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Procédure civile
Ordonnance sur requête : pas de dérogation au principe de la contradiction.
Mots-clefs : Ordonnance sur requête, Constats d’huissier, Copie, Irrégularité, Principe de la contradiction, Contrôle, Dérogation (non)
Le juge saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête doit y faire droit malgré l’absence de grief porté à son destinataire dès lors que le respect du principe de la contradiction n’ a pas été respecté.
Suspectant des actes de concurrence déloyale de la part d’un ancien salarié d’une société depuis placée en liquidation judiciaire, la société ayant repris l’activité de cette société ainsi que le liquidateur de celle-ci avaient sollicité par requête la désignation d’un huissier de justice afin de se faire remettre divers documents et d’exploiter le contenu de l’ordinateur du salarié suspecté. Préalablement à ces opérations, l’huissier de justice ayant été commis avait seulement signifié au salarié la copie de l’ordonnance autorisant la mesure, mais non celle de la requête. Le salarié ainsi que la société qu’il avait entre-temps constituée avaient alors saisi le juge d’une demande d’annulation du constat irrégulièrement effectué par l’huissier.
Pour les débouter de leur demande, la cour d’appel retint qu’en dépit du manquement au principe de la contradiction qu'il était possible de déduire de l'inobservation purement formelle de l'article 495, alinéa 3, du Code de procédure civile prescrivant de laisser une copie à la fois de la requête et de l’ordonnance, le salarié n'alléguait, en l’espèce, aucun dommage spécifique qui serait résulté pour lui du défaut de présentation par l'huissier d'une copie de la requête et que l'irrégularité de procédure qu'il critiquait n'avait donc pas affecté la régularité du constat ni porté une atteinte illicite au respect de sa vie privée. Se trouvait donc posée à la Cour de cassation la question de savoir si le manquement au principe de la contradiction rendait la procédure irrégulière malgré l’absence de préjudice subi par celui qui y était attrait.
A cette question, la Cour de cassation répond par l’affirmative et casse la décision des juges du fond, leur reprochant d’avoir méconnu les exigences de l’article 495 du Code de procédure civile, lesquelles sont destinées à faire respecter le principe de la contradiction et qui n’avaient pas, en l’espèce, été satisfaites.
Dans la décision rapportée, la Cour de cassation privilégie une approche formaliste du principe de la contradiction, l’appliquant aux dispositions générales relatives aux ordonnances sur requêtes, parmi lesquelles figure l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile qui prévoit qu’une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle cette dernière est opposée. Toute la difficulté à laquelle devait répondre cette décision porte sur la nécessité de prendre ou non en compte des éléments extrinsèques à la régularité formelle de la procédure, notamment celui du préjudice éventuellement subi par le destinataire de la copie de la requête et de l’ordonnance. C’est dans cette voie que les juges du fond s’étaient engagés en rejetant la demande de nullité des opérations accomplies en exécution de ladite ordonnance au motif que compte tenu de la rédaction de l’ordonnance, son destinataire disposait déjà de suffisamment d’éléments pour solliciter sa rétractation, ayant ainsi été en mesure d’argumenter aux fins de l’obtenir.
Au contraire, la Cour exige une application stricte du principe de la contradiction, qu’elle rend imperméable à ce type de considérations pour en sanctionner l’inobservation formelle. En effet, il résulte de la combinaison des articles 16 et 495 du Code de procédure civile qu’une copie de la requête comportant l’indication précise des pièces invoquées ainsi que celle de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée ; or en l’espèce, le demandeur ne s’était pas vu remettre par l’huissier la requête et les pièces qui y étaient annexées, ce qui suffisait à porter atteinte au principe de la contradiction.
Dans le même sens, la Cour reproche aux juges du fond de s’être fondés, pour rejeter la demande de nullité des opérations litigieuses, sur le fait que l’ordonnance dont la copie avait été remise au demandeur reprenait l’objet détaillé des demandes ainsi que les faits rappelés dans la requête, cependant qu’il ne résultait d’aucune des pièces versées au débat que ladite requête avait été effectivement communiquée.
Enfin, et en tout état de cause, la cour reproche à la cour d’appel d’avoir omis de rechercher si l’absence de communication de la copie de la requête n’avait pas altéré la capacité de son destinataire à se défendre. Cette décision prolonge le revirement effectué par la Cour en 2014 pour encadrer les mesures d’instruction ordonnées sur requête avant procès et tout particulièrement les constats d’huissier (Civ. 2e, 5 juin 2014, n° 13-20.333). En effet, alors qu’auparavant, la Cour admettait, grâce à la combinaison des articles 145 et 493 du Code de procédure civile, qu’il fut dérogé au principe de la contradiction pour établir la preuve, notamment d’actes de concurrence déloyale, que faciliterait la dispense d’avertissement et de communication des pièces préalables ainsi que l’affranchissement d’une assignation, elle finit par juger que le recours à procédure sur requête ne devait plus justifier de déroger au principe du contradictoire, ne considérant plus que le risque d’une disparition des preuves ou la nécessité de surprendre la personne suspectée autorisaient en tant que tels une telle dérogation. Elle confirma son revirement en 2015 (Civ. 2e, 19 mars 2015, n° 14-14.389). En l’espèce, pour justifier l’absence de contradictoire, la requête précisait que « pour être efficace et éviter tout risque de dépérissement des preuves, (…), la mesure de constat souhaitée par les requérants ne peut pas être sollicitée contradictoirement », ce risque étant avéré au regard de la concurrence existant entre les deux sociétés. Cette analyse fut à nouveau rejetée par la Cour. De même que le risque de disparition des preuves ou l’effet de surprise ne justifient plus, depuis 2014, la dérogation au principe de la contradiction, par la décision rapportée, la Cour juge que l’absence de préjudice subi par le demandeur ne permet pas davantage de s’en affranchir.
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