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Droit de la sécurité sociale - protection sociale
Pas de congé de « paternité » pour la compagne de la mère de l'enfant
Mots-clefs : Pacs, Filiation, Homosexualité, Congé de paternité (ouverture, non)
Les textes qui réservent, à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique, le bénéfice du congé de paternité au père de l'enfant, excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle et ne portent pas atteinte au droit à la vie familiale.
À l'occasion de la naissance de l'enfant de sa compagne, avec laquelle elle avait conclu un pacte civil de solidarité, une femme homosexuelle avait demandé à sa caisse primaire d'assurance maladie le bénéfice des indemnités journalières dues au titre du congé de paternité. Sa demande fut rejetée par la caisse, puis par les juges du fond, aux motifs que les termes employés par le Code de la sécurité sociale (art. L. 331-8) et le Code du travail (art. L. 1225-35 c. trav.) étaient clairs et dénués d'ambiguïté quant à la qualité du bénéficiaire du congé, qui ne saurait être le compagnon ou la compagne de la mère, mais le seul père de l'enfant, donc une personne du sexe masculin rattachée à l'enfant par un lien de filiation juridiquement établi.
Dans son pourvoi, l'intéressée faisait valoir deux arguments, sur le fondement de textes constitutionnels (art. 1er Constitution, art. 1er DDHC, 10e et 11e al. Préambule de 1946) et européens (art. 13 Traité UE, art. 21 Charte des droits fondamentaux de l'UE, art. 8 et 14 Conv. EDH) : l'existence d'une discrimination illicite (fondée sur le sexe ou l'orientation sexuelle) et la violation du droit au respect de la vie privée et familiale. Prétentions repoussées par la deuxième chambre civile dans l'arrêt du 11 mars 2010, la Haute cour estimant qu'« il résulte des articles L. 331-8 et D. 331-4 du code de la sécurité sociale, que le bénéfice du congé de paternité est ouvert, à raison de l'existence d'un lien de filiation juridique, au père de l'enfant [et] que ces textes excluent toute discrimination selon le sexe ou l'orientation sexuelle, et ne portent pas atteinte au droit à une vie familiale ».
Cette décision, qui ne surprend guère (v. déjà en ce sens, l'arrêt d'appel : Rennes, 30 janv. 2008), relance de nouveau indirectement la question de la filiation dans le cas de couples homosexuels, dès lors que les dispositions relatives au congé de paternité prévues par le Code de la sécurité sociale sont applicables aux enfants nés « ou adoptés » à partir du 1er janvier 2002 (ainsi qu'aux enfants nés avant cette date alors que leur naissance présumée était postérieure au 31 déc. 2001 ; art. 55-XXII de la L. no 2001-1246 du 21 déc. 2001 ; sur la problématique de l'adoption par les couples homosexuels, v. récemment TA Besançon, 10 nov. 2009, Mme B.).
Civ. 2e, 11 mars 2010, n° 09-65.853, F-B+B
Références
■ CA Rennes, 30 janv. 2008, RDSS 2008. 384, obs. Badel.
■ TA Besançon, 10 nov. 2009, Mme B., Dalloz actualité, 13 nov. 2009.
■ Code de la sécurité sociale
« Après la naissance de son enfant et dans un délai fixé par décret, le père assuré reçoit, pendant une durée maximale de onze jours consécutifs et dans les mêmes conditions d'ouverture de droit, de liquidation et de service, l'indemnité journalière visée à l'article L. 331-3, sous réserve de cesser toute activité salariée ou assimilée.
En cas de naissances multiples, la durée maximale fixée au précédent alinéa est égale à dix-huit jours consécutifs.
L'indemnité journalière n'est pas cumulable avec l'indemnisation des congés maladie et d'accident du travail, ni avec l'indemnisation par l'assurance chômage ou le régime de solidarité.
Un décret fixe les modalités d'application du présent article ».
« Pour bénéficier de l'indemnité journalière prévue à l'article L. 331-8, l'assuré doit adresser à l'organisme de sécurité sociale dont il relève la ou les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et attester de la cessation de son activité professionnelle dans les mêmes conditions que celles applicables à l'indemnité prévue à l'article L. 331-3. »
■ Art. L. 1225-35 du Code du travail
« Après la naissance de son enfant et dans un délai déterminé par décret, le père salarié bénéficie d'un congé de paternité de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples.
Le congé de paternité entraîne la suspension du contrat de travail.
Le salarié qui souhaite bénéficier du congé de paternité avertit son employeur au moins un mois avant la date à laquelle il envisage de le prendre, en précisant la date à laquelle il entend y mettre fin. »
■ Article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
■ Article 1er. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »
■ Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
« 10. La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
11. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
■ Article 13 du traité sur l’UE
« 1. L'Union dispose d'un cadre institutionnel visant à promouvoir ses valeurs, poursuivre ses objectifs, servir ses intérêts, ceux de ses citoyens, et ceux des États membres, ainsi qu'à assurer la cohérence, l'efficacité et la continuité de ses politiques et de ses actions.(…) »
■ Article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE
Non-discrimination
« 1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d'application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite. »
Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 14 – Interdiction de discrimination
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
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