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[ 1 octobre 2013 ] Imprimer

Droit administratif général

Obligations de l’administration concernant le licenciement d’un agent public en CDI : un nouveau principe général du droit

Mots-clefs : CDI, Agent public, Contractuel, Fonctionnaire, Reclassement, Licenciement, Principe général du droit

Le 25 septembre 2013, le Conseil d’État a dégagé un nouveau principe général du droit selon lequel l’administration a l’obligation de chercher à reclasser un agent contractuel écarté de son emploi au profit d’un fonctionnaire titulaire avant de prononcer son licenciement.

En l’espèce, une enseignante avait été recrutée par le recteur de l’académie de Paris à compter du 1er septembre 1993 en qualité de professeur contractuel sur le fondement de l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Elle a exercé ses fonctions dans le cadre de CDD régulièrement renouvelés et son engagement a été converti en CDI le 27 juillet 2006 en application l’article 13 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique. Puis, le recteur l’a informée de l’absence de besoin d’enseignement dans sa discipline à compter de l’année scolaire 2007/2008. Son licenciement a été prononcé par une décision du 14 septembre 2007 avec effet à compter du 1er décembre suivant. L’enseignante a alors demandé au tribunal administratif l’annulation de la décision de licenciement qui a rejeté sa demande. Elle a donc fait appel du jugement.

Selon la cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris 31 déc. 2012), il ressort des pièces du dossier qu’une fonctionnaire titulaire a été affectée, à compter du 1er septembre 2007 au poste précédemment occupé par l’enseignante contractuelle licenciée afin d’y dispenser le même enseignement. Ainsi, le besoin d’enseignement n’avait pas disparu. La cour administrative d’appel de Paris, estimant être face à des questions de droit nouvelles a sursis à statuer afin de poser les questions suivantes au Conseil d’État : 

– l’administration peut-elle remplacer par un fonctionnaire un agent contractuel en CDI et, par suite, mettre fin à ses fonctions, eu égard à la nécessaire protection des droits qu’il a acquis en vertu de son contrat ?

– si un agent en CDI peut être évincé pour permettre le recrutement d’un fonctionnaire titulaire, l’administration a-t-elle l’obligation de reclasser l’agent dans un autre emploi?

Selon l’avis du Conseil d’État du 25 septembre 2013, il résulte des dispositions de l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l’article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État (dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 mars 2012) que le législateur a entendu que les emplois civils et permanents de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires.

En effet, le législateur a permis le recrutement d’agents contractuels en CDD ou en CDI uniquement à titre dérogatoire et subsidiaire. Ainsi, un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver son emploi pour lequel il a été recruté quand l’administration décide d’affecter un fonctionnaire sur cet emploi.

Toutefois, il résulte d’un principe général du droit dont s’inspirent tant les dispositions du Code du travail que les règles générales du statut de la fonction publique que l’administration a l’obligation de chercher à reclasser un agent contractuel en CDI avant de prononcer son licenciement afin d’affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant.

Les juges du Palais Royal estiment que l’administration est tenue de proposer à cet agent un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi. Si le reclassement s’avère impossible, faute d’emploi vacant, ou si l’agent refuse la proposition qui lui est faite, le licenciement pourra alors être prononcé sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité (Titre XI et XII du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État).

Par cet avis, le Conseil d’État permet une meilleure compréhension des règles nouvelles applicables aux non-titulaires depuis que le législateur, par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 précitée (et également la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique), a élargi la place du contrat dans la fonction publique.

CE, avis, 25 sept. 2013, n°365139

Références

 CAA Paris, 31 déc. 2012, n° 10PA05597, AJFP 2013. 151.

 Article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

« Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. »

■ Article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État

Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants :

1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ;

2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l'État à l'étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. »

(Abrogé par L. n° 2012-347 du 12 mars 2012, art. 33-II)  (L. n° 2005-843 du 26 juill. 2005, art. 12)  «Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans.

Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux contrats conclus pour la mise en œuvre d'un programme de formation, d'insertion, de reconversion professionnelles ou de formation professionnelle d'apprentissage.»

(L. n° 2009-972 du 3 août 2009, art. 28-I)  «Pour l'ensemble des règles de droit applicables aux agents non titulaires qui occupent des emplois sur le fondement du présent article, le recrutement de ces personnels particuliers est une entrée au service, et la fin de leur engagement, une sortie de service.»

 Article 13 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique

« I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d'un congé, en application des dispositions du décret mentionné à l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article 4 de la même loi.

Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse et pour une durée indéterminée.

II. - Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes :

1° Être âgé d'au moins cinquante ans ;

2° Être en fonction ou bénéficier d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ;

3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ;

4° Occuper un emploi en application de l'article 4 ou du premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, dans les services de l'État ou de ses établissements publics administratifs. »

 

Auteur :C. G.


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