Actualité > À la une
À la une
Droit des obligations
Paiement de la dette d'autrui : la charge de la preuve de l'obligation de remboursement pèse sur le solvens
Mots-clefs : Dette d’autrui, Paiement, Recours du tiers solvens, Charge de la preuve
Il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait pour le débiteur l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées.
Payer la dette d’autrui, l’hypothèse est expressément prévue par l’article 1236, alinéa 2, du Code civil. En revanche, cette disposition reste muette sur les conséquences d’un tel paiement, et notamment sur la possibilité d’un recours du tiers-payeur, le solvens, contre le débiteur. La question s’est pourtant rapidement posée. Si le tiers est intéressé à la dette (exemple de la caution), la réponse est, à l’évidence, positive ; s’il ne l’est pas mais qu’il bénéficie d’une subrogation légale ou conventionnelle, le recours est, là encore, possible. Reste le cas, celui de l’arrêt commenté, où le tiers paye la dette d’autrui sans être subrogé dans les droits du créancier. En l’espèce, une personne acquitte, pour le compte de son frère, une dette auprès d’une banque. Souhaitant être remboursé, le frère solvens exerce un recours auprès d’un juge de proximité, qui lui donne raison : l’obligation de rembourser la dette est justifiée par l’incapacité du débiteur à rapporter la preuve de l’intention libérale de son frère. Le jugement est cassé. À la question de la charge probatoire du paiement de la dette d’autrui, la première chambre civile répond que pour obtenir gain de cause, le tiers solvens qui décide d’exercer un recours doit démontrer que « la cause dont procède son paiement implique, pour le débiteur, l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées ». Le tiers-payeur ne bénéficie donc pas d’un recours systématique contre le débiteur ; encore faut-il qu’il démontre que la cause de ce paiement emporte à la charge du débiteur l’obligation de lui rembourser la somme qu’il a payée pour lui.
La même chambre s’était déjà prononcée en des termes identiques (Civ. 1re, 2 juin 1992 ; Civ. 1re, 17 nov. 1993) pour faire reposer la charge de la preuve sur le solvens, dont l’intention libérale se trouve ainsi présumée. Compte tenu de cette présomption simple de libéralité, le solvens qui prétend devoir être remboursé aura la lourde tâche, pour obtenir gain de cause dans son recours, soit de démontrer l’existence d’un contrat préexistant — mandat ou prêt —, soit d’invoquer le fondement quasi contractuel de la gestion d’affaires.
Rappelons toutefois que les juges ne se sont pas toujours montrés aussi sévères envers le tiers solvens. En effet, dans un arrêt aussi remarqué que critiqué (Civ.1re, 15 mars 1990), la première chambre civile avait au contraire affirmé que le recours du tiers solvens, même non subrogé, avait sa cause dans le seul fait du paiement, générateur d’une obligation nouvelle distincte de celle éteinte par ledit paiement. Selon cette règle, sur laquelle la juridiction de proximité avait cru pouvoir se fonder, le recours du tiers solvens contre le débiteur ne dépendait que d’une seule condition, la preuve du paiement de la dette d’autrui. L’existence et l’exercice de ce recours ne supposaient donc pas qu’outre la preuve du paiement de la dette d’autrui, le solvens justifie des motifs d’un tel paiement. Favorable aux tiers, cette solution n’était pas sans danger pour le débiteur ; tout d’abord, en raison de l’obligation nouvelle le liant au solvens, qui le privait d’opposer à ce dernier les exceptions qu’il pouvait valablement opposer à son créancier originel ; ensuite, compte tenu de la charge de la preuve, le débiteur devant, pour faire échec à ce recours, apporter la preuve que la cause du paiement effectué par le tiers résidait dans une intention libérale.
L’arrêt commenté, confirmant la jurisprudence amorcée en 1992, se montre beaucoup moins indulgent envers le tiers qui paie pour autrui : c’est à lui de démontrer le motif de son paiement et que ce paiement emporte droit à remboursement.
Pour le droit des obligations, la générosité est donc présumée… La nouvelle est inespérée.
Civ. 1re, 9 févr. 2012, pourvoi n°10-28.475
Références
[Droit civil]
« Celui qui effectue le paiement d’une obligation. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
« Une obligation peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu'un coobligé ou une caution.
L'obligation peut même être acquittée par un tiers qui n'y est point intéressé, pourvu que ce tiers agisse au nom et en l'acquit du débiteur, ou que, s'il agit en son nom propre, il ne soit pas subrogé aux droits du créancier. »
■ Civ. 1re, 2 juin 1992, D. 1992. 407, obs. Ph. Delebecque ; RTD civ. 1993, 130, obs. J. Mestre.
■ Civ. 1re, 17 nov. 1993, RTD civ. 1994. 9, obs. J.Mestre ; Defrénois 1994. 810, obs. D. Mazeaud.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une