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Droit des obligations
Obligation de conseil de l’architecte
Mots-clefs : Devoir de conseil, Contrat d’entreprise, Architecte, Bureau d’études techniques, Manquement, Préjudice, Indemnisation, Contribution à la dette
En collaboration avec un bureau d’études techniques, l’architecte, soumis à un devoir de conseil à l’égard du maître de l’ouvrage, doit s’enquérir du mode d’exploitation et de la destination de l’ouvrage à réaliser à l’effet de conseiller le plus utilement possible son client.
Une société ayant entrepris la construction d'un hall d'exposition en avait confié la maîtrise d’œuvre à un architecte ainsi qu’à un bureau d'études techniques et de direction de travaux. Elle avait réceptionné avec réserves les travaux et déclaré deux sinistres découlant de la circulation sur le sol du hall d’engins dont le poids excédait ce que l’ouvrage pouvait supporter.
Elle assigna l’architecte, le bureau d’études ainsi que leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices. Condamnés en appel sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, ces derniers formèrent un pourvoi en cassation. Ils contestaient devant la Haute cour l’engagement de leur responsabilité au motif principal que l’obligation d'information et de conseil n'est pas absolue et ne s'applique pas aux faits connus ou censés l’être par l'autre partie au contrat et qu'il en est ainsi, en particulier, si le maître d'ouvrage est un professionnel et que le conseil est fondé sur des éléments qui n'ont pas été portés à la connaissance du maître d’œuvre, comme en l’espèce, le maître d'ouvrage n'ayant pas défini un ouvrage à construire devant permettre de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur du hall, ni informé les concepteurs de son souhait de faire circuler des charges d’un tel poids, les désordres apparus étant donc imputables au maître d'ouvrage lui-même. Le pourvoi des constructeurs est rejeté au motif que si le maître de l'ouvrage ne justifiait effectivement pas les avoir informé de son projet de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur du hall, l'architecte et le bureau d'études techniques auraient dû se préoccuper du mode d'exploitation de l'ouvrage et, en particulier, de la question de l'exposition d'objets lourds supposant la circulation d’engins d’un poids, en charge, excessif et qu’il n'était pas établi que cette question avait fait l'objet de préconisations, d’observations, de remarques ou de conseils de la part de l'architecte ou du bureau d'études, en dépit des missions qui leur étaient confiées. Ainsi, faute de ne pas avoir attiré l'attention du maître de l’ouvrage sur le problème des charges roulantes, chaque constructeur devait, compte tenu de ses manquements respectifs, être condamné solidairement à l’indemnisation du préjudice.
Dans cette affaire, les deux constructeurs, demandeurs au pourvoi, avaient tenté d’exploiter une position régulièrement rappelée par la jurisprudence selon laquelle l’obligation de conseil qui pèse sur eux ne s'étend pas aux faits qui sont à la connaissance de tous ou à la connaissance personnelle du maître d'ouvrage. Ainsi a-t-il par exemple été jugé qu'un maître d'ouvrage ayant délibérément choisi de ne pas respecter les prescriptions d'un permis de construire ne pouvait pas invoquer la responsabilité du maître d'œuvre pour manquement à son obligation de conseil en ne lui rappelant pas l'obligation de respecter ces prescriptions (Civ. 3e, 14 janv. 2009, n° 07-20.245). En outre, le fait de ne pas se préoccuper d'une situation projetée par le maître de l’ouvrage n'est pas nécessairement suffisant pour caractériser un manquement à l’obligation de conseil (Civ. 3e, 18 déc. 2013, n° 12-27.738). Celle-ci implique cependant que l’architecte guide les choix de son client et attire son attention sur les conséquences techniques, qu’il n’est pas en mesure d’apprécier, de ses décisions, ainsi que sur la nécessité de faire réaliser certains ouvrages non prévus mais qui se révèlent indispensables.
En l’espèce, l’architecte aurait dû prendre en compte l’affectation spécifique du hall d’exposition, en raison de sa taille et de sa polyvalence, puisqu’il était destiné aussi bien à des expositions qu’à diverses autres manifestations, et informer le maître de l’ouvrage que sa conception même impliquait le transport de charges lourdes à déplacer à l’intérieur de ce hall et lui conseiller, en conséquence, de réaliser des travaux supplémentaires. Aussi bien, le bureau d’études, pourtant chargé d’établir un cahier des charges techniques, n’avait-il fourni aucun élément ni formulé aucun conseil concernant les difficultés susceptibles d’être soulevées par la circulation des charges litigieuses. En ne donnant pas au maître de l’ouvrage, dans le cadre des différentes missions qui lui avaient été confiées, l’ensemble des conseils adaptés portant sur la circulation d’engins et le déplacement de charges lourdes, sources de désordres prévisibles, l’architecte et le bureau d’études collaborant avec lui ont manqué à leur obligation de conseiller utilement le maître de l’ouvrage. Ayant chacun été à l’origine de la totalité du préjudice en résultant pour ce dernier, les fautes commises tant par le bureau que par l’architecte ont fait naître une dette indemnitaire à laquelle ils devaient logiquement contribuer solidairement.
Civ. 3e, 2 juin 2016, n° 15-16.981
Références
■ Civ. 3e, 14 janv. 2009, n° 07-20.245 P, D. 2009. 373 ; RFDA 2009. 474, note F. Moderne.
■ Civ. 3e, 18 déc. 2013, n° 12-27.738.
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