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Procédure civile
Occupation sans titre : compétence du juge des référés
Mots-clefs : Compétence, Juge des référés (trouble manifestement illicite, conditions), Droit au logement, Expulsion, Occupation sans droit ni titre, Liberté d’expression
L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue un trouble manifestement illicite déterminant la compétence du juge des référés.
Alors que la Fondation Abbé Pierre vient de publier son rapport 2010 sur le mal-logement, la troisième chambre civile rappelle, par un arrêt du 20 janvier 2010, dans une affaire mettant en cause le droit au logement, l’étendue de la compétence du juge des référés. Une société d’HLM avait ainsi assigné en expulsion une vingtaine de sans-abris qui avaient dressé leur tente dans l’aire de jeux d’un ensemble immobilier destiné à être démoli. Le juge des référés saisi avait décliné sa compétence, au motif qu’en l’absence de violences ou de dégradations ou d’entrave à la circulation des occupants actuels des appartements de la résidence concernée, l’illicéité du trouble n’était pas rapportée et que la situation imposait un contrôle de proportionnalité échappant à son pouvoir ; retenant que la démarche des occupants avait « pour unique but d’atteindre l’objectif reconnu de valeur constitutionnelle de disposer d’un logement décent » (Cons. const. 19 janv. 1995) et que « le droit de revendiquer est le corollaire évident de celui d’exercer sa liberté d’expression », celui-ci avait estimé que le litige, qui mettait donc en cause l’exercice d’une liberté publique, échappait à sa compétence. Dans ces conditions, l’expulsion ne pouvait pas être prononcée et l’affaire devait être renvoyée au fond.
Saisie du pourvoi formé par la société HLM, la Cour de cassation estime, au visa des articles 809, alinéa 1er, du Code de procédure civile et 544 du Code civil, qu’« en statuant ainsi, alors qu’elle constatait une occupation sans droit ni titre d’un immeuble appartenant à autrui, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ». L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble appartenant à autrui constitue, en effet, en elle-même, un trouble manifestement illicite déterminant la compétence du juge des référés (Civ. 1re, 24 févr. 1987 ; Soc. 5 mai 1983 ; Civ. 2e, 7 juin 2007). Il était donc indifférent que l’occupation dénoncée en l’espèce ait eu lieu sans dégradation ni violence.
Si le droit au logement existe, il n’est pas permis à son titulaire de le réaliser lui-même, raison pour laquelle la balance entre droit de propriété et droit au logement décrite par les juges du fond ne pouvait être envisagée. Le juge des référés ne pouvait pas, en refusant d'exercer ses prérogatives, se substituer aux acteurs de la politique sociale et tenter de répondre, par un déni de justice, à un déni de jugement.
Civ. 3e, 20 janvier 2010
Références
■ Juge des référés
« Juge ayant le pouvoir de prendre une décision provisoire et ne préjugeant en rien de la solution qui interviendra plus tard sur le fond.
Les magistrats investis de ce pouvoir sont : le premier président de la cour d’appel, le président du tribunal de grande instance dont la compétence s’étend à toutes les matières où il n’existe pas de procédure particulière de référé; le juge d’instance; le président du tribunal de commerce; le président du tribunal paritaire des baux ruraux.
Le conseil de prud’hommes a une formation de référé (un employeur, un salarié) avec recours au juge départiteur en cas de partage de voix. »
■ Déni de justice
« Selon la loi, “ il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées ”. Le déni de justice est non seulement une cause de responsabilité civile, mais aussi un délit pénal exposant son auteur à l’interdiction d’exercer ses fonctions de cinq à vingt ans.
Dans un sens plus moderne et extensif, le déni de justice s’entend du manquement de l’État à son devoir de protection juridictionnelle, par exemple un délai anormal d’audiencement. (...)
Se dit aussi de la situation résultant d’une double déclaration d’incompétence de la part des tribunaux de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif successivement saisis. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Article 809 du Code de procédure civile
« Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
■ Article 544 du Code civil
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
■ Cons. const. 19 janv. 1995, n° 94-359 DC, AJDA 1995. 455, obs. Jorion.
■ Civ. 1re, 24 févr. 1987, Bull. civ. I, n° 66.
■ Soc. 5 mai 1983, Bull. civ. V, n° 241.
■ Civ. 2e, 7 juin 2007, Bull. civ. II, n° 146 ; D. 2007. AJ. 1883.
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