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Droit des sociétés
Pacte d’actionnaires : le contrat conclu pour la durée maximale de vie d’une société ne constitue pas un engagement perpétuel
La prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, contrat à durée déterminée auquel les parties ne peuvent mettre un terme unilatéralement.
Civ. 1re, 25 janv. 2023, n° 19-25.478 B
Par acte du 30 janvier 2010, les actionnaires d’une SAS avaient conclu un pacte d’actionnaires qui contenait des dispositions devant immédiatement régir la vie de la société et les actes de ses associés. Par acte du 23 février 2017, deux actionnaires avaient notifié la résolution unilatérale du contrat. Un troisième actionnaire les avait assignés afin qu’il soit jugé que cette résolution, mise en œuvre de manière abusive, était irrégulière et inefficace. La cour d’appel le débouta de sa demande au motif que la durée déterminée du pacte, identique à celle de la société, était d’une durée telle qu’elle convertissait ce contrat conclu pour une durée déterminée en contrat à durée indéterminée, si bien que les parties étaient en droit de le rompre unilatéralement, sous la réserve d’un abus en l’espèce non établi.
Devant la Cour de cassation, l’actionnaire victime de la rupture du pacte soutenait que ce contrat, conclu pour la durée de vie de la société, l’avait donc été pour une durée déterminée interdisant donc à ses contractants de le rompre avant terme. Adhérant à la thèse du pourvoi, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa des articles 1134, alinéa 1er, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 1838 du Code civil, de la combinaison desquels il résulte que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement. Sur le fondement de ce principe, les juges du droit infirment l’analyse de la cour d’appel, qui a jugé que les parties étaient habilitées à résilier le pacte d’actionnaires litigieux à tout moment en ce que la durée du contrat, conclu pour la durée de la société, soit une durée de 99 ans renouvelable, conduisait par l’indétermination de sa durée à confisquer de manière abusive toute possibilité réelle de fin de pacte pour les actionnaires, en sorte que ces derniers devaient avoir la possibilité de résilier ce pacte unilatéralement, à tout moment.
En jugeant que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’actionnaires pour la durée de vie maximale d’une société (99 ans, v. C. civ., art. 1838), la Haute juridiction admet qu’un pacte conclu entre les associés d’une société pour la durée de celle-ci, même de 99 ans, est à durée déterminée. Conformément aux règles de droit commun relatives à la durée du contrat (C. civ., art. 1210 s.), elle établit ainsi une distinction de régime entre le pacte d’actionnaire conclu pour une durée déterminée et celui conclu pour une durée indéterminée :
■ le contrat conclu pour une durée déterminée échappe à la prohibition des engagements perpétuels et ne peut pas être résilié unilatéralement par les parties (C. civ., art. 1212), quand bien même sa durée serait identique à celle de la vie de la société, laquelle ne peut toutefois excéder 99 ans (C. civ., art. 1838 ; v. déjà, CA Paris, 15 déc. 2020, n° 20/00220) ;
■ le contrat conclu pour une durée indéterminée peut quant à lui être résilié à tout moment par la volonté unilatérale des actionnaires (C. civ., art. 1211 ; v. Com. 20 déc. 2017, n° 16-22.099 ; 6 nov. 2007, n° 07-10.620).
Rapportée au droit spécial des sociétés, la distinction que le droit commun établit en fonction de la durée du contrat (indéterminée ou non) revient donc à considérer qu’un pacte d’actionnaires, même conclu pour une durée de 99 ans, est un contrat à durée déterminée qui ne contrevient pas à la prohibition des engagements perpétuels dès lors que cette durée n’apparaît pas excessive à la Cour, s’agissant d’actionnaires personnes morales.
Références :
■ CA Paris, 15 déc. 2020 n° 20/00220 : Rev. sociétés 2021. 305, note J. Heinich.
■ Com. 20 déc. 2017, n° 16-22.099 : RTD com. 2018. 145, obs. J. Moury.
■ Com. 6 nov. 2007, n° 07-10.620 : D. 2008. 1024, note B. Dondero ; ibid. 2009. 323, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Rev. sociétés 2008. 89, note J. Moury ; RTD civ. 2008. 104, obs. B. Fages.
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