, n° 96-12.698.
■ Com. 17 nov. 1998, n° 96-20.288 .
■ Ass. plén. 22 avr. 2011, n° 09-16.008, D. 2011. 1870, obs. O. Deshayes et Y.-M. Laithier.
■ Civ. 3e, 4 nov. 2004, n° 03-12.481.
■ Com. 27 oct. 1969, Bull. civ. IV, n°309.
■ Com. 26 mai 2010, n° 09-14.431.
■ Article 64 du Code de procédure civile
« Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. »
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