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Droit des obligations
Obligations de moyens ou de résultat : éléments de clarification à propos du contrat de garage
Dans deux arrêts notables, la première chambre civile clarifie sa position sur la qualification de l’obligation mise à la charge du garagiste dans le cadre de sa responsabilité contractuelle et, à cette occasion, revient sur la traditionnelle distinction, dont elle précise les contours, entre obligation de résultat et obligation de moyen.
Civ. 1re, 11 mai 2022, nos 20-19.732 P et 20-18.867 P
Établie par Demogue et pérennisée depuis malgré une absence d’assise légale, la distinction entre obligations de moyens et de résultat occupe une place majeure en droit de la responsabilité contractuelle. Elle donne lieu à des déclinaisons parfois difficiles à saisir (obligation de résultat atténuée ou de moyens renforcée). Le flou entourant cette distinction a notamment pu être observé à propos du contrat de garage, qui se trouve au cœur des deux décisions rapportées. La jurisprudence a en effet hésité sur la qualification à donner à l’obligation de réparation du garagiste, alternant sans grande lisibilité entre obligation de résultat stricto sensu et obligation de résultat atténuée. Une clarification était nécessaire. C’est tout l’intérêt des deux arrêts sous commentaire de l’apporter.
Dans la première affaire (n° 20-19.732), l'acquéreur d'un véhicule d’occasion se plaint de pannes récurrentes et le confie à plusieurs reprises à un garagiste, qui ne parvient pas à les faire cesser. Ayant transigé avec le vendeur, il assigne le garagiste en responsabilité et indemnisation. Il l’estime tenu de rembourser les dépenses inutilement engagées pour la remise en état du véhicule. La Cour d’appel le déboute au motif que les dysfonctionnements constatés ne sont pas imputables au garagiste mais au vendeur, responsable d’un défaut d'entretien. Si les interventions du garagiste n’ont certes pas permis de les résoudre, celles-ci restent cependant sans lien avec les désordres affectant le véhicule.
Dans la seconde (n° 20-18.867), ayant formé opposition à une injonction de payer concernant une facture adressée par son garagiste, le client fait une demande reconventionnelle en indemnisation de son préjudice né de la persistance de vices non réparés malgré sa prise en charge au titre du contrat de garage. Le taux du ressort étant insuffisant pour interjeter appel, le tribunal judiciaire d’Évreux rend une décision en dernier ressort dans laquelle il déboute le client au motif que le garagiste ne peut être tenu responsable du défaut qui, quoique non réparé, ne peut être rattaché à ses interventions.
À la suite du pourvoi formé dans les deux cas par le client, la première chambre civile opte pour une solution de principe commune. Elle répond au problème soulevé par ces deux espèces avec une pédagogie nouvelle par deux paragraphes identiques (n° 6 pour le pourvoi n° 20-19.732 et n° 4 pour le pourvoi n° 20-18.867). Restituant la problématique soulevée par les fluctuations jurisprudentielles antérieures, la première chambre civile innove par la méthode employée (sur la nouveauté de cette méthode de rédaction, v. aussi Civ. 1re, 20 avr. 2022, n° 20-22.866).
Elle rappelle ainsi l’obligation de résultat d’abord mise à la charge du garagiste par les juges (Civ. 1re, 2 févr. 1994, n° 91-18.764 ; 8 déc. 1998, n° 94-11.848), ensuite déclinée en une double présomption de faute et de causalité entre la faute et le dommage (Civ. 1re, 21 oct. 1997, n° 95-16.717). Cependant, cette obligation de résultat avait ensuite été convertie en responsabilité de plein droit (Civ. 1re, 31 oct. 2012, n° 11-24.324) et il avait en conséquence été admis que la responsabilité du garagiste pouvait être écartée, même lorsque le résultat n'avait pas été atteint, en prouvant qu'il n'avait pas commis de faute. Allégeant son obligation au prix d’une certaine confusion théorique (sur cette conversion en obligation de résultat dite « allégée », v. Ph. Delebecque et Fr. Collart-Dutilleul, Contrats civils et commerciaux, 11e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, p. 668), la première chambre civile avait en effet jugé que « la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s’étend qu’aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat dont il peut s’exonérer en prouvant son absence de faute » (Civ. 1re, 17 févr. 2016, n° 15-14.012).
La qualification d’obligation de résultat ne pouvait donc plus être retenue : on ne peut dans le même temps soumettre le garagiste à une obligation de résultat et admettre qu’il s’exonère par la preuve de son absence de faute. D’où la « clarification » que la Cour juge nécessaire d’opérer, tant pour simplifier le régime de la responsabilité du garagiste que pour préserver la cohérence de la distinction générale entre obligations de résultat et de moyens. Cette volonté de clarification se traduit par l’abandon de l’obligation de résultat.
Désormais, selon la Cour au visa de l’article 1353 du Code civil (ancien art. 1147), siège de la responsabilité contractuelle, « si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n'est engagée qu'en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l'existence d'une faute et celle d'un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées ». En conséquence, dans ces deux affaires, les décisions attaquées se voient censurées par la première chambre civile, les juges du fond s’étant prononcés « par des motifs impropres à écarter la présomption de faute pesant sur le garagiste et celle du lien causal ».
En somme, exit l’obligation de résultat, laquelle n’est « pas justifiée » quand le garagiste peut prouver qu’il n’a pas commis de faute. La responsabilité du garagiste devient donc une responsabilité pour faute, ce qui renvoie traditionnellement aux obligations de moyens… mais cette faute, et son lien causal avec le dommage, sont présumés si les désordres surviennent ou persistent après la réparation. Une forme d’équilibre entre obligation de résultat et obligation de moyens se trouve ainsi atteinte.
Références :
■ Civ. 1re, 20 avr. 2022, n° 20-22.866 P : D. 2022. 790.
■ Civ. 1re, 2 févr. 1994, n° 91-18.764 B : RTD civ. 1994. 613, obs. P. Jourdain.
■ Civ. 1re, 8 déc. 1998, n° 94-11.848 B : D. 1999. 35.
■ Civ. 1re, 21 oct. 1997, n° 95-16.717 B : D. 1997. 252.
■ Civ. 1re, 31 oct. 2012, n° 11-24.324 B : D. 2012. 2659.
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