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Droit des régimes matrimoniaux
Partage des biens : l’appréciation de la lésion
Mots-clefs : Biens, Partage, Lésion, Notion, Appréciation, Indivision, Intégration
Lors du partage des biens des époux, l’appréciation de la lésion suppose de prendre en compte l’emprunt des époux, même lorsque seul l’un d’eux s’est engagé à le prendre en charge personnellement.
Un couple, marié sous le régime de la communauté, divorce. Les anciens époux organisent eux-mêmes le règlement des conséquences patrimoniales du divorce. Ainsi l’époux se voit-il attribuer un bien immobilier ; en contrepartie, il s’engage à rembourser le solde d’un prêt bancaire de 24 559, 53 euros, et à verser au comptant, le jour de la signature de l’acte authentique de partage, une soulte de 80 000 euros à son ex-épouse. Celle-ci l’ayant assigné en homologation de l’acte de partage, l’ex-mari invoque une lésion de plus du quart affectant ce partage. La cour d’appel rejette sa demande et le condamne à réitérer l’acte dans un délai déterminé sous astreinte au motif qu'il n'y a pas lieu de réintégrer dans l'indivision à partager le montant du solde du prêt demeurant dû dès lors que, aux termes de l'acte, il s’est expressément engagé à le prendre en charge à titre personnel.
La Cour de cassation censure cependant ce raisonnement au visa de l’article 889 du Code civil et affirme que « pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, il fallait reconstituer, à la date de l’acte litigieux, la masse à partager dans tous ses éléments actifs et passifs, de sorte qu’il y avait lieu de tenir compte de l’emprunt souscrit par les époux ».
Le principe en droit commun français des contrats est celui d’une admission exceptionnelle de la lésion.
L’article 1118 du Code civil dispose que, sauf dérogations légales, la lésion n’est pas une cause générale de nullité du contrat. Ainsi la lésion, quoiqu’elle se trouve dans le Code à proximité immédiate des textes relatifs aux vices du consentement, n’en fait pas partie. Elle vise le préjudice subi par l’une des parties au contrat de partage du fait de l’inégalité originaire des prestations réciproques ou des lots, disproportion de valeur à laquelle le droit français se montre généralement, et depuis longtemps, indifférent, même si, durant les années 1920, sous l’influence du mouvement de socialisation du droit des contrats, un certain nombre de juristes s’étaient interrogés sur l’opportunité de réformer le droit positif français en la matière, dès l’instant que le législateur multipliait les exceptions au principe et qu’ils avaient sous les yeux quelques exemples étrangers. Deux parlementaires avaient même déposé une proposition de loi pour compléter l’article 1118 [Proposition de loi de MM. Guibal et Dupin (20 juin 1920) : « La lésion est une cause de rescision des conventions si la disproportion des obligations qui en résulte est énorme et a été déterminée par l’exploitation de la gêne, de la légèreté ou de l’inexpérience du lésé »], laquelle n’a cependant connu aucune suite.
Par principe, le contrat lésionnaire est valable (marque du libéralisme classique prévalant en droit commun des contrats), le refus des rédacteurs du Code civil d’admettre un principe général sanctionnant la lésion dans les contrats n’ayant jamais été démenti. En la matière, c’est l’autonomie de la volonté qui préside ou, plus précisément, le principe contractuel de la commutativité subjective contenue dans l’article 1104 du Code civil, selon lequel chacune des parties s’engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne, ou de ce qu’on fait pour elle.
C’est dire que la valeur de l’engagement libre l’emporte sur le déséquilibre objectif du contrat, ignoré au point de justifier, notamment, le refus de sanctionner l’erreur sur la valeur, de réviser le contrat pour imprévision ou, enfin, de rescinder le contrat lésionnaire, à quelques exceptions près, cependant, dont le partage, hypothèse de l’espèce, fait partie.
Le partage permet de répartir, entre plusieurs personnes, un patrimoine. L’égalité étant l’âme du partage, il n’y a pas de bons partages inégalitaires. De fait, le seuil de la lésion est relativement bas car une lésion du quart suffit pour engager une action en rescision. En vertu de l’article 889 du Code civil, le copartageant qui estime avoir été lésé de plus du quart peut réclamer un complément de part dans les deux ans à compter du partage, l’appréciation de la lésion supposant d’évaluer les objets à partager suivant leur valeur à l’époque du partage.
Mais encore faut-il, comme le rappelle ici la Cour de cassation, que tous les éléments de la masse partageable soient pris en compte.
L’opération de partage suppose donc l’établissement de comptes. Dans cette perspective, pour apprécier le caractère lésionnaire d’un partage de communauté, il est nécessaire de prendre en compte la liquidation et le règlement d’ensemble des droits des copartageants, sans omettre le montant des soldes des comptes de récompenses (Civ.1re, 16 juin 2011). Autrement dit, il faut aussi prendre en compte le solde créditeur du compte des récompenses.
Civ. 1re, 18 mars 2015, n° 14-10.730
Références
■ Code civil
« Lorsque l'un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature. Pour apprécier s'il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l'époque du partage.
L'action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage. »
« Il est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle.
Lorsque l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d'après un événement incertain, le contrat est aléatoire. «
« La lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l'égard de certaines personnes, ainsi qu'il sera expliqué en la même section. »
■ Civ.1re, 16 juin 2011, n° 10-18.562.
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