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[ 24 mai 2018 ] Imprimer

Droit des successions et des libéralités

Omission d’un héritier : la succession partagée demeure inchangée

La nullité pour erreur sur la détermination des droits héréditaires d’un enfant adultérin ne peut être obtenue lorsque les lois invoquées pour l’obtenir sont postérieures à la date de la succession définitivement partagée.

Né d’une relation adultère, le fils d’une personne décédée dont la succession avait été partagée par acte notarié en date du 28 octobre 1996 avait, à la suite de l’action en recherche de paternité engagée avec succès par sa mère le 18 mars 1997, obtenu deux jugements rendus en 2005 et 2007 ayant confirmé son lien de filiation avec le défunt et en conséquence, assigné sa veuve ainsi que les deux enfants du couple, en leur qualité d’héritiers, aux fins d’attribution de sa part successorale et d’annulation du partage pour omission d’un héritier. 

La cour d’appel rejeta ses deux demandes en considération de la date à laquelle le partage successoral était intervenu de manière définitive (28 oct. 1996) ; elle en déduisit, en effet, que l’appelant ne pouvait invoquer le bénéfice de l’action en nullité offerte par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, tout comme il ne pouvait se prévaloir des droits successoraux que la loi 2001-1135 du 3 décembre 2001 a conférés aux enfants naturels, dont les dispositions ne peuvent être appliquées aux successions déjà partagées à la date de sa promulgation. La Cour de cassation confirme cette décision, rejetant le moyen de l’héritier délaissé qui s’appuyait sur le seul fait qu’une succession omettant un héritier ne peut être considérée comme valablement partagée.

Certes, la nullité pour erreur sur la détermination des droits d’un enfant adultérin n’est pas, en soi, exclue puisque l’erreur peut entraîner l’annulation d’un partage lorsqu’elle porte sur « (…) l’existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable » (C. civ., art. 887, al. 2). De surcroît, le partage peut être également annulé en cas d’omission d’un héritier (C. civ., art. 887-1). Cette double possibilité n’est toutefois prévue qu’à titre exceptionnel. Historiquement d’ailleurs, l’annulation du partage pour cause d’erreur n’était pas possible. A l’effet de préserver la stabilité du partage, son droit de critique pour cause d’erreur avait été refusé par les rédacteurs du Code civil, et jusqu’à une époque récente, le législateur comme le juge se montraient rétifs à son admission. Quelques palliatifs avaient néanmoins, avant l’entrée en vigueur de la loi précitée du 23 juin 2006, été trouvés. Ainsi les juges avaient-ils pu admettre que l’omission d’un héritier puisse lui ouvrir le droit à une action en rescision pour lésion de plus du quart (Cass., Req., 21 mars 1922). Mais à la différence de la violence et du dol, prioritairement visés par l’article 887, alinéa 1er, l’erreur ne constituait pas, et peine encore à l’être, en dehors de cas spéciaux et très exceptionnels, une cause de nullité des partages (V. par ex., Civ. 1re, 19 mars 2014, n° 13-10.033), alors qu’elle l’est naturellement pour les autres actes juridiques. 

Le demandeur au pourvoi n’était toutefois pas voué à l’insuccès, les juges consentant tout de même, conformément à la loi contemporaine, à annuler les partages en cas d’erreur sur la détermination des droits héréditaires des copartageants (Civ. 1re, 3 févr. 2010, n° 09-10.857), ou d’omission de l’un d’entre eux, lequel peut aussi préférer demander, plutôt que l’annulation du partage, de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur (C. civ., art. 887-1, al. 2). 

Mais quelle que soit la cause d’annulation invoquée, celle-ci doit s’apprécier au jour de l’acte litigieux. En l’espèce, le refus d’annulation est, pour cette seule raison, justifié. Même effectué au détriment de l’enfant adultérin que le droit positif successoral protège, ses droits ne pouvaient être réglés que par application de la loi interne en vigueur au jour de la conclusion du partage contesté, de même que comme le souligne la Haute cour, « l’erreur, par omission d’un héritier tardivement révélé, ne pouvait entraîner la nullité du partage, intervenu de façon définitive entre toutes les personnes ayant la qualité d’héritier avant l’introduction de l’action en recherche de paternité ».

Civ. 1re, 11 avr. 2018, n° 17-19.313 P

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Partage successoral Partage successoral (Droit au partage) ; Partage successoral (Effets et sanctions) Partage successoral (Masse partageable) Partage successoral (Réalisation)

■ Cass., Req., 21 mars 1922 : D. 1923, 1, p.60

■ Civ. 1re, 19 mars 2014, n° 13-10.033 P : RTD civ. 2014. 422, obs. M. Grimaldi

■ Civ. 1re, 3 févr. 2010, n° 09-10.857.

 

Auteur :M. H.


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