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Droit de la famille
Obligation de supporter les frais d’obsèques de ses parents : décharge en cas de comportement gravement fautif du défunt à l’égard de l’enfant
Lorsque l'actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d'obsèques, l'enfant doit en principe, même s’il a renoncé à la succession, assumer la charge de ces frais à moins que son ascendant ait manqué gravement à ses obligations envers lui, justifiant qu’il en soit déchargé.
Civ. 1re, 31 mars 2021, n° 20-14.107
Le frère d’un défunt avait chargé une société de pompes funèbres de l'organisation de ses funérailles sans procéder au règlement des prestations effectuées. La société l’avait alors assigné en paiement. Sur le fondement des articles 205 et 371 du Code civil, le frère du défunt avait en conséquence appelé son neveu en garantie.
Après qu’un jugement rendu par un tribunal d’instance, statuant en dernier ressort, eut rejeté sa demande, il forma un pourvoi en cassation. Parmi les principaux moyens avancés, il soutenait, d’une part, sur le fondement de l’article 806 du Code civil selon lequel le renonçant est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant à la succession duquel il renonce, que le fils du défunt, même renonçant, restait donc tenu au paiement des frais funéraires de son père. Il rappelait d’autre part, sur le fondement de l’article 371 du même code, l’obligation pour l’enfant de supporter les frais d’obsèques de ses parents en conséquence du devoir d’honneur et de respect auquel l’enfant est tenu, dès sa naissance et à tout âge, envers ses père et mère, précisant qu’à cet égard, le fait que son neveu n’ait jamais connu son père ne l’exonérait aucunement de son obligation, l’existence d’un lien affectif direct n’en constituant pas une condition.
La thèse du pourvoi s’appuyait donc sur la combinaison de ces deux textes du Code civil pour soutenir devant la Cour que lorsque l'actif successoral ne permet pas de faire face aux frais d'obsèques, l'enfant du défunt doit, même s’il a renoncé à la succession d’un père inconnu, assumer la charge de ces frais, dans la proportion de ses ressources, sans pouvoir en être déchargé en tout ou partie au prétexte que son ascendant aurait ainsi manqué à ses obligations parentales.
Son auteur n’obtiendra pas gain de cause : la Haute juridiction approuve le jugement ayant énoncé à bon droit que l'exception d’indignité de l'article 207 du Code civil permet à l'enfant d’être affranchi de son obligation alimentaire, prévue à l’article 205 du même code, s’il établit le comportement gravement fautif de son parent à son égard.
On comprend, dès lors, que la Cour de cassation intègre l’obligation de supporter les frais d’obsèques de ses ascendants dans le champ des obligations alimentaires. Il est vrai que si les obligations alimentaires ne découlent pas exclusivement de la parenté, certaines d’entre elles provenant du mariage (J. Garrigue, Droit de la famille, Dalloz, 2e éd., 225 s.), la filiation constitue néanmoins la principale source de ces obligations : chaque individu est tenu de telles dettes à l’égard de tous ses parents en ligne directe : « Les enfants doivent (ainsi) des aliments à leurs pères et mères ou autres ascendants qui sont dans le besoin » (C. civ, art. 205, 758). Un descendant peut par conséquent être appelé à verser des subsides à ses parents, à ses grands-parents et, plus exceptionnellement, à des aïeux plus lointains.
Les obligations alimentaires étant réciproques (C. civ., art. 207), les ascendants ne peuvent pas davantage laisser leurs descendants dans le plus strict dénuement. Une fois leur devoir d’entretien éteint, principalement par la majorité atteinte par leurs enfants, les parents demeurent toutefois tenus d’une obligation alimentaire envers eux, lorsque celle-ci se révèle nécessaire et légitime (absence d’indépendance financière de leur enfant majeur justifiée par la poursuite d’études supérieures par exemple).
Cependant, contrairement au devoir d’entretien entre époux (V. sur cette distinction, Civ. 1re, 17 janv. 1995, n° 92-21.599), les obligations évoquées peuvent être supprimées lorsque leur bénéficiaire s’est mal comporté : « (Quand) le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire » (C. civ., art. 207, al. 2). L’intensité du manquement est ainsi érigée en condition de la décharge : en effet, le manquement doit être suffisamment grave pour que le débiteur puisse en bénéficier.
En l’espèce, ce seuil de gravité était atteint par le fait que le défunt avait délaissé son enfant dès la naissance de ce dernier et jusqu’à sa propre mort, tant sur un plan relationnel, affectif que financier. En effet, le jugement rendu en première instance avait retenu des attestations produites que son feu père n’avait jamais cherché à entrer en contact avec son fils ou à lui donner de ses nouvelles, qu'il s’en était toujours désintéressé et s'était abstenu de participer à son entretien et à son éducation, ce qui constituait un comportement gravement fautif à son endroit. Selon la Haute Cour, le tribunal avait donc pu déduire de ces énonciations et appréciations que l’intéressé devait être déchargé de son obligation alimentaire envers le défunt.
Dans le même sens, la Cour avait dispensé deux fils de secourir leur père, dans le besoin, après avoir constaté que ce dernier leur avait « laissé (…) des messages téléphoniques réitérés contenant des propos humiliants et injurieux allant jusqu’au déni de paternité en ce qui concerne l’un d’eux » (Civ. 1re, 21 nov. 2012, n° 11-20.140).
Pour compléter l’enseignement ici apporté, il convient encore d’ajouter que le retrait total de l’autorité parentale, qui ne peut être justifié que par de très graves défaillances, « emporte pour l’enfant, dispense de l’obligation alimentaire (…), sauf disposition contraire dans le jugement de retrait » (C. civ., art. 379, al. 2 ; adde, CASF, art. L. 228-1, sur la dispense des pupilles de l’État qui auront été élevés par l’ASE jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, à moins que les frais occasionnés par le pupille remis ultérieurement à ses parents n’aient été remboursés). Bénéficient également « de droit » d’une telle exemption « (les) enfants qui ont été retirés de leur milieu familial par décision judiciaire durant une période d’au moins trente-six mois cumulés au cours des douze premières années de leur vie (…), sous réserve d’une décision contraire du juge aux affaires familiales » (CASF, art. L. 132-6).
« Les enfants viennent trop tard pour faire l’éducation des parents… » (M. Pagnol, La gloire de mon père)
Références
■ Civ. 1re, 17 janv. 1995, n° 92-21.599 P : D. 1995. 329, obs. M. Grimaldi ; RDSS 1995. 379, obs. F. Monéger ; RTD civ. 1995. 348, obs. J. Hauser ; ibid. 404, obs. J. Patarin ; ibid. 1996. 458, obs. B. Vareille
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