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Procédure pénale
Pas de composition conjugale de la juridiction !
Mots-clefs : Impartialité, Mariage, Incompatibilités familiales
En vertu du principe d’impartialité posé à l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article préliminaire du Code de procédure pénale, un juge ne peut siéger dans une cause pour laquelle l’action publique a été exercée par son conjoint procureur de la République ou au nom de celui-ci.
L’exigence d’impartialité des juridictions répressives emporte classiquement des incompatibilités fonctionnelles, lesquelles prohibent l'exercice de différentes fonctions juridictionnelles par un même juge, dans une même affaire et se traduisent par la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement. Ainsi, par exemple, un magistrat ne peut-il pas connaitre successivement d'une affaire en tant que juge des libertés, lors d'une demande de mise en liberté du prévenu, puis en tant que juge d'appel statuant sur sa culpabilité (Crim. 16 mai 2007, n° 06-85.347) cumuler les fonctions de juge correctionnel appelé à statuer sur les seuls intérêts civils et de juge délégué aux victimes (Cass., avis, 20 juin 2008, n° 0080005P). Mais au-delà, le respect du principe d’impartialité emporte également des incompatibilités familiales.
Ces dernières sont d’ailleurs expressément prévues par l’article L. 111-10 du Code de l'organisation judiciaire lequel interdit sauf dispense accordée par décret, aux conjoints (auquel est assimilé le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin) , aux parents ou alliés, jusqu'au degré d'oncle et de neveu inclusivement, de faire partie d'un même tribunal ou d'une même cour, en quelque qualité que ce soit. En revanche, le fait qu’une partie civile soit le conjoint d’un membre de la juridiction n’est pas de nature à remettre en cause l'impartialité de celle-ci dès lors que ce magistrat n'a pas participé au jugement de l'affaire (Crim., 27 janv. 2015, n° 13-87.612).
Dans l’hypothèse où une dispense est accordée, les conjoints, parents ou alliés intéressés ne peuvent siéger dans une même cause. Si ces cas de parenté ou d'alliance constituent des causes de récusation au sens de l'article 668 du Code de procédure pénale, ils permettent aussi d’obtenir l’annulation de la décision rendue. Ont ainsi été annulées des décisions rendues au premier ou au second degré par des juridictions où siégeaient dans une même cause deux magistrats conjoints (Crim., 19 mai 1978, n° 76-91.681. Crim., 26 janv. 1982, n° 81-92.433). C’est également le cas lorsque un lien matrimonial unit le magistrat du siège et celui parquet en charge des poursuites dans une même cause (Crim., 29 févr. 1996, n° 95-82.648) comme le rappelle la chambre criminelle dans la présente affaire.
En l’espèce, la cour d’appel de Lyon, avait condamné un individu pour violences aggravées, rébellion et contravention de violences, à dix-huit mois d’emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l’épreuve, 500 euros d’amende, trois ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille. Or, le procureur, en charge des poursuites et ayant interjeté appel, était l’époux de l’une des conseillère ayant siégé lors du procès en appel. Contestant la composition de la juridiction, pour défaut d’indépendance et d’impartialité, le demandeur au pourvoi obtient fort logiquement la cassation de l’arrêt. Au visa de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, la chambre criminelle rappelle « qu’un juge ne peut siéger dans une cause pour laquelle l’action publique a été exercée par son conjoint procureur de la République ou au nom de celui-ci ». Une telle situation est « de nature à créer, dans l’esprit du prévenu, un doute raisonnable sur l’impartialité de la juridiction ».
Il est à noter que, la Cour de cassation tire de l'article 6 de la Convention européenne et de l’article préliminaire du Code de procédure pénale la conséquence que deux magistrats conjoints ne peuvent connaître d'une même cause. La cassation n’est pas prononcée au visa de l’article du Code de l'organisation judiciaire qui a pourtant valeur législative.
Crim. 9 juin 2015, n° 14-83.322
Références
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 6, § 1.
Droit à un procès équitable. 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
■ Code de procédure pénale
Article préliminaire
« I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.
Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
II.-L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.
Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code.
Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.
Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.
En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »
Article 668
« Tout juge ou conseiller peut être récusé pour les causes ci-après :
1° Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin sont parents ou alliés de l'une des parties ou de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement.
La récusation peut être exercée contre le juge, même au cas de divorce ou de décès de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin, s'il a été allié d'une des parties jusqu'au deuxième degré inclusivement ;
2° Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, si les personnes dont il est tuteur, subrogé tuteur, curateur ou conseil judiciaire, si les sociétés ou associations à l'administration ou à la surveillance desquelles il participe ont intérêt dans la contestation ;
3° Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, est parent ou allié, jusqu'au degré indiqué ci-dessus, du tuteur, subrogé tuteur, curateur ou conseil judiciaire d'une des parties ou d'un administrateur, directeur ou gérant d'une société, partie en cause ;
4° Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, se trouve dans une situation de dépendance vis-à-vis d'une des parties ;
5° Si le juge a connu du procès comme magistrat, arbitre ou conseil, ou s'il a déposé comme témoin sur les faits du procès ;
6° S'il y a eu procès entre le juge, son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin leurs parents ou alliés en ligne directe, et l'une des parties, son conjoint, ou ses parents ou alliés dans la même ligne ;
7° Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ont un procès devant un tribunal où l'une des parties est juge ;
8° Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, leurs parents ou alliés en ligne directe ont un différend sur pareille question que celle débattue entre les parties ;
9° S'il y a eu entre le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin et une des parties toutes manifestations assez graves pour faire suspecter son impartialité. »
■ Code de l'organisation judiciaire
Article L. 111-10
« Les conjoints, les parents et alliés jusqu'au troisième degré inclus ne peuvent, sauf dispense, être simultanément membres d'un même tribunal ou d'une même cour en quelque qualité que ce soit.
Aucune dispense ne peut être accordée lorsque la juridiction ne comprend qu'une chambre ou que l'un des conjoints, parents ou alliés au degré mentionné à l'alinéa précédent est le président de la juridiction ou le chef du parquet près celle-ci.
En aucun cas, même si la dispense est accordée, les conjoints, les parents ou alliés mentionnés à l'alinéa premier ne peuvent siéger dans une même cause. »
■ Crim. 16 mai 2007, n° 06-85.347, Bull. crim. no 128, AJ pénal 2007. 386, obs. C. Saas, Dalloz actualité 21 juin 2007, obs. A. Darsonville.
■ Cass., avis, 20 juin 2008, n° 0080005P, Dalloz actualité, 9 juill. 2008, obs. M. Léna.
■ Crim., 27 janv. 2015, n° 13-87.612.
■ Crim., 19 mai 1978, n° 76-91.681, Bull. crim., n° 159.
■ Crim., 26 janv. 1982, n° 81-92.433, Bull. crim., n° 31.
■ Crim., 29 févr. 1996, n° 95-82.648, Bull. crim., n° 99.
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