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Droit immobilier
Pacte de préférence : respect du droit de propriété
Mots-clefs : Pacte de préférence (durée, prix, validité), Droit de propriété, Vente, Prix prédéterminé, Droit de priorité, Marché immobilier, Spéculation immobilière, Contrat, Force obligatoire
Un pacte de préférence conclu pour une durée de vingt ans, imposant au promettant, au cas où il déciderait d'aliéner le bien, de donner la préférence au bénéficiaire, à un prix prédéterminé, ne porte pas atteinte au droit de propriété.
Un particulier fit l’acquisition, en 2003, d’un lot dans un lotissement communal à un prix intéressant. En contrepartie, était stipulé dans l’acte de vente que, pendant un délai de vingt ans, le rachat du terrain devait, avant toute revente à un tiers, être proposé préalablement à la commune, à un prix déterminé dans le contrat. En 2006, l’acheteur trouva un acquéreur à un prix supérieur à celui de l’acquisition ; la commune l’avisa de son souhait d’exercer son droit de priorité au prix prévu au contrat. Arguant d’une atteinte à son droit de propriété, le vendeur assigna la commune pour faire annuler la clause litigieuse. Il fut débouté. Cette solution est confirmée par l’arrêt du 23 septembre 2009.
La qualification de la clause — pacte de préférence — ne soulevait pas de difficulté : le propriétaire du bien s'était engagé, au cas où il le vendrait, à donner la préférence au bénéficiaire du pacte. Quant à la stipulation d’un délai, elle n’est pas une condition de validité du pacte (Civ. 1re, 6 juin 2001 ; Civ. 1re, 15 janv. 2003). L’article 1660 du code civil visant la faculté de rachat étant inapplicable, le pacte de préférence peut être stipulé pour un terme excédant cinq années (ici, vingt ans). La prédétermination du prix ne conditionne pas davantage la validité de la clause, mais dès l’instant où un terme a été fixé, il devient possible d'insérer un prix. Comme tout contrat, le pacte de préférence a un effet obligatoire (art. 1134, al. 1er, C. civ.) : le promettant doit proposer par priorité son bien au bénéficiaire, aux prix et délai prévus. En revanche, il ne prive pas le propriétaire de sa propriété (art. 544 C. civ. ; art. 1er Protoc. add. n° 1 à la Conv. EDH) : il ne force pas le propriétaire à vendre.
Pour la Cour de cassation, c’est à bon droit que la cour d’appel a, en l’espèce, retenu que « les modalités stipulées, notamment quant à la durée de validité de la clause, n’étaient pas, au regard de la nature et de l’objet de l’opération réalisée, constitutives d’une atteinte au droit de propriété ». La Haute Cour relève que la stipulation, librement convenue, « avait pour but, en fixant d'ores et déjà un prix, institué pour une durée de vingt ans, d'empêcher la spéculation sur le bien dans un contexte marqué par la rareté de l'offre et le "décrochage" des possibilités financières de la plupart des ménages par rapport à l'envolée des prix de l'immobilier », et que le promettant « avait bénéficié, en contrepartie de son acceptation, de la possibilité d'accéder à un marché protégé ».
Civ. 3e, 23 septembre 2009, FS-P+B, n° 08-18.187
Référence
■ Pacte de préférence
« Convention par laquelle le propriétaire d’un bien, pour le cas où il le vendrait, le réserve au bénéficiaire de la clause, de préférence à toute autre personne, pour un prix déterminé ou déterminable. En cas de méconnaissance de cette clause et de vente à un tiers, le bénéficiaire peut obtenir sa substitution audit tiers, si celui-ci connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code civil
Article 544
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
Article 1134
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Article 1660
« On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d'usage, quoiqu'elles n'y soient pas exprimées. »
■ Article 1er du Protocol additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l’homme
Article 1. Protection de la propriété
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
■ Civ. 1re, 6 juin 2001, Bull. civ. I, n° 166 ; RTD civ. 2002. 88, obs. Mestre.
■ Civ. 1er, 15 janv. 2003, D. 2003. Jur. 1190, note Kenfack.
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