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Droit des successions et des libéralités
Obligation à la dette successorale : les conditions de la décharge
Mots-clefs : Succession, Acceptation pure et simple, Obligation à la dette, Décharge, Conditions
L’héritier acceptant purement et simplement une succession peut demander à être déchargé de son obligation à une dette successorale à la condition d’établir qu’il avait des motifs légitimes d’ignorer, au moment de l’acceptation, que son acquittement aurait pour effet d’obérer gravement son patrimoine personnel.
Un défunt avait laissé, pour lui succéder, un légataire universel. Ce dernier avait accepté purement et simplement la succession. Par la suite, une banque, créancière du défunt, avait sollicité le paiement de sa créance résultant d'un engagement de caution. Le légataire universel avait alors demandé en justice l'autorisation d'être déchargé de son obligation à cette dette successorale. La cour d'appel accueillit sa demande, jugeant que le légataire n'avait pas été informé de la créance revendiquée par la banque avant d’accepter purement et simplement la succession et qu’ainsi, son consentement avait été entaché d'une erreur substantielle sans laquelle il n'aurait pas accepté la succession, laquelle s'étant révélée déficitaire. La Cour de cassation censure cette décision, la cour d'appel ayant, selon elle, statué par un motif étranger aux conditions propres à décharger l'héritier de son obligation à la dette successorale et ainsi, violé l'article 786, alinéa 2, du Code civil.
L'héritier acceptant est tenu des dettes du défunt, dès lors qu'elles ne se sont pas éteintes par son décès. L'obligation à la dette est la même que celle du défunt ; l'héritier qui accepte purement et simplement la succession y est tenu dans la même mesure et sous les mêmes conditions. Cette obligation est une conséquence, non de la règle de confusion des patrimoines - celle-ci résultant de l’acceptation pure et simple d’une succession – dès lors que le patrimoine est seulement constitué des biens, droits et des actions qui appartenaient au défunt (A. Sériaux, La notion juridique de patrimoine. Brèves notations civilistes sur le verbe avoir ; RTD civ. 1994. 801 ; Rép. civ. Dalloz, V° Patrimoine), mais du principe plus large selon lequel l'héritier acceptant perpétue la personne du défunt, dans ses créances comme dans ses dettes.
Aussi l'obligation à la dette successorale pèse-t-elle sur tout héritier acceptant ; ainsi, aux termes de l'alinéa 1er de l'article 785 du Code civil, « l'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent ». La règle de l'obligation indéfinie aux dettes était déjà expressément retenue, lors d’une première réforme du 3 décembre 2001 (loi n° 2001-1135), par l'article 723 du Code civil, qui disposait : « Les successeurs universels ou à titre universel sont tenus d'une obligation indéfinie aux dettes de la succession ». Si la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 a abrogé ce texte, sans doute en raison de son insuffisante distinction entre les héritiers acceptants purs et simples, qui y sont effectivement tenus, et les héritiers acceptants à concurrence de l'actif net, qui ne le sont pas, elle a maintenu cette obligation du moins au sujet des héritiers y étant soumis : les acceptants purs et simples, qu'il s'agisse de successibles intestat ou de successibles institués.
En outre, le droit français considère traditionnellement que l'acceptation pure et simple d'une succession ne peut plus être remise en cause par l'héritier acceptant, dès lors que l'option qui lui était ouverte a été valablement exercée. Formulée autrefois implicitement par l'ancien article 783 du Code civil, la règle est désormais explicitement énoncée par l’article 786, alinéa 1er du Code civil, qui dispose que « l'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif ». Il s'agit non seulement de se prémunir contre les changements de volonté de l'héritier qui a d'abord accepté, mais plus encore d’éviter que des successions se retrouvent, en l’absence d’héritiers, à l’abandon. Mais en même temps qu’elle confirmait le principe de l'irrévocabilité de l'acceptation, la loi du 23 juin 2006 a également conservé, en l'adaptant, l'atténuation à ce principe anciennement prévue par l'article 783 du Code civil. En effet, ce dernier admettait, en cas de découverte ultérieure d'un testament dont l'exécution aurait pour effet d'absorber la succession ou de la diminuer de plus de moitié, que l'héritier acceptant puisse “réclamer sous prétexte de lésion”, c'est-à-dire obtenir la rescision de son acceptation. Le nouvel article 786, alinéa 2 du Code civil prévoit autrement que l'héritier acceptant « peut demander à être déchargé en tout ou en partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation, lorsque l'acquittement de cette dette aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel ». Le fait nouveau n'est donc plus un testament, mais une dette successorale, découverte après acceptation et à la condition que celle-ci aboutisse à obérer “gravement” le patrimoine personnel de l'acceptant, ce que le juge saisi de la demande de décharge devra apprécier, comme il devra également vérifier l’antériorité de la dette et la légitimité des motifs de son ignorance par l’héritier.
En l’espèce, la cassation est prononcée en raison de l’absence d’appréciation, par les juges du fond, de cette double condition relative au caractère excusable de l’erreur commise par l’héritier au moment de son acceptation et à la gravité des conséquences de son erreur sur l’affectation de son patrimoine, dont la satisfaction n’a donc pu être établie ; alors que pour l'emporter dans son action en décharge, l'héritier acceptant doit prouver qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer, au moment de son acceptation, que l'acquittement du passif successoral dont il sollicite la décharge, aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel, la cour d’appel a accueilli son action bien qu’il n’ait pu prouver qu'il ignorait, au moment où il a accepté la succession, que l'apurement du passif successoral emporterait cette conséquence.
Précisons enfin que, parce qu'elle est cantonnée aux effets de l'acceptation, demeurant inchangée hormis l'obligation d'amortir le passif successoral dont le juge décharge l’héritier, l’action en décharge ne retire pas à l’héritier son droit de demander en pareille hypothèse la nullité de son acceptation pour erreur de fait sur l'étendue du passif successoral dans les cinq ans qui suivent la découverte de son erreur.
Civ. 1re, 4 janv. 2017, n° 16-12.293
Références
■ A. Sériaux, La notion juridique de patrimoine. Brèves notations civilistes sur le verbe avoir, RTD civ. 1994. 801
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