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Droit des obligations
Obligation précontractuelle d’information et erreur sur les qualités essentielles de la prestation
Il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, qui ne sanctionne pas expressément par la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du Code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du Code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat. Ayant retenu que le vendeur n'avait pas satisfait aux obligations d'information précontractuelles prévues à l'article L. 111-1 du Code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés ni le délai de livraison et d'installation de ces produits n'étaient précisément mentionnés sur le bon de commande, ce dont il résultait que le consentement du consommateur sur des éléments essentiels du contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d'une erreur, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que le contrat de vente devait être annulé.
Civ. 1re, 20 déc. 2023, n° 22-18.928
Pas de nullité sans texte ? - L’on sait que cet adage est, concernant les actes juridiques, d’application exceptionnelle, le principe du droit français étant par ailleurs celui des nullités virtuelles, en sorte qu’il n’est généralement pas nécessaire que le texte imposant la condition de formation faisant défaut prévoie expressément la nullité pour que celle-ci soit prononcée par le juge. L’application de cet adage se trouve pourtant au cœur d’une récente décision de la Cour de cassation, rendue au sujet d'un contrat portant sur l'acquisition, l'installation et la mise en service de panneaux photovoltaïques vendus, lors d’une foire, à un couple d’acquéreurs. Après avoir constaté des difficultés techniques d’installation des panneaux, l’époux-acquéreur, invoquant des lacunes informatives dans le bon de commande, avait assigné le vendeur en annulation du contrat. En cause d'appel, il obtint gain de cause au titre d’un manquement à l’obligation précontractuelle d’information, sur le double fondement des articles L. 111-1 du Code de la consommation et 1112-1 du Code civil. Selon les juges du fond, l’insuffisance des termes du bon de commande, qui ne précisait ni les caractéristiques essentielles des produits achetés ni le délai de livraison et d'installation de ces produits, établissait l’inexécution par le vendeur de son obligation d’informer avant la conclusion du contrat qui avait induit les acquéreurs en erreur. Demandeur au pourvoi, le vendeur faisait valoir qu’aucun des textes mobilisés ne prévoyait expressément la sanction de la nullité. En effet, ni l'article L. 111-1 du Code de la consommation ni l'article 1112-1 du Code civil ne frappent le contrat de nullité lorsqu'une partie n'a pas porté à la connaissance de l'autre des éléments déterminants de son consentement : le texte de droit spécial (C. conso. art. L. 111-1° ne porte pas de sanction en son sein, et celui de droit commun (C. civ., art. 1112-1) ne prévoit que l’octroi de dommages-intérêts. Transformant l’exception en principe, la Cour de cassation concède au vendeur, sur le fondement de l’adage « pas de nullité sans texte », que la méconnaissance de l'obligation précontractuelle d'information à laquelle est tenu le professionnel à l'égard du consommateur n'est pas, sauf disposition expresse, sanctionnée par la nullité du contrat. Cependant, elle relève que l'article 1112-1 du Code civil dispose in fine qu’"outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants", relatifs au caractère déterminant de l’erreur ayant vicié le consentement du contractant. Elle en infère que "le consentement de M. [Y] sur des éléments essentiels du contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d'une erreur", fondement que n'avait pourtant pas sollicité le demandeur et que la cour d'appel n'avait pas exploré.
Emblématique de la porosité de la théorie générale du contrat et du droit des contrats spéciaux - en l’occurrence de la théorie des vices du consentement et du droit spécial de la consommation, l’arrêt rapporté traduit, à propos de l’obligation précontractuelle d’information, leur jeu d’influences réciproques. Toutefois, le choix de la Cour de sanctionner le manquement en l’espèce constaté à cette obligation sur le fondement, issu du droit commun, de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation nous semble inapproprié.
Dualité des sources de l’obligation précontractuelle d’information - L’obligation d’information est le devoir incombant à une personne détenant une information utile à l’autre partie de la lui délivrer. Si elle peut se situer au stade de l’exécution du contrat, elle est désormais exigée, en droit commun comme en droit spécial du contrat, dès le stade préalable à sa formation.
Jusqu’à la réforme du droit des contrats, cette obligation précontractuelle d’information était restée extérieure au Code civil. Elle résultait de diverses dispositions spéciales, notamment contenues dans le Code de la consommation. La plus emblématique est l’article L.111-1 du Code de la consommation, qui consacre une obligation générale d’information du professionnel à l’égard du consommateur dans la phase précontractuelle. Ce texte, dont le champ a été progressivement élargi, impose ainsi une obligation d’information du professionnel à l’égard du consommateur, avant la conclusion du contrat, qui doit porter notamment sur les caractéristiques essentielles, le prix et le délai de livraison ou d’exécution du bien ou du service, y compris numérique, ainsi que sur l’identité du contractant et les garanties légales relatives à la prestation.
Plus généralement, cette obligation préalable d’information a été imposée par la jurisprudence qui en a ainsi, hors des textes relatifs aux contrats spéciaux, élargi le champ d’application. En rupture avec l’adage libéral Emptor debet esse curiosus (l’acheteur doit être curieux), les tribunaux ont progressivement introduit une obligation d’information au stade de la formation du contrat qui trouvait à s’appliquer, avant la réforme, dans les hypothèses les plus variées. L’ordonnance du 10 février 2016 a acté cette évolution en consacrant, en droit commun, une large obligation précontractuelle d’information, désormais contenue à l’article 1112-1 du Code civil. Celle-ci n’est pas formellement présentée comme un mode de protection du consentement contractuel puisqu’elle est incluse dans une sous-section relative aux négociations contractuelles, selon une logique temporelle, l’obligation d’information précédant par hypothèse l’expression du consentement. Il n’en reste pas moins que la finalité de cette obligation est de permettre l’expression d’un consentement éclairé et qu’elle constitue, en droit positif, un des modes majeurs de protection de celui-ci.
Porosité des sources de l’obligation précontractuelle d’information - Concernant le régime de l’obligation précontractuelle d’information, il est à noter qu’en principe, la sanction de sa méconnaissance se traduit, en droit commun comme en droit spécial du contrat, par la responsabilité délictuelle du débiteur, soit par l’octroi de dommages-intérêts. Cependant, la nullité du contrat peut par exception être prononcée en cas de renvoi, opéré par le législateur ou par le juge, à la théorie générale du contrat. Ainsi le non-respect de cette obligation emporte-t-il souvent l’annulation du contrat par le biais du dol par réticence ou de l’erreur déterminante du consentement, ainsi que le législateur l’a explicitement prévu à l’article 1112-1 alinéa 6 du Code civil, qui sert de fondement textuel à la solution ici rendue. Celle-ci illustre ainsi la porosité de la théorie générale du contrat et du droit des contrats spéciaux. Concernant le droit commun et le droit spécial de la consommation, leur influence est réciproque et successive : si le droit spécial de la consommation, à l’origine de ce formalisme informatif précontractuel, a d’abord fait évoluer le droit commun vers une plus large prise en compte de cette obligation, jusqu’à sa codification en 2016, la décision rapportée confirme que c’est par l’intermédiaire du droit commun que l’obligation spéciale d’information dans la phase précontractuelle a ensuite, par faveur pour le consommateur, pu être sanctionnée par la nullité du contrat. Toutefois, en l’espèce, le fondement de l’erreur nous semble inadapté. Si le sauvetage de l'arrêt d'appel peut s'entendre, notamment parce qu’il ne faisait guère de doute que le bon de commande était resté muet sur les éléments essentiels du contrat, il n'en demeure pas moins que l'erreur sanctionnée n'était ni alléguée ni démontrée ; en outre, l'article 1112-1 du Code civil n'octroie que des dommages-intérêts en cas de simple manquement au devoir d'information ; enfin, il semble que d'autres fondements auraient pu être convoqués, dont l'indétermination de l'objet du contrat (ex pour une porte, Civ. 1re, 2 oct. 2013, n° 12-15.683).
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