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[ 11 février 2015 ] Imprimer

Droit du travail - relations individuelles

Obligation de non-concurrence : son respect commence là où cesse le contrat de travail

Mots-clefs : Social, Contrat de travail, Obligation de non-concurrence, Date du respect de l’obligation, Rupture du contrat de travail, Contrepartie financière, Cessation ultérieure d’activité de l’entreprise, Indemnisation due (oui)

Sauf à ce que l’employeur ait renoncé à son application, l’indemnité devant être versée au titre de la clause de non-concurrence est due même si l’entreprise cesse son activité.

Une salariée engagée en qualité de vendeuse était liée par une clause de non-concurrence d'une durée de trois ans qui prévoyait qu’elle percevrait, après la cessation effective de son contrat, et pendant toute la durée de cette interdiction, une indemnité égale à 25 % de la moyenne mensuelle du salaire perçu au cours de ses trois derniers mois de présence dans l'entreprise.

Après la rupture de son contrat de travail, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale d’une demande en paiement de son indemnité de non-concurrence. Par la suite, le tribunal de commerce avait prononcé la liquidation judiciaire de son ancien employeur. Pour débouter la salariée de sa demande, la cour d’appel, après avoir relevé que son contrat de travail avait pris fin le 20 avril 2011, contesta que l'intéressée calculât l'indemnité selon les termes de la clause prévue au contrat alors que l'employeur ayant fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 27 septembre 2011. En effet, selon les juges, elle n'était de toute façon plus tenue à une quelconque obligation de non-concurrence à l'égard d'une entreprise désormais inexistante. Ainsi, devenue sans objet, la clause stipulée au contrat ne la liait plus, de sorte qu’aucune indemnisation ne pouvait à ce titre être octroyée.

Au visa de l’article 1134 du Code civil, cette décision est cassée par la chambre sociale de la Cour de cassation, au motif que la clause de non-concurrence prenant effet à compter de la rupture du contrat de travail, la cessation d'activité ultérieure de l'employeur n'avait pas eu pour effet de décharger la salariée de son obligation de non-concurrence. Cette dernière n'ayant pas été libérée de son obligation par l'employeur, la cour d’appel a omis, à tort, d'examiner la demande en paiement de la contrepartie financière au prorata de la durée d'exécution de l'obligation de non-concurrence.

La Cour confirme ici le lien entre la date de rupture du contrat de travail de la salariée et celle du respect de son obligation de non-concurrence. Elle l’avait déjà effectué dans l’hypothèse, qui n’est cependant pas celle de l’espèce rapportée, d’une dispense d’exécution du préavis. En effet, l’employeur peut toujours décider d’une telle dispense, mais celle-ci n’a pas pour effet d’avancer la date à laquelle le contrat prend fin (C. trav., art. L. 1234-4 : « L’inexécution du préavis de licenciement n’a pas pour conséquence d’avancer la date à laquelle le contrat prend fin »).

Depuis longtemps, la Cour décide que dans le cas où une clause de non-concurrence a été stipulée et où une dispense de préavis a été octroyée par l’employeur, la clause lie le salarié à compter de la rupture de son contrat et de son départ effectif de l’entreprise (Soc. 3 févr. 1993 ; Soc. 12 mars 1997 Soc. 11 oct. 2006). Elle a aussi plus récemment et plus précisément jugé qu’en cas de rupture du contrat de travail avec dispense d’exécution du préavis par le salarié, la date à partir de laquelle celui-ci est tenu de respecter l’obligation de non-concurrence, la date d’exigibilité de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et la date à compter de laquelle doit être déterminée la période de référence pour le calcul de cette indemnité sont celles du départ effectif de l’entreprise. Il en résulte que si l’employeur entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, il doit le faire au plus tard à la date du départ effectif du salarié de l’entreprise, nonobstant stipulations contractuelles ou conventionnelles contraires (Soc. 13 mars 2013 Soc. 22 juin 2011).

S’il ne respecte pas cette date, par exemple en la fixant à la date d’expiration du préavis, l’employeur pourra être tenu d’indemniser le salarié, sur le double fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil, en ce qu’il aura exagérément entravé sa liberté d’exercer une activité professionnelle. Par essence attentatoire à cette liberté fondamentale, l’obligation de non-concurrence ne doit, en effet, pouvoir être exigée du salarié qu’au terme de son contrat de travail et de son départ effectif de l’entreprise, sans quoi ce dernier serait abusivement contraint dans la recherche d’un nouvel emploi.

L’intérêt de la décision rapportée réside dans la transposition de cette solution jurisprudentielle désormais acquise à l’hypothèse particulière de la cessation d’activité de l’employeur, en l’espèce causée par sa mise en liquidation judiciaire, postérieurement à la rupture du contrat de travail du salarié. Poursuivant sa logique, la chambre sociale considère que cet événement, dès lors qu’il est survenu après la rupture du contrat, est sans incidence sur le maintien de l’obligation contractée. Demeurant tenue par la clause de non-concurrence qu’elle avait souscrite, la salariée pouvait donc prétendre au paiement de l'indemnité de non-concurrence.

Cela étant, la Cour précise que l'indemnité n'est due qu'au prorata de la durée pendant laquelle l'obligation de non-concurrence est exécutée, ce qui correspond, en l’espèce, au temps écoulé entre la fin du contrat de travail et la mise en liquidation judiciaire de l’employeur. De surcroît, pour éviter ce paiement, l’employeur avait la possibilité, qu’il n’a pas exploitée, de renoncer à l’application de la clause dans les conditions requises (clause expresse stipulée au contrat de travail ou clause de référence à la convention collective l’autorisant).

Soc. 21 janv. 2015, n°13-26.374

Références

 Soc. 3 févr. 1993, n°89-44.031.

■ Soc. 12 mars 1997, n°94-43.326.

■ Soc. 11 oct. 2006, n°05-43.909.

■ Soc. 13 mars 2013, n°11-21.150, JCP S 2013, n°24, comm. 1248, I. Beyneix ; Dr. social 2013. 455, obs. J. Mouly.

■ Soc. 22 juin 2011, n°09-68.762, Dr. social 2011. 1122, obs. J. Mouly.

 Article L. 1234-4 du Code du travail

« L'inexécution du préavis de licenciement n'a pas pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin. »

■ Code civil

Article 1134

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Article 1147

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

 

Auteur :M. H.


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