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Droit des obligations
Obligation de sécurité : l’autonomie et l’expérience de l’adhérent excluent la faute de l’association
Mots-clefs : Obligation contractuelle de sécurité, Associations, Obligation de moyens, Nécessité de prouver la faute, Faute d’imprudence, Faute de diligence (non)
L’association n’ayant pas confié à la victime des missions excédant ce qui pouvait lui être raisonnablement demandé au vu de ses aptitudes et de son expérience, la poursuite de l’opération menée, en dépit de conditions défavorables et de l’absence d’urgence, ne fut que la conséquence d’une initiative de la victime, de telle sorte que l’association, tenue d’une obligation contractuelle de sécurité, de prudence et de diligence, n’avait pas commis de faute susceptible d’engager sa responsabilité.
La jurisprudence a mis à la charge des associations proposant des activités à risques pour l'intégrité physique une obligation contractuelle de sécurité, laquelle s’appuie sur le contrat liant l’association à l’adhérent. Cette obligation n’est toutefois que de moyens.
En effet, rappelons qu’outre l’aléa, le second critère retenu par la jurisprudence pour déterminer si une obligation contractuelle est de moyens ou de résultat est la participation active ou passive du créancier à l'exécution de l'obligation. Une obligation est alors qualifiée de moyens ou de résultat selon que la victime aura ou non contribué activement à l’exécution du contrat :
– si le créancier ne joue aucun rôle ou alors un rôle simplement passif lors de l'exécution de la prestation, l’obligation sera qualifiée de résultat ;
– s’il joue un rôle actif, elle sera qualifiée de moyens.
Et la jurisprudence de se référer expressément à ce critère pour qualifier de moyens l'obligation de sécurité dont sont tenus les prestataires de loisirs et d'activités sportives, même à risques.
Par conséquent, la faute du débiteur, c’est-à-dire de l’association, doit être prouvée, alors que si elle avait été qualifiée de résultat, l’objet de la preuve de la victime aurait été limité à l’établissement que le résultat promis n’a pas été atteint.
Cette faveur apparente faite aux associations sportives ne doit toutefois pas conduire à masquer la sévérité exprimée par la jurisprudence récente envers le débiteur de l’obligation de sécurité se traduisant :
– d’une part par l’extension de son domaine en matière sportive (celle-ci doit jouer envers les sportifs exerçant dans leurs locaux et sur des installations mises à leur disposition, quand bien même ceux-ci pratiqueraient librement cette activité (Civ. 1re, 15 déc. 2011).
– et d’autre part, plus largement, par l’admission d’obligations de résultat ou de moyens renforcées même lorsqu’une marge de manœuvre importante aura été conservée par le créancier.
Ainsi les associations sportives doivent-elles rester particulièrement vigilantes quant au respect de leur devoir de prudence et de diligence et vérifier, notamment, le niveau de leurs adhérents, dont la non-évaluation ou l’insuffisance leur seraient imputables dès lors que les risques ou dangers liés à l’activité exercée seraient, par leur faute, accrus.
En l’espèce, c’est bien parce que l’association attaquée avait respecté ce devoir que l’engagement de sa responsabilité fut écarté par la Cour de cassation, jugeant la Fédération française de spéléologie irresponsable de la mort d’un de ses membres, considéré comme suffisamment expérimenté et autonome pour avoir mené et poursuivi l’opération, certes dangereuse, au cours de laquelle il perdit la vie.
La cour d’appel saisie avait déjà refusé d’engager la responsabilité de la Fédération dans la mesure où la victime était très expérimentée en plongée, bien qu’il le fût peu en zone profonde, et avait en outre investi les lieux de l’opération après que ceux-ci eussent été repérés par des plongeurs « chevronnés » ; les juges du fond avaient également tenu compte du fait que l’opération de secours n’ayant pas été motivée par l’urgence, la décision d’intervenir avait été prise librement par la victime alors même que son responsable l’en avait dissuadé en raison de conditions extérieures défavorables, insusceptibles d’être reprochées à la Fédération.
La veuve de la victime invoqua alors devant la Cour de cassation l’expérience insuffisante de son mari pour plonger en zone profonde en sorte de caractériser la faute d’imprudence et le manque de diligence de la Fédération, laquelle lui aurait ainsi confié à la victime une mission qu’elle n’était pas pleinement capable de mener ; ces manquements se voyaient en outre renforcés, selon elle, par le fait que le responsable des plongées n’avait pas pris la décision d’interrompre l’opération alors même que l’absence de caractère urgent et la difficulté des conditions d’intervention auraient dû l’y conduire.
La thèse du pourvoi est néanmoins rejetée par la Cour au motif qu’il ressort des constatations des juges du fond que la Fédération n’avait pas confié à la victime une mission excédant ce qui pouvait lui être raisonnablement demandé au vu de ses aptitudes et de son expérience et que, en dépit de conditions défavorables et de l’absence d’urgence, la poursuite des opérations de secours n’avait été que la conséquence d’une initiative de la victime, n’ayant pas attendu d’y être autorisée par la Fédération, en sorte que le manquement par celle-ci à son obligation de sécurité doit être écarté
Ainsi, la responsabilité de la Fédération se voit ici exclue par la double circonstance de l’expérience, jugée suffisante, de la victime et de l’autonomie d’initiative et d’action dont elle fit preuve dans la poursuite de l’opération.
En somme, si l’autonomie d’exercice de l’adhérent ne peut suffire à dispenser une association sportive de son obligation de sécurité, son autonomie d’initiative peut, à condition d’être couplée à son expérience, lui permettre de ne pas commettre de faute.
Civ. 1re, 10 juill. 2014, n°13-19.816
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