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Droit du travail - relations individuelles
Obligation de sécurité du salarié
Mots-clefs : Salarié, Obligation de sécurité, Faute grave, Licenciement
Manque à son obligation de ne pas mettre en danger, dans l’enceinte de l’entreprise, les autres membres du personnel, le salarié qui introduit sur son lieu de travail son animal de compagnie et qui n’est pas en mesure de l’empêcher d’attaquer une collègue.
Un homme a laissé son chien dans sa voiture stationnée sur le parking de son lieu de travail. L’animal s’étant échappé et ayant mordu une salariée qui sortait de l’entreprise, le propriétaire du chien fut licencié pour faute grave pour comportement irresponsable et mise en danger de l’intégrité physique d’autrui. Jugeant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce dernier argua, notamment, que ces faits relevaient de sa vie privée (art. 9 C. civ. ; art. L. 1231-1 et L. 1235-1 C. trav.) puisqu’ils avaient été commis après son temps de travail et celui de la victime.
En vertu de l’article L. 4122-1 du Code du travail, chaque travailleur doit « prendre soin (…) de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail » (al. 1er) et ce, conformément aux instructions patronales, dans les conditions définies dans le règlement intérieur (art. L. 1321-1, 1° C. trav.). Tout manquement à cette obligation doit être apprécié en fonction de la formation et des possibilités du salarié et une mesure disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave peut alors être retenue contre lui (Soc. 23 mars 2005 : refus du salarié de porter un casque ; Soc. 28 mai 2008 : conduite par un salarié d’un chariot électrique de manutention dans une usine exploitant du verre contraire aux consignes de sécurité). Dès lors, le salarié répond des fautes qu'il a commises dans l'exécution de son contrat de travail, quand bien même il n'aurait pas reçu de délégation de pouvoir (Soc. 28 févr. 2002 ; Soc. 30 sept. 2005).
Cette obligation se conjugue avec l’obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité du travailleur qui pèse sur l’employeur (art. L. 4121-1 C. trav. ; Soc. 3 févr. 2010). Ainsi, lorsqu’un salarié fume dans l’entreprise, il commet une faute grave contraire à une décision préfectorale justifiée par la sécurité des personnes et des biens (Soc. 1er juill. 1998) ; l’employeur, quant à lui, est tenu d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme sur le lieu de travail (Soc. 29 juin 2005 : licenciement sans cause réelle et sérieuse d’une salariée dont l’employeur ne satisfait pas aux obligations légales en matière de tabagisme).
En l’espèce, les juges du fond rejetèrent d’abord l’argument de placer l’incident sur le terrain de la vie privée après avoir constaté que l’animal avait mordu la salariée dans l’enceinte de l’entreprise et pendant le temps de travail de son propriétaire. Ils caractérisèrent ensuite le manquement du salarié (art. L. 1235-1 C. trav.) : en faisant venir son chien sur son lieu de travail et en ne le maîtrisant pas, le salarié avait fait courir un risque à l’ensemble du personnel. Il avait ainsi commis une faute directement à l’origine de l’accident, ce qui constituait un manquement à son obligation de prendre soin de la santé et la sécurité de ses collègues concernés par ses actes ou omissions au travail (art. L. 4122-1 C. trav.).
La Haute cour confirme le raisonnement des juges du fond et rejette le pourvoi du salarié. Cette décision peut surprendre puisque la maîtrise par le salarié de son animal de compagnie sur son lieu de travail ne rentre pas à proprement parler dans les tâches qui découlent de son contrat de travail. Toutefois, elle semble s’inscrire dans l’analyse faite de cette obligation par une partie de la doctrine (v. J. Pélissier, G. Auzero et E. Dockès) qui ne « songe guère à la rattacher au contrat de travail » et donc étendre cette interdiction de mettre en danger autrui à tous les salariés (dépourvus ou non d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité ou santé : Soc. 28 févr. 2002 et Soc. 30 sept. 2005, préc.). Quoi qu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue que le propriétaire d’un animal reste responsable des dommages que peut causer ce dernier à autrui même lorsqu’il s’est égaré ou échappé… sur son lieu de travail (art. 1385 C. civ.).
Soc. 4 oct. 2011, n°10-18.862, FS-P+B
Références
■ J. Pélissier, G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, 26e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2012, n°827.
■ Code civil
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
« Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. »
■ Code du travail
« Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.
Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai. »
« Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement :
1° Les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement, notamment les instructions prévues à l'article L. 4122-1 ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l'employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu'elles apparaîtraient compromises ;
3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur. »
« En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si un doute subsiste, il profite au salarié. »
« Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur. »
■ Soc. 23 mars 2005, n° 03-42.404, D. 2005. 1758.
■ Soc. 28 mai 2008, n°06-40.629.
■ Soc. 28 févr. 2002, Bull. civ. V, n°82, D. 2002. 2079.
■ Soc. 30 sept. 2005, n° 04-40.625, D. 2006. 973.
■ Soc. 3 févr. 2010, n° 08-40.144 et n° 08-44.019, Dalloz Actu Étudiant 23 févr. 2010.
■ Soc. 1er juill. 1998, n°06-46.421.
■ Soc. 29 juin 2005, n°03-44.412.
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